Théodore de Mopsueste : Controverse avec les Macédoniens

Mardi 2 septembre 2008 — Dernier ajout vendredi 30 avril 2010

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Cette conférence a eu lieu à Anazarbe, qui était alors la métropole de la Cilicie seconde, vers l’an 392. Les évêques macédoniens ne voulant pas discuter avec un simple prêtre, les orthodoxes commencèrent par créer Théodore évêque. Par la suite, Théodore a rédigé cette conférence en grec, à la demande de Patrophile, et ce texte grec a été traduit en syriaque. La traduction est sans doute fidèle, car son auteur a été jusqu’à laisser esprit au masculin, bien que ce mot soit féminin en syriaque.

Dispute que le bienheureux Mar Théodore eut contre les Macédoniens dans la ville d’Anazarbe

Je demande à ta sagesse et à tous ceux qui trouveront ce livre, que personne ne me blâme, si je veux, par une addition historique, éclaircir le sens du sujet dont nous allons parler.

1. J’ai eu une dispute dans la ville d’Anazarbe, comme toi aussi, ô notre ami, illustre Patrophile [1], tu l’a appris par ouï-dire, voilà beaucoup d’années, avec les premiers de cette secte. À cause de leur science profane, à cause aussi de leur application au sujet de l’enseignement de la foi et de la grande étude qu’ils avaient faite des Écritures, ils avaient une grande opinion d’eux-mêmes. Comme ils se croyaient les docteurs de tout l’univers, ils circulaient chez tous ceux qui se plaisaient dans leur religion, et ils s’efforçaient - par leur venue et par les exhortations de leurs histoires - de fortifier leurs [638] enseignements, au point qu’ils amenaient aussi les autres à s’approcher de leur secte. Quand ils furent à la ville susmentionnée et que beaucoup furent réunis, nous nous approchâmes pour discuter entre nous. Alors donc, lorsque le combat était entre les athlètes, les chefs du combat et ceux qui portaient la crosse se réunirent pour entendre la dispute avec l’apparat de leurs habits, parce qu’il parut à tous, à cause de leur désir d’entendre, qu’il fallait supprimer la vue du combat.

2. Quant aux autres paroles qui furent dites alors, parce qu’elles furent trop nombreuses, j’omets maintenant de les rapporter. Voici cependant un important indice de la défaite qu’ils éprouvèrent par la grâce de Dieu : ceux qui avaient coutume de les recevoir, ceux chez lesquels ils demeuraient alors d’après leur habitude, les ont expulsés de leurs maisons comme des trompeurs et des gens qui perdent les âmes, et tous se sont hâtés de venir, avec (grand) zèle, à l’Église ; et, lorsqu’ils furent ainsi sortis de la ville, beaucoup et encore d’autres - non seulement de leurs partisans, mais encore de ceux qui étaient de l’opinion d’Arius -, se hâtèrent d’en faire autant. Je vais dire pourquoi j’ai fait mention maintenant de ces choses. [639]

3. Alors donc, au commencement de la discussion que nous eûmes, ceux-là - des bêtes de somme plutôt que des hommes - pensaient, dans leur grand orgueil, que tous ceux qui étaient réunis partageaient leur opinion.
Ils disaient donc : « Nous vous blâmons parce que vous dites que le Saint Esprit est Dieu. »
Je leur dis : « Quel est l’esprit pour lequel vous nous reprochez de dire de lui de telles choses ? »
Comme ils répondirent : « Le Saint Esprit »,
je leur dis : « Il y a beaucoup d’esprits saints, il est donc difficile que, sur leur nombre, nous sachions duquel on parle. »
Lorsque ceux-ci dirent : « De celui qui est compté avec le Père et le Fils »,
je (leur) dis : « Même ainsi, il n’est pas clair duquel on dit qu’il est mentionné avec le Père et le Fils », et je me servais du témoignage de Jean-Baptiste qui dit : Après moi vient un homme qui était avant moi et qui est parmi nous, et vous ne le connaissez pas (cf. Jn 1, 30-31) ; comme il y avait beaucoup d’hommes qui étaient alors réunis, on ne voyait pas clairement de quel homme il parlait, s’il ne l’avait pas séparé d’eux tous et ne l’avait pas montré à la fin. De même lorsque l’Écriture dit : Il y avait un homme juste (Jb 1, 1), nous ne pourrions rien y comprendre [640] si elle n’ajoutait : Dans le pays de Ous, et son nom était Job, avec la suite qui le distingue entièrement de tous les autres et le désigne. Lors donc que le Livre dit : l’homme est semblable à une vapeur (Sg 2, 2), nous comprenons qu’il ne parle pas d’un tel ou un tel, mais nous comprenons qu’il étend son discours à la nature qui est commune à tous. Quel est donc cet Esprit Saint qui est compté avec le Père et avec le Fils, puisqu’il y a beaucoup d’esprits ? Il nous faut chercher s’il n’y a rien qui le distingue des autres.
Lorsqu’ils me dirent que c’était l’esprit Paraclet qui répondait à la question « de quel esprit on parlait », je (leur) dit : « Ce n’est là qu’une accumulation de noms, qui ne me fait rien connaître de plus ; quel est l’esprit - lorsqu’il y a beaucoup d’esprits -, qui est compté avec le Père et le Fils, et j’ajoutai la parole de Notre Seigneur qui dit : je prierai mon Père et il vous donnera un autre Paraclet (Jn 14, 16), et je dis que cela suffisait à montrer que ce n’était pas un seul qui était gratifié de cette appellation, puisqu’il apparaissait qu’il y avait encore un autre Paraclet.

