Éphrem le Syrien : méditation sur la Passion

Treizième hymne sur les Azymes
Jeudi 11 mars 2004 — Dernier ajout vendredi 9 avril 2010

Éphrem le Syrien (306-373) a composé de nombreuses hymnes doctrinales, polémiques et liturgiques. Les collections liturgiques célèbrent les grandes fêtes chrétiennes. À cette catégorie appartiennent les Hymnes pascales qui réunissent en réalité trois recueils distincts : les Hymnes sur les Azymes, les Hymnes sur la Crucifixion et les Hymnes sur la Résurrection. Vous découvrirez ci-dessous la treizième hymne sur les Azymes.

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On sait peu de chose sur la vie d’Éphrem le Syrien (306-373). Son ministère d’allânâ (diacre ?) et d’hymnographe a eu d’abord pour cadre Nisibe, puis Édesse, deux villes de Mésopotamie, l’actuel Iraq. Il a composé un corpus considérable de pièces métriques (madrâ_é) dont la tradition manuscrite est loin de nous laisser, malheureusement, l’intégralité. La thématique de cette vaste activité littéraire est à la fois doctrinale, polémique et liturgique.

Éphrem est un champion de la théologie apophatique au IVe siècle, à la fois contre les gnostiques Marcion, Mani, Bardesane et contre les ariens qu’il appelle « scrutateurs », nous dirions volontiers « inquisiteurs » du mystère trinitaire.
Les collections liturgiques célèbrent les grandes fêtes chrétiennes. À cette catégorie appartiennent les hymnes éditées et traduites en allemand par Edmund Beck (CSCO fasc. 248-249) sous le titre générique d’ Hymnes pascales, collection qui réunit en réalité trois recueils distincts : les Hymnes sur les Azymes, les Hymnes sur la Crucifixion et les Hymnes sur la Résurrection. Pareille séquence ne doit pas donner l’illusion d’un triduum pascal rigoureux, tel qu’il se constituera plus tard. Ce qui se dégage surtout des Hymnes pascales, c’est une double célébration : celle de la Passion du Seigneur et celle du renouveau printanier.

La note anti-judaïque, très présente, s’explique par la préoccupation pastorale du poète : empêcher la communauté chrétienne de « judaïser » dans une région où la communauté juive jouissait d’un certain establishment auprès des autorités de l’Empire perse, régulièrement persécuteur de la première.

HYMNE XIII

Mes frères, célébrons

En ce beau mois d’Avril

La fête, le triomphe

De l’Agneau véritable !

Refrain :

Que notre assemblée loue
L’Agneau, l’Agneau pascal
Que des loups dévorants
Ont occis en Avril !

Chez Anne Il était lié,

Mais en Lui se cachait

La Puissance logée

Au cœur de la fournaise.

Au tribunal, Silence !

Mais en Lui se cachaient

Les bouches de sagesse

Qui triomphent de tout.

En Son fond se calmait

L’orage de Sa voix

Qui terrifiait le Peuple

Sur le Mont Sinaï.

On Le tient, on L’emmène,

Tandis qu’en Lui se tait

La Puissance qui tient

Toute la création.

Judas L’a embrassé,

Mais en Lui se taisait

La semonce adressée

Au démon qui criait.

Hérode L’interroge,

L’humilie : Il se tait,

Quoique toutes les langues

Aient leur demeure en Lui.

Il chevauchait la Croix,

Bien qu’invisiblement

Il chevauchât le Char,

Celui des Chérubins.

On lui offrait du fiel,

Quoiqu’en Lui se cachât

La Douceur même, celle

Qui rend doux les amers.

Il eut soif, mendia l’eau,

Mais en Lui se cachait

Cette Source vivante

Qui donne au monde vie !

Pilate se lava,

Se purifia les mains :

Défaite pour le Peuple

Aux mains souillées de taches !

La boue née d’un crachat

Ouvrit des yeux aveugles ;

Grief contre le Peuple :

Pourquoi de tels outrages ?

Le Maître universel

A reçu des crachats,

Lui dont un Séraphin

Ne peut fixer l’éclat !

Chérubins, Séraphins,

Pendant qu’on Le bafouait,

Se cachaient le visage,

N’osant les yeux lever.

Pendant qu’on L’insultait,

Michel eut un frisson

Et Gabriel encore

En fut tout effaré.

Comme la création

N’avait, elle, aucun voile

Pour se cacher la face

Ainsi que d’un manteau,

Elle étendit la nuit,

Comme Sem et Japhet,

Pour ne point voir l’opprobre

De son Seigneur si pur.

Lorsqu’ Il poussa un cri,

Pour rencontrer Sa voix,

Dans le Temple très haut

Se souleva l’Esprit.

L’entendant incliner

La tête, avec ce cri,

L’Esprit fendit le voile,

Comme saisi d’effroi.

La création se mit

Un vêtement de deuil,

Pour le Fils de son Maître

Une mantille obscure.

Au Saint, la Résidence

A déchiré le voile

Qui lui servait d’atours :

C’est pour son Bien-Aimé.

La création requit

Un vêtement de deuil ;

Elle s’en couvrit toute

Et inclina la tête,

Pour confondre la Fille

De Sion, la crâneuse,

Dont les mains dégouttaient

Du sang de l’Héritier.

Le ciel, tout radieux

Au temps de Son Baptême,

Noircit et s’offusqua

Au temps de Sa Passion.

Il cachait, Lui, Sa gloire,

Et c’est pourquoi l’opprobre

Pouvait tâter de près

L’infinie Dignité.

La Mer des Roseaux, vite,

À Sa vue s’assécha :

Comment de Son visage

Approchent les crachats ?

Debout au tribunal…

Et en Lui se cachait

Le Jugement, le grand,

Celui qui est tout prêt !

Il était ceint d’épines

Chez les tailleurs de croix,

Lui qui avec les anges

En gloire reviendra.

Il était ceint d’épines

Et en Lui se cachait

La Puissance qui fait,

Qui défait tout aussi.

Il gisait au sépulcre

Et en Lui se taisait

Cette Voix qui fendait

Les plus âpres rochers.

Il gisait, embaumé,

Et en Lui se cachait

La Force qui dressait

Les ossements du val.

Tout lié comme un mort,

Il possédait la Voix

Qui appela Lazare,

En ses bandes lié.

Sources :

Les traductions présentées ici sont destinées à une publication à venir dans la Collection des « Sources Chrétiennes ». Les Hymnes sur la Nativité sont déjà parues (SC 459, Cerf 2001).

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