On sait peu de chose sur la vie d’Éphrem le Syrien (306-373). Son ministère d’allânâ (diacre ?) et d’hymnographe a eu d’abord pour cadre Nisibe, puis Édesse, deux villes de Mésopotamie, l’actuel Iraq. Il a composé un corpus considérable de pièces métriques (madrâ_é) dont la tradition manuscrite est loin de nous laisser, malheureusement, l’intégralité. La thématique de cette vaste activité littéraire est à la fois doctrinale, polémique et liturgique.
Éphrem est un champion de la théologie apophatique au IVe siècle, à la fois contre les gnostiques Marcion, Mani, Bardesane et contre les ariens qu’il appelle « scrutateurs », nous dirions volontiers « inquisiteurs » du mystère trinitaire.
Les collections liturgiques célèbrent les grandes fêtes chrétiennes. À cette catégorie appartiennent les hymnes éditées et traduites en allemand par Edmund Beck (CSCO fasc. 248-249) sous le titre générique d’ Hymnes pascales, collection qui réunit en réalité trois recueils distincts : les Hymnes sur les Azymes, les Hymnes sur la Crucifixion et les Hymnes sur la Résurrection. Pareille séquence ne doit pas donner l’illusion d’un triduum pascal rigoureux, tel qu’il se constituera plus tard. Ce qui se dégage surtout des Hymnes pascales, c’est une double célébration : celle de la Passion du Seigneur et celle du renouveau printanier.
La note anti-judaïque, très présente, s’explique par la préoccupation pastorale du poète : empêcher la communauté chrétienne de « judaïser » dans une région où la communauté juive jouissait d’un certain establishment auprès des autorités de l’Empire perse, régulièrement persécuteur de la première.
HYMNE XIII
Mes frères, célébrons
La fête, le triomphe
Refrain :
L’Agneau, l’Agneau pascal
Que des loups dévorants
Ont occis en Avril !
Chez Anne Il était lié,
La Puissance logée
Au tribunal, Silence !
Les bouches de sagesse
En Son fond se calmait
Qui terrifiait le Peuple
On Le tient, on L’emmène,
La Puissance qui tient
Judas L’a embrassé,
La semonce adressée
Hérode L’interroge,
Quoique toutes les langues
Il chevauchait la Croix,
Il chevauchât le Char,
On lui offrait du fiel,
La Douceur même, celle
Il eut soif, mendia l’eau,
Cette Source vivante
Pilate se lava,
Défaite pour le Peuple
La boue née d’un crachat
Grief contre le Peuple :
Le Maître universel
Lui dont un Séraphin
Chérubins, Séraphins,
Se cachaient le visage,
Pendant qu’on L’insultait,
Et Gabriel encore
Comme la création
Pour se cacher la face
Elle étendit la nuit,
Pour ne point voir l’opprobre
Lorsqu’ Il poussa un cri,
Dans le Temple très haut
L’entendant incliner
L’Esprit fendit le voile,
La création se mit
Pour le Fils de son Maître
Au Saint, la Résidence
Qui lui servait d’atours :
La création requit
Elle s’en couvrit toute
Pour confondre la Fille
Dont les mains dégouttaient
Le ciel, tout radieux
Noircit et s’offusqua
Il cachait, Lui, Sa gloire,
Pouvait tâter de près
La Mer des Roseaux, vite,
Comment de Son visage
Debout au tribunal…
Le Jugement, le grand,
Il était ceint d’épines
Lui qui avec les anges
Il était ceint d’épines
La Puissance qui fait,
Il gisait au sépulcre
Cette Voix qui fendait
Il gisait, embaumé,
La Force qui dressait
Tout lié comme un mort,
Qui appela Lazare,