4. Par cette question donc ils furent obligés de dire expressément : « (Nous parlons) de celui qui est Esprit Saint par nature, car l’Esprit Saint par sa nature [641] est un, celui qui est mentionné avec le Père et avec le Fils, tandis que les autres ne sont pas ainsi. »
J’insistai encore sur cela en disant : « Puisque les autres ne sont pas esprits saints par leur nature, et que celui-ci seul est tel, et qu’ainsi, d’après sa seule appellation, nous comprenons qu’il est saint, parce que seul il est par nature ce qu’il est appelé, il est clair que celui qui est ainsi est Dieu, car il n’y a rien d’autre qui soit en vérité esprit et qui soit saint par nature, à l’exception de cette nature seule qui est appelée Dieu en vérité ; parce que toutes les créatures qui ne participent pas à la nature divine ne sont pas esprits en vérité et ne sont pas saints par nature, mais ils sont limités dans leurs natures, car ils ont besoin de recevoir la sainteté en la prenant de près de Dieu.

5. Lorsque nous eûmes dit cela, ils ne purent même pas nous répondre une parole, car, par notre question et par leur confession, ils sentirent que, par sa seule appellation, on voyait qu’il était Dieu ; en effet la possession propre (à lui) du nom de Saint Esprit montre qu’il n’est pas comme les autres esprits, lesquels, parce qu’ils sont esprits, sont appelés créatures et nous croyons [642] qu’ils sont saints. Mais parce que c’est proprement qu’il est esprit et parce que c’est par nature qu’il est saint, par cela seul il est compté avec le Père et le Fils ; c’est par cette appellation qu’il est connu, parce qu’elle lui est attribuée avec vérité, et elle nous apprend clairement par là qu’il appartient avec évidence à la nature divine.

6. Nous apprenons encore la même chose de la tradition que Notre Seigneur a transmise aux apôtres par l’enseignement et le baptême et aussi par une étude portant sur les paroles déterminées par toutes choses (rituelles ?), (paroles) qui furent dites par moi avec grand soin. Je pense avoir assez montré par tout cela que le Saint Esprit est de nature divine.

7. Il convient d’ajouter encore ceci à tout ce qui a été dit : « Est-ce que, puisqu’il paraît être de la nature divine, il est permis de supposer qu’il vient d’ailleurs, et que le Saint Esprit n’est pas de la nature de Dieu le Père ? » - Mais on ne peut pas dire cela, à moins de croire qu’il y a pour les êtres deux principes, qui ne sont semblables en rien, comme (le disent) ceux de chez Manes. Il nous reste donc à dire qu’il provient de Dieu le Père, ou [643] bien exactement comme les créatures qui sont venues à l’être lorsqu’elles n’étaient pas, ou bien qu’il est de sa nature. Pour moi, à cause de tout ce qui a été dit, il me semble qu’on ne peut pas le compter avec la création et qu’il est évidemment de la nature divine. Il s’ensuit que, parce qu’on croit qu’il est de Dieu le Père, il convient que nous confessions qu’il est de sa nature, mais j’omets d’en parler maintenant.

8. Du moins il nous faut nécessairement dire : si nous disons qu’il provient de Dieu à la manière d’une créature, comme s’il était venu à l’être de la part de Dieu à la manière de celle-ci, il devrait, pour ce motif encore, être compté avec elle. Il serait absurde en effet que celui qui provient de Dieu à la manière d’une créature, ne soit pas compté avec celle avec laquelle il est venu à l’être, vu que le livre divin ne met aucune distinction entre les choses qui ont été créées. Nous l’avons déjà montré, à ceux qui veulent l’apprendre, par beaucoup de choses que nous avons dites plus haut, mais c’est connu clairement par la parole du bienheureux David, lequel, arrivant à faire mention de toute la création, n’a pas laissé les natures invisibles et n’a supprimé aucune de celles qui sont visibles, si méprisables soient-elles, mais il n’a [644] écrit qu’une parole, la même pour toutes, lorsqu’il a dit : Il a dit et (les choses) ont été, il a ordonné et elles ont été créées (Ps 148, 5). Si donc celui-là est tellement éloigné d’être compté avec les créatures, qu’il apparaisse, même par là, comme séparé de tout le reste, comme ne serait-il pas évident qu’il n’a aucune participation avec la nature, en ce qu’il est de Dieu ? Il reste donc, à celui qui est reconnu de ne pas être de Dieu à la manière d’une créature, à être reconnu comme provenant de Dieu par nature.

