Actes du martyre de Cyprien

Dimanche 5 novembre 2006 — Dernier ajout vendredi 9 avril 2010
Martyre de Cyprien
Bibliothèque Nationale

Saint Cyprien meurt le 14 septembre 258, victime des persécutions romaines.
Sous Valérien, successeur de Dèce, la persécution mollit. Cet empereur pratiqua d’abord une politique de tolérance, qui s’interrompit brusquement en 257 sous l’influence de Macrien, ministre des Finances. Mystique païen, celui-ci abhorrait le christianisme, et, de surcroît, il vit dans la reprise des persécutions une façon de renflouer les finances de l’Empire, alors désastreuses. Clercs et laïcs de haut rang furent l’objet de ses spoliations.
La persécution fut sanglante. Un premier édit, en 257, interdit, pour la première fois, le culte des chrétiens. Cyprien fut exilé, ce qui ne l’empêcha pas de veiller encore sur son Église, par l’envoi de ses lettres et de consolations matérielles. Un an plus tard, un second édit exigea la mise à mort de tout le clergé réfractaire aux sacrifices romains. La mesure frappa aussitôt Cyprien. Son martyre, exemplaire de fermeté et de sobriété, fit de lui une des figures les plus vénérées de l’Afrique.

Sous le quatrième consulat de Valérien et le troisième de Gallien, trois jours avant les Calendes de septembre (30 août,voir), à Carthage, dans la salle d’audience, le proconsul Paternus dit à l’évêque Cyprien : « Nos très saints empereurs Valérien et Gallien ont daigné me faire savoir par courrier que ceux qui ne pratiquent pas la religion romaine sont néanmoins tenus de prendre part à ses cérémonies. J’ai donc ouvert une enquête à ton sujet. Qu’as-tu à me déclarer ? »

L’évêque Cyprien : « Je suis chrétien et évêque. Je ne connais pas d’autre Dieu que le Dieu unique et véritable, qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent. Ce Dieu, nous le servons, nous les chrétiens, nous le prions jour et nuit, pour nous, pour tous les hommes et pour le propre salut des empereurs. »
Paternus : « Persévères-tu dans ta croyance ? »
Cyprien : « Une croyance juste, qui connaît Dieu, est immuable. »
Paternus : « Tu es donc prêt à l’exil, selon l’arrêté de Valérien et Gallien ? Tu partiras à Curubis »
Cyprien : « Je pars. »
Paternus : « Le courrier qu’ils m’ont envoyé ne concernait pas seulement les évêques, mais aussi les prêtres. Je te prie donc de me donner les noms des prêtres domiciliés dans notre ville. »
Cyprien : « Vos lois ont assez de sagesse et de tenue pour condamner les délateurs. Aussi ne révélerai-je pas l’identité de ces prêtres. Vous les trouverez bien dans leurs cités. »
Paternus : « Aujourd’hui même, je les fais rechercher dans notre ville. »
Cyprien : « Notre règle interdit que l’on se livre soi-même aux autorités ; à toi aussi, sans doute, ce zèle semblerait de mauvais aloi. Ils ne vont donc pas se dénoncer les premiers. Mais, en les cherchant, tu les trouveras.
Paternus : « Oui, je les trouverai. L’édit impérial défend aussi que l’on tienne des assemblées en quelque lieu que ce soit et que l’on pénètre dans les cimetières. Qui enfreindra cette saine mesure sera puni de mort.
Cyprien : « Exécute les ordres que tu as reçus. »
Alors le proconsul Paternus fit déporter le bienheureux évêque Cyprien, qui demeura longtemps en exil.

Cependant, le proconsul Galère Maxime succéda au proconsul Aspasius Paternus. Le nouveau venu rappela l’évêque de son bannissement et demanda à ce qu’il comparût devant lui. Le saint martyr Cyprien, l’élu de Dieu, revint donc de la ville de Curubis, où l’avait envoyé le proconsul précédent, Aspasius Paternus, et un rescrit sacré l’autorisa à séjourner sur ses terres. Là, il s’attendait tous les jours à une nouvelle arrestation, dont un songe l’avait averti. C’est donc dans cette retraite que le jour des Ides se septembre (13 septembre, voir), sous les consulats de Tuscus et Bassus, deux officiers firent irruption. L’un était l’écuyer d’état-major du proconsul Galère Maxime, le successeur d’Aspasius Paternus, l’autre, écuyer de cavalerie, servait dans le même état-major. Ils le firent monter dans leur char, le placèrent entre eux deux, et le conduisirent à Sexti,où le proconsul Galère Maxime s’était retiré pour des raisons de santé.

