Jean Cassien : Si tu veux être parfait…

Institutions, XII, 12-15
Jeudi 26 février 2004 — Dernier ajout lundi 3 mai 2010

Lorsqu’au début du cinquième siècle, l’évêque d’Apt, Castor, chercha à fonder un monastère dans sa province, il écrivit à Cassien, l’abbé du monastère saint Victor de Marseille, pour lui demander conseil sur la formation des religieux. Celui-ci lui répondit en termes très simples en s’inspirant des règles de saint Basile, de saint Jérôme, et de ce qu’il avait pu observer chez les moines d’Égypte et de Palestine. Saint Benoît s’appuiera sur les travaux de Cassien pour rédiger sa propre règle.
Le passage que nous publions rappelle la règle fondamentale de tous ceux qui cherchent la perfection.

ous les anciens Pères ont pensé qu’on ne peut se purifier des vices grossiers de nos sens, si on n’est pas bien convaincu que tous nos efforts pour atteindre la perfection seront inutiles sans la miséricorde et le secours de Dieu. Et il faut en être bien persuadé, non par le témoignage des autres, mais par sa propre expérience.
Ce trésor de la perfection et de la pureté ne saurait s’obtenir par des jeûnes, des veilles, des études dans la solitude du cloître, et celui qui croit pouvoir le mériter seul, en est par là même indigne. Tous les efforts de l’homme ne compensent pas la grâce de Dieu que sa bonté infinie veut bien accorder à nos désirs.

Je ne dis pas cela pour décourager les efforts de l’homme et l’arrêter dans ses généreuses intentions. Je ne fais que répéter ce qu’ont dit nos Pères. L’homme ne peut acquérir la perfection sans efforts ; mais sans la grâce de Dieu, ses efforts seraient inutiles. Oui, l’homme ne peut rien, sans le secours de Dieu, mais sa miséricorde et sa grâce ne s’accordent qu’à ceux qui travaillent avec ardeur ; et comme le dit l’Apôtre, à ceux qui veulent et qui courent […] Notre Seigneur a dit lui-même qu’il était donné à ceux qui demandaient, qu’il était ouvert à ceux qui frappaient, et que ceux qui cherchaient, trouveraient. Mais cette demande, cette recherche, ces instances, seraient insuffisantes, si la miséricorde de Dieu ne donnait pas ce que nous demandons, n’ouvrait pas quand nous frappons, et ne nous faisait pas trouver ce que nous cherchons. Dieu est prêt à tout nous accorder, dès qu’il voit le concours de notre bonne volonté ; car il désire notre salut et notre perfection plus que nous-même […]

Si nous voulons sérieusement et efficacement parvenir à la véritable perfection, nous devons suivre ces grands maîtres qui ne s’endorment pas en de vains discours, mais qui ont acquis la grande science de l’expérience, et peuvent par conséquent nous bien montrer la voie la plus sûre pour l’atteindre. Tous nous assurent que c’est plutôt par la foi que par leurs efforts, qu’ils ont pu réussir.


Source :

Institutions de Cassien traduites par E. Cartier, Maison Alfred Mame et Fils, Tours 1872, p. 248-250.

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