9. Qui sera assez rebelle, ou qui sera malade de cette maladie insensée pour oser dire que, par la manière dont il provient de Dieu, il convient de compter le Saint Esprit avec la créature, puisque l’apôtre Paul, en cela aussi, l’a séparé évidemment de toute la création ? Lorsqu’il voulait en effet montrer ensuite la grandeur de ce qui nous avait été donné par le Saint Esprit, en parlant de sa grandeur, après beaucoup de choses qu’il avait racontées sur lui, il disait : Pour nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit de Dieu (1 Co 2, 12). Il est bien éloigné de penser de lui que, puisqu’il vient de Dieu, il est en conséquence du genre de la créature, au point qu’il a fait la distinction à ce sujet : car il n’est pas du monde, mais il est de Dieu. Par [645] cela même qu’il ne peut pas être du monde, il s’ensuit qu’il est de Dieu - bien que le monde soit aussi de Dieu - parce que « tout le monde » désigne la création, comme le bienheureux Paul l’a encore dit : Nous sommes en spectacle au monde : aux anges et aux hommes (1 Co 4, 9). Il regarde donc aussi les natures invisibles comme étant des parties du monde au même titre que les (natures) visibles. On sait que toutes viennent de Dieu, car le bienheureux Paul a dit : Tout vient de Dieu, et : Un est Dieu le Père dont tout provient (Éph 4, 6). Si donc le monde aussi vient de Dieu, c’est-à-dire toute la création, parce qu’elle est venue à l’être par lui, lorsqu’elle n’était pas, tous les esprits que nous croyons créés, sont appelés avec exactitude « esprits du monde » dont ils font partie. C’est pour cela que Paul, après avoir dit : nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, a ajouté : mais l’Esprit de Dieu, comme si (l’esprit) du monde n’était pas de Dieu. Il n’est pas possible de prétendre qu’il est attribué au monde, parce qu’il a dit clairement : Il n’est pas du monde, car il l’a séparé manifestement par là de la création, et, lorsqu’il a dit : Il est de Dieu, pour témoigner qu’il était séparé du monde, il a montré clairement qu’il ne [646] prône pas que le monde et les esprits qui sont en lui, sont de Dieu (au même titre). Il a dit de celui-ci qu’il est l’Esprit qui vient de Dieu, parce qu’il ne convient en rien avec la créature et que, même en cela, il n’a pas de points de contact avec les choses qui sont. Toutes ces choses (créatures) sont dites être de Dieu, parce qu’elles ont reçu de lui de venir à l’existence lorsqu’elles n’étaient pas, mais lui, parce qu’il est de Dieu, il est de sa nature.

10. De deux choses l’une en effet, ou bien on dira qu’il est de Dieu, parce qu’il est de sa nature, et qu’il est ainsi séparé, avec raison, de la création ; ou bien on pensera qu’il est de Dieu, parce que, lorsqu’il n’était pas, il a été amené par lui à la vie, comme toutes les choses qui ont été, et on lui attribuera cela avec évidence « qu’il est de Dieu » en commun avec les créatures. Mais s’il en est ainsi, le bienheureux Paul ne semble pas avoir cherché où il le fallait ce qui devait le rendre étranger au monde et l’en séparer. Il a dit : Il est de Dieu, parce qu’il lui attribue ce qui ne convient pas au monde, ni aux esprits du monde - bien qu’ils soient de Dieu - comme cela convient au Saint Esprit. Ce serait une plaisanterie en effet, lorsque tout vient de Dieu, s’il indiquait, comme preuve de la grandeur du Saint Esprit, ce qui est commun à toutes (les créatures), et chacun aurait pu facilement répondre à cela : [647] « Quel esprit n’est pas du monde ou quel esprit n’est pas de Dieu ? puisque tout le monde est de Dieu et que tous les esprits sont des parties du monde », comme l’a dit l’Apôtre. La Parole du bienheureux Paul deviendrait ainsi un objet de doute, parce que personne ne saurait quel est l’esprit qu’il dit ici être de Dieu. Voici un exemple semblable : si les Juifs, lorsqu’ils se glorifient de leur parenté avec Abraham, disaient que leur père est, non pas un tel des nombreux hommes, mais celui qui est de Dieu, chacun aurait pu dire aussi à ce sujet, en se moquant : « Quel homme n’est pas de Dieu ? » S’ils voulaient indiquer ce qui le distingue du reste des hommes et ce pourquoi ils se glorifiaient de leur parenté avec lui, comme s’il possédait quelque chose au-dessus de beaucoup, il leur fallait dire autre chose qui, selon eux, lui appartînt en particulier à l’exception de tous les hommes, puisqu’ils voulaient le séparer de tous les hommes et montrer quelle différence le caractérisait à l’encontre du reste des hommes. De même aussi pour le bienheureux Paul : parce qu’il voulait indiquer de quel esprit il parlait ou quelle était sa grandeur, supérieure de beaucoup au-dessus des esprits du monde, il n’aurait pas dit : Il est de Dieu, s’il n’avait pas été persuadé qu’il n’avait aucun point de contact avec la création et à cause de cela il le séparait ainsi du monde. Après avoir [648] de son excellence et dit, à son égard, qu’il n’était pas du monde, il dit alors qu’il était de Dieu, parce que tous les autres ensemble étaient de Dieu en ce qu’ils étaient venus à l’être lorsqu’ils n’étaient pas, et lui, parce qu’il est de Dieu, il est éternellement, c’est-à-dire (il est) de sa nature.