Galère Maxime préféra remettre au lendemain son entrevue avec Cyprien. Le bienheureux évêque fut alors emmené chez l’officier qui était l’écuyer d’état-major de l’illustre Galère Maxime, et qui le reçut sous son toit dans un quartier appelé Saturne, entre la rue de Vénus et la rue Salutaire. Tout le peuple de ses frères vint s’attrouper à cet endroit. Quand Cyprien s’en aperçut, il ordonna que l’on mît les jeunes filles en sécurité car la foule était massée dans la rue, devant la porte de l’officier, son hôte.

Le lendemain, dix-huitième jour des calendes d’octobre (14 septembre,voir), au matin, l’ordre du proconsul Galère Maxime avait produit son effet : Sexti regorgeait de monde. Le proconsul ordonna que Cyprien comparût devant lui, à l’atrium Sauciolum, où il siégeait. On introduisit le prisonnier.

Proconsul Galère Maxime : « Est-ce toi, Thacius Cyprianus ? »
Evêque Cyprien : « C’est moi. »
Galère Maxime : « C’est bien toi qui te fais appeler père par ces bandes d’impies ? »
Cyprien : « C’est moi. »
Galère Maxime : « Nos très saints empereurs te somment de participer aux sacrifices. »
Cyprien : « Je n’en ferai rien. »
Galère Maxime : « Prends garde à toi. »
Cyprien : « Exécute les ordres que tu as reçus. Dans une affaire aussi simple, tu n’as pas à hésiter. »

Galère Maxime délibéra avec son conseil et rendit, mais à contrecœur, la sentence : « Depuis longtemps tu professes des opinions sacrilèges, tu as rassemblé autour de toi des groupes de conspirateurs criminels, et tu t’es fait l’ennemi des dieux romains et de leurs cultes sacrés. Les pieux et très saints empereurs Valérien et Gallien, nos Augustes, et Valérien, le très noble César, n’ont pas pu te ramener à l’observance de nos cérémonies. La preuve est faite que tu es l’instigateur et le porte-parole d’actions particulièrement répréhensibles. Tu serviras donc d’exemple à ceux que tu as pris pour complices de ton crime : ton sang sera versé, conformément à la loi. »
Il lut ensuite le verdict sur ses tablettes : « Thascius Cyprianus périra par l’épée. Tel est notre jugement. » L’évêque Cyprien dit : « Grâces soient à Dieu ! »

Après cette sentence, le peuple des frères s’écriait : « Qu’on nous décapite avec lui ! » Il s’ensuivit parmi eux une grande agitation, et en foule ils escortèrent le saint.

Cyprien fut conduit dans un champ très près de Sexti. Là il se dépouilla de son manteau de bure, mit genoux à terre et d’abîma dans la prière. Puis il enleva sa dalmatique et la remit aux gardes. Debout, en tunique de lin, il attendit le bourreau. Quand celui-ci fut arrivé, le martyr ordonna à ses frères de lui verser vingt-cinq pièces d’or. Et déjà les chrétiens plaçaient devant lui des linges et des toiles de lin. Puis le bienheureux Cyprien se banda lui-même les yeux et, comme il ne pouvait se lier tout seul les mains, il se fit aider par le prêtre Julien et le sous-diacre Julien. Alors le bienheureux Cyprien souffrit sa passion.

Son corps fut emporté non loin de là, pour le soustraire à la curiosité des païens. La nuit venue, on vint le prendre, à la lueur des cierges et des torches, et on l’emporta&, au milieu des prières et en grand triomphe, au cimetière du proconsul Macrobius Candidatus, situé sur la route de Mappala, près des piscines.

Le proconsul Galère Maxime mourut peu de jours après.

Le bienheureux Cyprien fut martyrisé le dix-huitième jour des calendes d’octobre (14 septembre,voir), sous les empereurs Valérien et Gallien, ou plutôt sous le règne de notre Seigneur Jésus-Christ à qui sont honneur et gloire aux siècles des siècles. Amen.

Sources :

D’après Bruno Chenu et alii, Le livre des martyrs chrétiens, Centurion, Paris 1988, p. 95-98.

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