Actes du martyre de Crispine

« Une religion qui fait torturer ceux qui n’y adhère pas n’en est pas une. »
Lundi 6 juin 2005 — Dernier ajout vendredi 9 avril 2010

Cette martyre a été prise dans la dernière persécution de l’Empire romain, celle de Galère, qui fut la plus terrible, parce qu’elle représentait l’ultime effort, mais déjà désespéré, de l’État contre la religion nouvelle : dix ans plus tard, l’Église triomphait.
La dureté du proconsul reflète l’impatience et l’anxiété de la politique romaine. Crispine sortait d’une très noble famille, elle était mariée et mère de plusieurs enfants. Sa sérénité, sa fière assurance, son esprit de répartie tranchent sur la sécheresse de son juge.

L’an 304 à Théveste en Numidie

Le cortège des vierges

Sous le neuvième consulat de Dioclétien et le huitième de Maximien, le 5 décembre, dans la colonie de Théveste, le proconsul Anulinus siège au tribunal, dans la salle d’audience. Le greffier prend la parole :
« Crispine de Thagore a bravé l’édit de nos maîtres et seigneurs. Elle peut être entendue, si tu l’ordonnes. »
Le proconsul Anulinus : « Introduisez-la. »

Crispine entre.

Anulinus : « Crispine, connais-tu le texte de l’édit religieux ? »
Crispine : « Pas du tout. Qu’ordonne-t-il ? »
Anulinus : « De sacrifier à tous nos dieux pour le salut des empereurs. Telle est la loi promulguée par ceux qui nous gouvernent, Dioclétien et Maximien, nos pieux Augustes, et Constance et Maxime, nos très nobles Césars. »
Crispine : « Je n’ai jamais sacrifié et je ne sacrifie pas, sinon au Dieu unique et véritable et à notre Seigneur Jésus-Christ, son Fils qui est né et qui a souffert. »
Anulinus : « Renonce à ta superstition, et courbe la tête devant les statues des dieux romains ! »
Crispine : « Tous les jours, j’invoque mon Dieu tout-puissant : je n’en connais pas d’autres que lui. »
Anulinus : « Insolente, entêtée ! Tu vas apprendre à tes dépens la rigueur de nos lois. »
Crispine : « Quoiqu’il arrive, je souffrirai volontiers au nom de la foi que j’ai embrassée. »
Anulinus : « Faut-il que tu sois stupide pour t’obstiner dans la superstition et ne pas adorer nos divinités sacrées ! »
Crispine : « J’adore tous les jours, mais c’est le Dieu vivant et vrai, il est mon Seigneur, je n’en connais pas d’autre que lui. »
Anulinus : « Je te répète le commandement impérial : soumets-toi. »
Crispine : « Je me soumettrai, mais au commandement de mon Seigneur Jésus-Christ. »
Anulinus : « Je te fais trancher la tête si tu résistes encore aux ordres des empereurs, nos maîtres : tu es obligée de leur obéir et de leur rester fidèle. D’ailleurs, l’Afrique entière a sacrifié, tu ne l’ignores pas. »
Crispine : « Jamais on n’arrivera à me faire sacrifier à des démons. Je sacrifie au Seigneur qui a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent. »
Anulinus : « Ces dieux que tu dédaignes, tu es pourtant obligée de les servir si tu veux rester en vie et pratiquer une religion. »
Crispine : « Une religion qui fait torturer ceux qui n’y adhère pas n’en est pas une. »
Anulinus : « Voyons ! Pour toute religion, nous te demandons d’incliner ton front, dans les templses, et d’offrir de l’encens aux dieux romains ! »
Crispine : « Je ne l’ai jamais fait depuis que je suis au monde ; je reste étrangère à vos rites, et, tant que je vivrai, je ne les honorerai pas. »
Anulinus : « Il le faudra pourtant si tu veux échapper aux sévérités de la loi. »
Crispine : « Ta menace ne m’effraie pas, c’est du néant. Mais si je commets un sacrilège, mon Dieu qui est dans les cieux, m’abandonnera et, au dernier jour, il me rejettera. »
Anulinus : « Qui obéit à des lois sacrées ne commet pas un sacrilège. »
Crispine : « Ces dieux qui n’ont pas fait le ciel et la terre, qu’ils périssent. Je sacrifie, moi, au Dieu éternel, vivant aux siècles des siècles, il est le Dieu vrai et redoutable, il a fait la mer, les vertes prairies, le sable du désert. Qu’ai-je à craindre de ceux qui ne sont que ses créatures ? »
Anulinus : « Observe la religion romaine, comme le font nos seigneurs, les Césars à jamais victorieux, et nous-mêmes. »
Crispine : « Je te le dis et redis, je suis prête à subir tous les supplices que tu voudras, mais salir mon âme au contact de vos idoles de pierre, fabriquées par des mains d’hommes, jamais. »
Anulinus : « Tu blasphèmes et tu coopères bien mal à ton salut ! »
Anulinus ajouta, à l’adresse du greffier : « Qu’elle subisse tous les avilissements ! Prenez le rasoir, tondez-lui la tête. Que son visage essuie le premier les outrages. »
Crispine : « Que parlent tes dieux, et je crois ! Si je ne cherchais pas mon salut, je n’aurais pas eu a comparaître devant ton tribunal. »
Anulinus : « Veux-tu vivre longtemps ou mourir dans les tourments, comme tant de tes compagnes ? »
Crispine : « Si je voulais mourir et livrer mon âme au ravage du feu éternel, je donnerais ma foi à tes démons. »
Anulinus : « Je te ferai couper la tête si tu refuses d’adorer nos dieux vénérables. »
Crispine : « Je rendrai grâce à mon Dieu d’une pareille fain. Je consens de tout mon cœur à avoir la tête tranchée pour mon Dieu, mais, à vos idoles illusoires, muettes et sourdes, je ne sacrifierai pas. »
Anulinus : « Tu persistes dans ta résolution insensée ? »
Crispine : « Mon Dieu qui est et qui demeure éternellement m’a fait naître, il m’a sauvée par l’eau vivifiante du baptême, il est avec moi, il soutient et fortifie sa servante en toutes ses épreuves. Grâce à lui, j’échapperai au sacrilège. »
Anulinus : « _ Anulinus : « Pourquoi souffrir plus longtemps les insolences de cette chrétienne ? Qu’on relise les actes du procès. »

Quand ce fut chose faite, le proconsul Anulinus lut la sentence sur ses tablettes : « Crispine s’obstine dans son infâme superstition et refuse de sacrifier à nos dieux. Aux termes de la sainte loi d’Auguste, j’ordonne qu’elle soit châtiée par l’épée. »

Crispine : « Je bénis mon Dieu, et le remercie de la grâce qu’il m’accorde en me libérant ainsi de tes mains. Grâces lui soient rendues ! »

Elle traça sur son front le signe de la croix, tendit sa nuque et fut décapitée pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, à qui l’honneur aux siècles des siècles. Amen !

Sources :

Bruno Chenu et alii, Le livre des martyrs chrétiens, Centurion, Paris 1988, p. 99-101.

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