11. Mais ces sages abandonnèrent la recherche du sens du Livre divin ; ils nous demandaient : « Comment est-il de Dieu ? » comme s’il nous fallait ou bien comprendre la nature divine, ou bien le diminuer de l’opinion qu’on en avait, lorsqu’il apparaîtrait que nous ne pouvions pas le décrire. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi : (à savoir) qu’une chose ne soit pas certaine, parmi celles qui sont dites de Dieu, mais que même l’existence de Dieu reste un objet de discussion pour nous tous ? Quelle parole en effet serait suffisante pour démontrer que Dieu existe ? S’il ne nous l’avait pas indiqué lui-même, nous ne saurions même pas qu’il existe. Comment donc ce qui le concerne ne serait-il pas un objet de grandes discussions ? Lorsque nous disons que toutes les choses qui ont été ont eu un commencement pour être, lui seul est éternellement, car il est avant des générations innombrables, avant les choses qui [649] ont commencé. Mais s’il lui a paru qu’il était beau que ces choses fussent aussi, puisqu’il a créé à la fin, elles n’étaient pas auparavant près de lui quand elles ont été créées, mais il était constamment par lui-même. Il n’a pas voulu donner l’être à d’autres choses et il n’y avait rien de celles qui sont venues à l’existence plus tard, afin - puisque toutes choses ont eu un commencement pour être - que nous admettions que lui seul était constamment, lorsqu’il n’y avait rien autre.

12. Et où était-il, lorsque toutes ces choses n’étaient pas encore jusque-là ? Était-il dans cet endroit où se trouvent (maintenant) le ciel et la terre et toutes les choses que nous disons se trouver en eux, comme s’il était limité par lui, ou bien le rejetons-nous, comme une impiété ? Nous disons qu’il était sans limite ; et, si un homme nous demande comment, nous disons que nous n’en savons rien, pour que nous ne paraissions pas lui donner des limites. Ainsi tout ce qui le concerne devient un objet de discussion. Nous ne pouvons même pas dire comment il était où il était, quand n’y avait rien, et nous ne pouvons pas dire non plus maintenant comment il est dans les (créatures). Lorsque nous disons qu’il est tout entier en tout [650] lieu, c’est surtout pour que nous ne paraissions pas le composer de parties et le limiter, si nous disions qu’il est en partie dans un lieu et en partie dans un autre lieu ; celui qui ne serait pas ici et qui serait dans un autre endroit, se trouverait limité par là même. Qui dira de lui qu’il a créé les choses qui ont été, en les créant en lui ; car il se trouvera qu’il se créait lui-même en partie ? Dira-t-on qu’il était éloigné des (créatures), comme s’il créait en dehors de lui ce qui a été ; mais comment alors ne se limitera-t-il pas par chacune des choses qui ont été créées, s’il s’éloignait de chaque chose qui allait être créée, de manière à ne pas s’en approcher lorsqu’il la créait en dehors de lui ? L’homme qui considère tout cela tombe dans un grand doute, car l’esprit de chacun comporte une certaine mesure de science pour les choses qui ont été révélées par Dieu ; mais s’il veut scruter au delà de ce qui convient, il perd bientôt même ce qui lui appartenait en propre ; il lui survient ce qui arrive à ceux qui ont pris tout ce que leur main peut contenir : lorsqu’ils s’efforcent de prendre encore plus, ils perdent même ce qu’ils tenaient auparavant. [651]

13. Parce que Dieu connaissait cette faiblesse de (notre esprit), il nous a approchés peu à peu de sa connaissance. Lorsque le bienheureux Paul eut ajouté beaucoup aux nombreuses choses qu’il connaissait déjà auparavant, et qu’il manquait cependant encore d’une connaissance complète de (Dieu), il disait : Maintenant je sais peu de beaucoup, mais alors je (le) connaîtrai comme j’ai été connu (1 Co 13, 12). Le bienheureux David disait de même : Ta science s’est rebellée contre moi, elle l’a emporté sur moi et je n’ai pas eu la force. (Ps 138, 6) Il a confessé avec évidence qu’il n’était pas capable de comprendre la science de Dieu, mais qu’il manquait beaucoup (pour arriver) à son exacte intelligence. Comment donc ne serait-ce pas une sottise de scruter la nature divine et comment pourrions-nous, au sujet de chacune des choses que nous confessons être d’une certaine manière, nous élever jusqu’à l’intelligence des choses que nous disons, si la parole ne suffit pas à exposer et à démontrer ce qui les concerne ? Car il convient, comme l’a dit le bienheureux Paul, à celui qui s’approche de Dieu de croire que Dieu est (He 11, 6), et il nous faut savoir en vérité qu’il n’est pas possible, ni aux pensées humaines, ni à notre parole, de mesurer ce qu’il a dit que nous devions saisir par la foi seulement. La mesure véritable et suffisante de notre foi est l’enseignement des Écritures divines et nous ne [652] pouvons pas connaître les œuvres qui ont été faites par la nature divine si nous ne les connaissons pas par là. Le bienheureux Paul nous l’enseigne lorsqu’il dit : Nous comprenons par la foi que les mondes ont été constitués par la parole de Dieu, et que ce n’est pas des choses invisibles que sont venues celles qui sont vues (He 11,3). Nous disons donc que ces choses ont été, parce que Dieu l’a voulu ; et si quelqu’un demande, au sujet de ce qui a été, de quelle manière il a été, nous ne pouvons pas le dire, car la pensée humaine ne peut pas trouver comment ce qui n’était pas est venu à l’être, de ce qui n’était absolument pas. Ainsi ces choses ne peuvent pas être dites par la parole.

