Jacques de Saroug : Toi le prêtre qui est notre sel

Mardi 25 novembre 2008 — Dernier ajout samedi 3 avril 2010

Jacques de Saroug († 521) est l’un des plus grands docteurs syriens. Il fit ses études dans l’école très réputée d’Édesse puis il devint moine. Son œuvre poétique est considérable. Nous publions ici un passage de son Poème sur l’amour.

es actions mauvaises sont devenues de plus en plus graves
et même le prêtre se met en colère.
Lui, le gardien des mystères, il déteste son frère
et il se moque de lui.

Devant cela, est-ce que je vais me taire
ou parler avec respect ?
Est-ce que je vais parler clairement
ou fermer la bouche pour ne pas enseigner ?

Le prêtre est le sel de la terre
et c’est lui qui réconcilie ceux qui sont en colère.
Si lui-même est en colère,
qui va le réconcilier avec son prochain ?

Personne ne met du sel avec du sel
pour le rendre meilleur.
Si le sel perd son goût,
qui peut lui rendre son bon goût ?

Si le sel est sans goût,
qu’est-ce qu’on va mettre dans la nourriture ?
Si le sel perd son goût,
il n’a plus aucune chance de donner un bon goût.

Alors, toi, le prêtre qui es notre sel, apporte ton bon goût
pour nous rendre agréables aux autres.
Toi, tu ne perds pas ton bon goût,
et nous t’attendons pour que tu nous rendes purs.

Mélange-toi à nous qui avons perdu notre bon goût.
Nous sommes devenus mauvais et nous ne faisons plus le bien.
Remets-nous sur le droit chemin
et redonne-nous le bon goût que nous avons perdu.

Tous attendent le bon goût de ton sel
pour devenir purs.
Si ton bon goût disparaît,
on pleurera à cause de ton goût mauvais.

Prêtre, tu es le sel.
Fais attention
à ne pas te mettre en colère contre ton prochain,
sinon les gens vont dire :
le sel n’a plus de goût.

« Vous êtes le sel de la terre » (Mt 5, 13)
et vous donnez la paix à votre pays.
« Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 14)
et vous enseignez aux autre qui est Dieu.

Vous réconciliez celui qui est en colère contre son prochain,
vous calmez celui qui s’énerve contre son compagnon.
Vous, les prêtres, vous apprenez aux autres à aimer leurs ennemis.
Vous leur donnez un enseignement qui donne la vie.

Vous annoncez de la part de Dieu :
« Si ton frère pèche sept fois,
pardonne-lui sept fois soixante fois. »

Sur vos instruments de musique,
vous chantez l’Évangile du Fils de Dieu,
vous chantez les chants de l’amour
pour que chacun aime celui qui le déteste.

Dans l’Église tous les chrétiens au cœur pur
vous entendent dire dans tous les pays :
« Personne ne doit rendre le mal pour le mal » (1 Th 5, 15).

Toi qui es prêtre, tu m’as enseigné ce que disent les Livres saints,
et, grâce à cela, j’ai aimé mon ennemi.
Mais, qu’est-ce que je vais faire
si je vois que toi, prêtre, tu détestes ton frère ?

Tu m’enseignes : « Aime celui qui te déteste. »
Mais quand ton frère est en colère contre toi,
tu ne trouve pas bien de faire la paix avec lui !

Tu m’as dit : « Dieu ne te pardonnera pas,
si tu ne pardonne pas. »
Et toi, tu ne veux pas pardonner à ton frère
qui s’est mis en colère contre toi !

Si tu ne respectes pas ce que tu dois faire,
est-ce que quelqu’un pourra t’instruire ?
J’ai peur de t’instruire, toi, un prêtre !

Quand tu nous as lu les Livres saints,
tu m’as appris à faire la paix avec mon frère.
En effet, le jour du Grand Pardon,
on ne recevait pas celui qui était en colère.

Dans la Bonne Nouvelle, on lit :
« Laisse ton offrande
et va d’abord faire la paix avec ton frère » (Mt 5, 24).

Oui, si quelqu’un est en colère,
et s’il fait la paix avec son frère,
ensuite il peut facilement présenter son offrande à Dieu.

Mais quand nous n’avons pas fait la paix,
si nous offrons de l’encens à Dieu, notre offrande sent mauvais.
Et si celui qui offre l’encens est en colère,
il méprise la maison de Dieu.

En effet, le jour où nous demandons pardon à Dieu,
l’encens est le signe de notre amour pour Dieu.
C’est l’intelligence du cœur qui l’a recueilli
dans les racines bénies de l’arbre du paradis.

Cet encens choisi
que le prêtre présente dans le lieu très saint du Temple
figure les pensées qui sont pures de tout mal.

Le chandelier à sept branches
qui éclairait autrefois la Tente de la Rencontre,
c’est l’amour du Seigneur
qui est dans le cœur de l’homme pur.

[…]

S’il aime, le prêtre peut entrer chez Dieu.
Mais, s’il n’aime pas,
un simple chrétien est meilleur que lui.

Source :

La prière des Pères, Sodec-a.i.m., Bayard Éditions 1997, p. 212-217.

Revenir en haut