Théodore de Mopsueste : Explication du symbole de foi, sur le Saint Esprit et la fin du Credo (X)

Dixième homélie catéchétique
Dimanche 28 août 2005 — Dernier ajout jeudi 29 avril 2010

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Les Homélies catéchétiques furent découvertes en 1932 dans un manuscrit syriaque. Elles sont au nombre de seize. Les dix premières commentent la profession de foi, les autres expliquent le Notre Père, la liturgie baptismale et l’eucharistie.

Homélie 10. Cet enseignement sur l’Esprit Saint personne divine brièvement résumé (§ 1-2), va être complété par une exposé des « missions » de ce même Esprit, que notre Seigneur promettait d’envoyer pour qu’il reste à jamais parmi ses fidèles ; il l’apella « Esprit de vérité » (§ 3-6), nous révéla — ainsi que nous l’ont tranmis nos pères —, qu’il procède du Père (§ 7), c’est-à-dire qu’il est continuellement avec lui et n’en est pas séparé (§ 8) ; tel le cours d’un fleuve intarissable, il distribue les flots d’eau vive, qui sont le don de la grâce répandue sur toute la création (§ 9-10). Il est encore nommé Esprit vivificateur, car c’est lui qui nous accordera le bienfait de la vie éternelle, de même que c’est par sa vertu que fut amené à l’immortalité le corps de notre Seigneur (§ 11-12). Telle est la nature divine des Trois, au nom desquels nous sommes baptisés en gage de la jouissance des biens futurs (§ 13-14).
Trois articles complètent cette profession baptismale : Je crois à une église catholique, c’est-à-dire à cette assemblée des fidèles à laquelle le Christ à promis assistance (§ 15-16), qui est son corps (§ 17), dont nous devenons membres par le baptême en attendand d’être un jour transformés à la ressemblance de sa gloire (§ 18-19), quand cessera l’emprise du mal par la rémission desp échés (§ 20), corrélative à la résurrection des corps et à l’entrée dans la jouissance de la vie éternelle (§ 21), couronnement de la foi et dernier terme de notre espérance (§ 22-23).

Théodore de Mopsueste, dixième homélie

1. Je suis persuadé que vous vous souvenez de ce que nous avons dit à votre Charité sur l’Esprit Saint, quand nous prouvions la grandeur de sa dignité de ce (fait) qu’il est confessé avec le Père et le Fils dans la catéchèse.Et une autre (preuve) encore, non moindre, nous la tirâmes de ceci, qu’il est, lui seul, exclusivement appelé Esprit Saint, nom qui, dans l’enseignement des Écritures, ne se dit que de la nature divine ; et encore, du fait que lui aussi est appelé un seul Esprit, comme (on dit) un seul Père et un seul Fils et un seul Dieu et un seul Seigneur. Pour ceux qui ont à l’égard de la religion une bonne volonté, suffisait ce qu’on dit les saints Livres ; or cela fut proposé dans la tradition de nos pères bienheureux. Mais comme il n’y a pas de parole qui soit capable de convaincre facilement la conscience mauvaise, il leur fallut ajouter à leur enseignement ce qu’ils savaient, pour mettre en garde les fidèles et anéantir l’impiété des hérétiques. Ils mirent en leur discours des paroles semblables à celles qu’ils avaient dites du Fils. En parlant du Fils, en effet, pour ceux qui acceptent de se soumettre, il suffisait qu’il fût appelé le Fils Unique comme démonstration qu’en vérité le Fils est de la nature de son Père ; mais à cause de ces pervers qui veulent biaiser, ils ajoutèrent « de qui il est né avant tous les siècles, et non fait, vrai dieu de vrai Dieu, connaturel à son Père » ; le sens du nom monogène, ils le manifestèrent devant tous pour confirmer les fidèles et réfuter les ennemis de la vérité.

2. De cette même manière donc, ici aussi, ils mirent un mot qui nous fait comprendre, au sujet de l’Esprit, l’exactitude de son nom qui nous est transmis par les divines Écritures, - (lui) que dans la catéchèse et au baptême, on confesse avec le Père et le Fils. Pour ceux qui ont à l’égard de la religion bonne volonté, ceci suffisait à indiquer que l’Esprit Saint est de la nature divine de Dieu le Père ; mais parce que ceux-là ont toute leur intention dirigée vers l’impiété, et qu’après un enseignement si digne d’être cru ils persévéraient en leur impiété et leur blasphème, nos pères bienheureux jugèrent nécessaire, pour tous les hommes et spécialement pour vous qui devez avancer le don de l’Esprit, de confirmer par une brève addition l’enseignement de la piété. Que dirent-ils donc ?