14. De même pour notre résurrection qui doit avoir lieu, nous y croyons et elle est certaine pour nous, en tant que nous nous attachons aux paroles des Livres ; mais comment aura-t-elle lieu, nous n’en savons absolument rien. C’est ainsi que le bienheureux Paul, après avoir rapporté la question de ceux qui nous demandent : « Comment les morts ressuscitent-ils ? » (1 Co 15, 35) n’a pas présumé de toucher à la manière dont ils ressuscitent ; mais, en rappelant ce qui se passe chez nous, et dont la manière d’être ne peut pas non plus être [653] saisie, il a confirmé ce qui était mis en doute : Insensé, la semence que tu sèmes ne vit pas, si elle ne commence par mourrir ; et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps qui doit être que tu sèmes, mais une simple semence de blé, ou d’orge, ou d’autres plantes ; et Dieu lui donne le corps qu’il veut, (il donne) à chacune des plantes le corps de sa nature (1 Co 15, 36-38). Cela ne montre pas le mode de la résurrection de nos corps, mais persuade seulement ce qui peut avoir lieu, d’après ce qui se passe pour les plantes, au sujet desquelles personne ne peut dire comment, d’une graine qui se corrompt, peuvent provenir d’autres (plantes) avec l’accroissement que l’on voit dans les feuilles et les tiges, et c’est cependant là une chose qui a lieu tous les jours devant nos yeux.

15. Que sera-ce de ce qui s’est passé dans l’incarnation de notre Seigneur ! Nous l’admettons et nous confessons que les choses ont été ainsi, et si quelqu’un nous interroge sur chacune des choses qui ont eu lieu, nous ne pouvons pas dire comment cela s’est fait, par exemple, comment le lépreux a été guéri, lorsqu’il lui a dit seulement : « Je le veux, soit guéri » (Mt 8, 3) ; ou comment a ressuscité Lazare, lorsqu’il a dit : « Lazare, viens dehors » (Jn, 11, 43) ; (ou) comment s’ouvrirent les yeux de l’aveugle, lorsqu’il les oignit de boue seulement (cf. Jn 9, 6) ; ou [654] comment, avec cinq pains, il nourrit cinq mille personnes (cf. Jn 6, 5-15) ; ou comment il entra près de (ses) disciples (Jn 20, 19) ; nous ne pouvons pas dire, en effet, comment le corps du lépreux a subi tout ce changement ; ou comment le corps de Lazare, après avoir été dissous et corrompu, est revenu à la vie ; ou comment, avec ces cinq pains seulement, ont été produits tous ces morceaux ; ou comment, lorsque les portes étaient fermées, il est apparu se tenant à l’intérieur près de (ses) disciples.

16. Comment donc ne serait-ce pas une folie, de chercher, pour le Saint Esprit seulement, comment il est de Dieu ? Lorsque nous avançons qu’il est dit clairement de lui dans le Livre qu’il est de Dieu, nous ne pouvons pas dire comment il est de Dieu, parce que le mode de son essence surpasse tellement le récit que nous ne pouvons pas même dire le mode de ses œuvres, bien que nous soyons persuadés qu’elles ont lieu constamment. Nous prêchons tous la seconde naissance qui est opérée par les eaux chez ceux qui sont baptisés, mais, jusqu’aujourd’hui, nous ne pouvons pas dire de quelle manière elle nous engendre et nous change. Cela n’a rien d’étonnant, [655] que nous ne puissions pas le dire, puisque notre Seigneur lui-même, interrogé chez Nicodème, n’a pas voulu le lui dire, mais il a seulement affirmé, par sa parole, la chose qui avait lieu par la vertu de celui qui la faisait. En effet, lorsque Nicodème dit : « Est-ce qu’un homme peut entrer dans le ventre de sa mère et naître de nouveau ? » (Jn 3, 4) parce qu’il pensait que (Notre Seigneur) disait que cette naissance ressemblait à la première, il lui dit que la naissance nouvelle avait lieu de l’Esprit par l’eau, et parce que, encore après cela, il demandait : « Comment ces choses peuvent-elles avoir lieu ? » (Jn 3, 9) il ne lui en dit pas la manière d’être, parce qu’il ne nous convenait même pas de demander de telles choses, car leur enseignement est au-dessus de nous. Que lui dit-il ? - « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit » (Jn 3, 6). Il a montré par là qu’il fallait comprendre de cette naissance qu’elle était spirituelle et non charnelle, et que, puisqu’elle était ainsi, il ne fallait même pas nous informer à son sujet, parce que le genre des choses qui sont telles, ne peut pas être saisi par les hommes. Il ajoute encore et dit : « Le vent (esprit) souffle où il veut et tu entends [656] sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va » (Jn 3, 8) ; ce n’est que par ce sens du mot « esprit » qu’il confirma ce qui se passait ; et, après l’avoir humilié comme docteur à cause de son incrédulité, il rappela l’histoire du serpent d’airain que Moïse a élévé pour guérir ceux qui étaient piqués (cf. Nb 24, 4-9) ; à ce sujet lui aussi l’enseignait aux Juifs tel qu’il était, sans pouvoir dire de quelle manière la vue du serpent d’airain sauvait de la mort ceux qui étaient piqués.

17. Qui donc a la folie d’une telle pensée, en vertu de laquelle ils nous demandent « comment l’Esprit est de Dieu ? », tandis qu’ils cherchent à supprimer la vérité de la choses, si nous ne pouvons pas dire la manière suivant laquelle il est de Dieu ? C’est une plaisanterie en effet - lorsque Notre Seigneur a passé sous silence le mode de son opération, parce qu’il n’est pas saisi par les hommes - que ceux-là nous demandent de dire le mode selon lequel il est de Dieu.

