LETTRE DU BIENHEUREUX CASTOR, ÉVÊQUE D’APT
À CASSIEN, ABBÉ DE MARSEILLE
Castor, le dernier des hommes, salue aussi humblement qu’il peut le faire l’abbé Cassien, si célèbre par sa sainteté, sa vie entière et sa science admirable.
C’est avec raison, vénérable Père, qu’on procure le secours d’un maître à ceux qui ne savent pas encore s’exprimer et se conduire. Puisque, dans les défaillances de notre nature, tous n’ont pas les lumières suffisantes, le seul remède est de recourir à ceux qui sont capables de nous servir de guides. Personne ne peut tout faire, et il y en a qui ne savent pas combattre. C’est quand un malheur nous menace, qu’il faut apprendre les meilleurs moyens de le supporter ; et ceux qui sont appelés à diriger les autres, doivent s’y exercer longtemps et s’y préparer de toute manière.
Souvent un supérieur présomptueux se trompe malheureusement en appliquant, sans discernement et sans prudence, des conseils qui seraient très utiles en d’autres circonstances, et nous pouvons être facilement entraînés par sa faute dans de graves erreurs.
Aussi nous vous en supplions, très cher Père, ne refusez pas à notre ignorance les lumières de votre inépuisable charité. Faites-nous connaître les saints exercices qui ont élevé votre âme et développé vos vertus, afin de nous encourager dans la bonne voie, nous qui voulons la suivre et qui subissons encore l’entraînement des vanités du monde. Nous savons que vous êtes très instruit de tout ce qui se pratique dans les monastères d’Orient, surtout dans ceux de l’Égypte et de la Thébaïde, et que vous avez habité même les lieux sanctifiés par la naissance du Sauveur. Puisque vous en avez rapporté une science si précieuse, vous devez enrichir notre pauvreté. Nous vous conjurons de vouloir bien écrire simplement les institutions monastiques que vous avez vu établies et florissantes en Égypte et en Palestine, ainsi que les traditions des anciens Pères. Vous serez ainsi utile à notre communauté naissante, et la douceur de vos enseignements désaltérera des cœurs qui les désirent depuis longtemps ; notre stérilité cessera, et nous porterons enfin des fruits de justice. Soyez persuadé que si vous nous faites ce bien, vous en serez récompensé ; car vos enfants dociles profiteront de vos leçons pour mieux honorer leur Créateur. Adieu, Père des serviteurs du Christ, et ne nous oubliez pas.
La réponse de Jean Cassien, les Institutions
– Préface