18. Ils ont dit encore une autre chose qui est plus insensée que celle-là : « S’il est de la nature divine, il est aussi nécessairement le Fils de Dieu. » Ainsi donc, d’après leur parole, tous ceux qui sont de la nature d’autres choses doivent être appelés leurs fils. Dans ce cas, ce ciel que nous voyons [657] sera le fils des eaux, puisque c’est d’elles qu’il a été solidifié, selon l’ordre de Dieu. Car Dieu certes a dit : Le firmament était au milieu des eaux (Gn 1, 6), parce que, selon la locution de l’hébreu, il est appelé : « celui qui (vient) des eaux ». Les semences et les plantes seront aussi les enfants de la terre, parce que leurs fruits servent à notre nourriture et que les plantes sont changées en arbres à l’intérieur de la terre. De plus, il nous faudrait, d’après leur parole, donner le nom de « fils des arbres » soit aux fruits, soit aux feuilles, car tous deux proviennent de la nature de l’arbre. Par-dessus tout cela, la semence qui sort souvent des hommes dans l’égarement du sommeil, devrait aussi être appelée fils, car chacun sait qu’elle est la cause de la constitution de notre nature et on ne peut pas dire qu’elle n’est pas une nature, celle par laquelle nous sommes nés, en nature, de nos pères.

19. Mais, laissant cela, je veux leur demander s’ils pensent que Eve est dans Adam, parce qu’elle a été créée par lui et qu’elle lui est évidemment consubstantielle. S’ils pensent qu’il n’en est pas ainsi, quel nom lui donneront-ils, puisqu’elle est de sa nature ? Car le Livre (saint) ne nous a pas enseigné de dénomination qui désigne une telle parenté, mais nous l’avons entendu [658] dire qu’elle est l’ « os de ses os et la chair de sa chair » (cf. Gn 2, 23), ce qui montre qu’elle est de sa nature. Quant au nom qui témoigne du caractère propre de son être, il ne paraît le placer en aucun endroit tandis qu’il désigne par le nom de « fils » ou de « fille » eux qui procèdent de nous en nature, mais il dit qu’elle est sa femme. Voilà le nom de cette dépendance, il l’a dit comme (on le dit aussi) pour le reste des hommes qui prennent des femmes ; mais il n’a pas dit ce qui lui arrivait par le fait qu’elle était formée de lui en nature, non que Dieu n’eût pas de dénomination pour cela ; mais parce qu’il a montré, au sujet des hommes, un mode nouveau d’existence qui surpassait tous les êtres vivants, il lui a plu de le laisser sans dénomination, à cause de sa nouveauté. On sait en effet que lorsqu’il créait tous les animaux, il les faisait, dans chaque genre, mâle et femelle en même temps, et il imposait à leur nature la loi de transmettre leur race par génération. Ce n’est que chez les hommes qu’il donna au mâle ce qui appartenait à la femelle, en montrant chez eux ce mode excellent, différent du mode naturel selon lequel les autres sont enfantés. [659]

20. La cause de cela n’est pas difficile à trouver pour celui qui le veut, car l’homme seul, parmi toutes les choses qui ont été, est dit créé à l’image de Dieu. Parce que la nature divine est invisible en soi, (l’homme) - à la manière d’une image - a reçu beaucoup de choses qui la font connaître : nous avons la puissance légale ; nous avons le pouvoir qui s’exerce par les paroles et par les lois ; nous avons un juge ; nous avons le souci des choses à venir ; nous avons l’intelligence qui renferme beaucoup de choses ensemble ; nous avons le pouvoir d’engendrer et de créer. Nous possédons cela, bien que nous soyons loin en cela de pouvoir être comparés à Dieu. Les images aussi, qu’elles soient en airain ou (peintes) sur des planches ou autre choses de ce genre, sont bien inférieures aux choses dont elles sont l’image, car celles-ci sont vivantes, tandis que les images (nous) présentent une simple apparence ; de la même manière nous aussi, parce que nous sommes comme une image par rapport à Dieu, nous sommes bien éloignés de lui pour la puissance, l’opération, le pouvoir et le jugement ; nous en sommes bien loin aussi pour le souci au sujet des choses à venir ; et lorsque nous semblons, par notre esprit, être proches de beaucoup de choses, il n’est pas possible de [660] dire combien nous sommes éloignés de celui qui est également proche de tout ; lorsque nous créons, nous sommes bien loin de celui qui a créé les natures qui n’étaient pas ; et lorsque nous engendrons, nous montrons qu’il y a une grande différence entre les choses qui naissent de nous, et la naissance du Fils (provenant) du Père. Même lorsque nous croyons participer aux choses elles-mêmes - lorsque nous ne participons pas aux fantômes (des choses), mais aux choses elles-mêmes en chacune d’elles - nous ne pensons pas qu’elles appartiennent de la même manière à Dieu et à nous, mais de manière différente. Lorsque nous portons notre attention sur la manière de parler de ces choses, nous voyons que pour chacune d’elles il y a autant de différence entre nous et Dieu, qu’il y en a entre nous et lui sous le rapport de l’être. Puisque donc il a fait l’homme en guise d’image et que, par la cause susdite, - en dehors de la naissance naturelle -, il a changé pour l’homme seul la manière d’être par la naissance, lorsque nous entendons du Fils que le Fils est de Dieu, et de l’Esprit qu’il est de Dieu en nature, n’hésitons pas, comme s’il n’était pas possible qu’il y ait quelque chose qui provienne d’une autre nature et qui ne soit pas (un) fils, bien qu’il ait la même nature. Ne nous troublons pas en nous-mêmes à cause de cela.

21. C’est pour ceci encore qu’il a laissé sans dénomination ce mode (de [661] naissance, afin que, voyant, chez les hommes, que Dieu n’a pas donné de nom à cette manière d’être, à cause de sa nouveauté, nous ne nous étonnions pas non plus, à bien plus forte raison, si nous ne pouvons pas exposer comment l’Esprit provient de Dieu, lorsque nous ne pouvons pas atteindre les divers mode de son opération. Évitons donc de chercher comment il est de Dieu ; mais, lorsque nous apprenons du Livre (saint) qu’il est de Dieu, non comme une créature, mais d’une manière unique par laquelle il s’éloigne beaucoup de toute créature, il nous faut comprendre - de celui qui n’est pas de Dieu comme une créature - qu’il en provient en nature. C’est pour cela aussi que (le Livre) dit qu’il est l’Esprit de Dieu même. Tous les esprits qui ont existé sont de Dieu, parce qu’ils sont ses serviteurs et ses œuvres ; mais ce n’est pas à leur manière que l’on croit de celui-là qu’il est l’Esprit de Dieu, mais - parce qu’il est de lui -, il est de lui en nature et il est constamment avec lui.

22. Puisque le Fils, par cela même qu’il est Fils, est évidemment reconnu comme étant de Dieu, car il est dit tout particulièrement fils parce qu’il est de Dieu, de la même manière (le Livre) dit de la substance de l’Esprit qu’elle est de Dieu (cf. Jn 15, 26), afin - de même que nous croyons que le seul Fils vrai et qui est de [662] Dieu provient de Dieu - nous croyions de la même manière que le seul vrai Esprit de Dieu provient de Dieu. C’est pourquoi, lorsqu’il (Paul) l’a séparé des créatures, il l’a indiqué par l’addition il est de Dieu, afin de montrer, par cela seul, que l’Esprit est divin et qu’il est de Dieu ; sachant que le Fils aussi est esprit par sa nature, mais - bien qu’il soit de Dieu - croyant qu’il est comme Fils de Dieu et comme « de Dieu », et non comme « esprit de Dieu », ni comme « esprit qui (procède) de Dieu ». Quand il veut faire la détermination de la personne de l’Esprit et (sa) distinction d’avec le Fils, il dit d’abord qu’il est l’Esprit de Dieu, puis il ajoute : « Nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui est de Dieu » (1 Co 2, 12). Qu’a-t-il dit en effet ? Dieu nous a révélé par son esprit ; et, comme tous les esprits sont siens sous le rapport de la puissance, il a dit que cet Esprit est sien, non comme son œuvre, mais parce qu’il et une par une même nature.

23. De nouveau, montrant comme il dit que cet esprit est de Dieu, il ajoute : « L’Esprit scrute tout, même les profondeurs de Dieu. Quel est l’homme qui sache ce qui est dans l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même aussi personne ne connaît ce qui (concerne) Dieu, si ce n’est l’Esprit de [663] Dieu » (1 Co 2, 10-11). S’il a montré que (l’Esprit) a une telle affinité avec Dieu, c’est pour qu’on comprenne qu’il est son Esprit, puisqu’il lui adhère et qu’il n’est pas séparé de lui, - de même que chez les hommes l’esprit se trouve sans division en chacun en tant qu’il est homme - car les autres esprits ne pourront pas lui être associés en cela, parce que tous en commun proviennent de lui et dépendent de lui au même titre sous le rapport de la création et de la domination, et tous sont de lui, et ils en sont éloignés autant que ce qui a eu un commencement pour être, est éloigné de l’essence (éternelle) et que le limité l’est de l’illimité. Après avoir donc témoigné qu’il est ainsi, il ajoute alors :  » Nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui est de Dieu » (1 Co 2, 12). Il dit évidemment qu’il est l’Esprit de Dieu, celui qui ne convient en rien au monde, parce qu’il n’a pas eu de commencement ; mais on croit qu’il provient de Dieu d’une manière supérieure à ceux-ci, parce qu’il provient de la nature de Dieu et à cause de cela il est seul nommé « son esprit » ; il a avec lui une affinité telle que n’en a aucun des esprits du monde, car tous ont eu un commencement d’existence, lorsqu’ils n’étaient pas, ils sont venus à l’être, et par là même ils sont réputés [664] être une partie du monde. Aussi on ne dit pas qu’aucun d’eux convienne à Dieu, de préférence aux autres, d’une manière unique et excellente par laquelle on dirait qu’ils sont en lui. Tous les esprits, en effet, conviennent au même titre à (Dieu) et lui appartiennent sous le rapport de la filiation et de la domination.

24. De la même manière donc, lorsqu’il dit : « Vous n’avez pas reçu l’esprit de servitude encore pour la crainte, mais vous avez reçu l’esprit d’adoption des enfants » (Ro 8, 15) ; et encore : « Dieu ne nous a pas donné l’esprit de crainte, mais l’esprit de force et d’amour et de sagesse » (2 Tim 1, 7) ; et encore : « ce n’est pas nous que nous prêchons, mais le Christ Jésus notre Seigneur, car pour nous, nous ne sommes que vos serviteurs à cause de Jésus » (2 Co 4, 5) ; il est évident qu’il n’y a pas de rapport entre l’adoption des enfants et la servitude, ni entre la force et la crainte, ni entre ceux-là (les apôtres) et Notre Seigneur, au point de vue de l’enseignement ; mais chacune de ces choses était dite pour détruire celles qui l’accompagnaient en ce qui la concernait, à savoir l’adoption des enfants contre la servitude, la puissance contre la crainte et leur domination contre celle du Christ. De la même manière, lorsqu’il a dit : « Nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui provient de Dieu » (1 Co 2, 12), il n’a pas même laissé subsister un point de contact entre la création et l’Esprit : celui-ci en effet est séparé de toute (la création), parce qu’on reconnaît qu’il est de Dieu en nature. [665]

25. Notre Seigneur montre encore cela par sa parole lorsqu’il dit : « Quand viendra le Paraclet que je vous enverrai de près de mon Père, l’Esprit de vérité qui procède de près de mon Père » ; il est évident qu’il ne parle pas de la substance du Saint Esprit, mais de la grâce que nous recevons de lui. Il a encore très bien dit que c’est lui qui l’envoie après l’avoir reçu de (son) Père, en effet, c’est parce qu’il avait d’abord reçu la grâce de l’Esprit qu’il a été cause aussi que nous la recevions. Il est évident en effet que, puisque le Christ dans la chair a été nos prémices, nous espérons participer avec lui aux biens futurs et, de même qu’il a été élevé à toute gloire au point de tenir lieu de maître de tout (l’univers), parce qu’il avait reçu toute la grâce de l’Esprit, nous aussi, de la même manière, après avoir participé à l’Esprit (He 6, 4), nous espérons recevoir aussi la participation avec lui ; comme le bienheureux Paul l’a dit aussi en quelque endroit : « Héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ », et : « Si nous souffrons avec lui, nous serons aussi glorifiés avec lui » ; et il y a un endroit où il dit : « Si nous endurons avec lui, nous régnerons aussi avec lui. » Il a dit aussi que notre corps devait être semblable au corps de sa gloire. Mais voici en quelle grande mesure nous sommes inférieurs à l’honneur (qu’il [666] a reçu, c’est que lui a reçu toute la grâce de l’Esprit (Col 1, 19 ; 2, 9), tandis que nous n’en avons reçu qu’une partie.

26. C’est donc de cette grâce de l’Esprit que Notre Seigneur a dit avec raison : « quand sera venu celui que je vous envoie » (cf. Jn 16, 13) ; car ce n’est pas de la substance de l’Esprit qu’il disait : « Il viendra », ou : « Je (l’)envoie », puisque personne ne peut dire qu’elle passe d’un lieu dans un autre, attendu qu’elle n’est pas limitée en un endroit. Qu’il donne le nom d’Esprit à la grâce de l’Esprit parce qu’elle appartient à l’Esprit, c’est évident d’après ce qu’a dit le bienheureux Paul : « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties » (1 Thess 5, 19-20) Ce n’est pas de la substance de l’Esprit qu’il disait : « N’éteignez pas », car aucun homme ni même toute la création ensemble ne peut l’éteindre, puisqu’il est sans fin. Jean l’évangéliste a dit aussi : l’Esprit Saint n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas été glorifié jusque-là ; mais ce n’est pas de la substance du Saint Esprit qu’il aurait jamais dit : « Il n’était pas alors. »

27. Cette grâce de l’Esprit est encore appelée Paraclet, parce [667] qu’elle donne la consolation à ceux qui la reçoivent. On l’appelle encore Esprit de vérité, parce qu’elle peut conduire à la vérité ceux qui la reçoivent, puisqu’elle est le docteur de la vérité, attendu qu’elle possède l’exacte science de toute chose. C’est pour cela aussi que Notre Seigneur a dit : Il procède du Père (Jn 15, 26), parce qu’il est bien évident que la grâce de l’Esprit procède de l’Esprit lui-même, selon la parole de Paul : bien que les dons soient nombreux et variés, il y a, dit-il, un seul Esprit qui les opère tous, les répartissant à chacun selon qu’il le veut (1 Co 12, 4). Comment donc aurait-il affirmé que la grâce de l’Esprit procédait du Père, s’il ne croyait pas d’abord que l’Esprit était sien et qu’il était avec lui en tout temps ? Il est appelé son Esprit, parce qu’en vérité il n’est pas séparé de lui. Car c’est en ceci seulement que la grâce qui procède de l’Esprit peut être dite aussi procéder du Père, s’il est appelé son Esprit absolument sans distinction, afin que ce qui procède de l’Esprit, soit aussi reconnu nécessairement procéder du Père dont il est l’Esprit sans distinction.

Fin de ce qui concerne le Saint Esprit.

Sources :

F. Nau, « Controverse de Théodore de Mopsueste avec les Macédoniens » dans Patrologia Orientalis, t. 9 / 5 (1913) p. 635-667.

[1Évêque d’Égée dans la seconde Cilicie sous la métropole d’Anazarbe, destinataire des lettres 244 et 250 de Basile de Césarée.

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