3. « Et en un seul Esprit Saint ». Ce n’est pas eux certes qui inventèrent cette parole ; mais ils l’empruntèrent à l’enseignement de notre Seigneur, lui qui, parlant avant sa Passion avec tous ses disciples, voulait leur apprendre ce que sera la résurrection d’entre les morts qu’il donnera aux hommes, et dit qu’il leur octroiera la grâce de l’Esprit Saint par laquelle ils auront jouissance des biens à venir - (biens) admirables et qui dureront pour ceux qui auront mérité de les recevoir. Nécessairement donc, c’est la grandeur et la dignité de l’Esprit Saint qu’il nous proposa en son enseignement, où il nous fait connaître la grandeur de la grâce qui va être donnée aux fidèles. Et nous croyons fermement que des biens merveilleux nous sont donnés par là, et qui jamais ne nous seront enlevés. Or voici ce qu’il dit : Si vous m’aimez, gardez mes commandements et moi je demanderai à mon Père et il vous enverra un autre Paraclet qui sera avec vous à jamais (Jn 14, 15-16). Or voici ce qu’il signifiait par son discours : ce vous est un devoir de persévérer en mes commandements, et de ne vous en détourner d’aucune manière. Ce n’est pas en effet quelque chose d’ordinaire que vous recevrez, mais voici de quelle sollicitude vous serez l’objet : vous recevrez la grâce de l’Esprit Saint, qui en tout temps sera avec vous et vous procurera les biens célestes. Or pour confirmer ce qu’il avait dit, il ajouta quelle est la dignité de l’Esprit Saint en disant l’Esprit de vérité ; car telle est la nature de l’Esprit, qu’immuable il donne en vérité toute chose. Car, puisque de toute éternité il est qu’en sa nature il ne change ni ne se transforme, il est capable de donner aux autres aussi la jouissance de biens célestes qui ne passent qui ne changent.

4. C’est mensonge en effet, le nom qu’il donne à une chose qui se dissipe et ne dure pas, et vérité celui d’une chose qui ne se dissipe pas et qui dure ; car, puisqu’est menteur celui qui dit ce qui n’est pas et véridique celui qui dit ce qui est, il donne le nom de mensonge à la chose qui ne dure pas, parce qu’elle devient chose qui n’existe pas, mais celui de vérité à ce qui dure et existe toujours. Et c’est pourquoi le bienheureux David disait : Moi, j’ai dit en mon trouble : tout homme est menteur (Ps 115, 2) c’est-à-dire : comme je m’enorgueillissais et me faisais de grandes idées de moi-même, brusquement je tombai en des maux cruels et fus soumis à la crainte de ce que je n’étais rien, et je me serais perdu si ton secours merveilleux ne m’avait aidé. Je m’étonnais de la multitude de maux qui m’avaient saisi et je compris que c’est en vain que je me faisais de grandes idées de moi-même, car je découvris par expérience que ne sont rien les choses humaines, mais que manifestement toutes sont mensongères. Même la richesse, la royauté et la puissance et toutes les choses qu’on estime grandes et admirables parmi les hommes, toutes ensemble, même le fait pour nous d’exister, manifestement c’est un mensonge, car c’est comme pour décevoir ceux qui nous regardent que nous faisons montre de notre existence ; mais ensuite la mort nous convainc que nous ne sommes rien, et tous ces grands biens que nous sommes supposés avoir, ensemble ils nous quittent à la fin de notre vie.

5. De même donc qu’il appelle mensonge ce qui ne dure pas, ainsi nomme-t-il vérité ce qui dure et ne passe pas, selon cette parole La grâce et la vérité se rencontrent (Ps 84, 10), pour nous indiquer que c’est en vérité qu’il nous donne la grâce. C’est pourquoi (Dieu) aussi est-il dit Dieu de vérité, parce qu’il peut tout nous donner en vérité, car tu nous as sauvés, Seigneur, Dieu de vérité (Ps 30, 5), c’est-à-dire : tu nous as sauvés de maux certains pour nous, parce que toi seul es capable de donner à tous ceux à qui tu veux des biens qui durent et ne passent pas. Voilà donc ce que le bienheureux David dit de Dieu, ne le nommant Dieu de vérité, pour indiquer qu’il peut tout donner en vérité.

6. Et c’est cela que de l’Esprit Saint notre Seigneur disait, pour prouver la vérité des biens qui doivent nous être donnés par l’Esprit Saint dans le monde à venir : C’est ainsi qu’est l’Esprit Saint, celui dont vous devez recevoir le don de la grâce : il accorde des biens célestes, qui ne passent pas, à tous ceux à qui il veut, parce que de (toute éternité) il existe en sa nature, et ne change pas, ni ne se transforme. À cause de cela aussi, ce qu’il donne dure éternellement et ne change ni ne passe. Or, donner ce qui ne change ni ne passe n’est possible qu’à celui qui, lui aussi, existe de (toute) éternité et est immuable en sa nature, qui est la nature divine existant de (toute) éternité. Parmi les choses créées, en effet, il n’y en a pas une qui soit par elle-même capable de durer. Car ce qui a dans un autre la cause qui (le fait) devenir existant, comment de soi-même pourrait-il durer vraiment, sinon que de son créateur il le reçoit en don ? Celui en effet qui de toute éternité existe, parce qu’en sa nature il est immuable, peut aussi à son gré donner aux autres des biens qui ne passent pas.
En sa brièveté donc ce fut un grand témoignage sur la nature de l’Esprit Saint que nous signifia le Christ notre Seigneur en disant Esprit de vérité.Mais puisque ce mot-là ne convient absolument pas aux créatures, qui sont fort loin de donner aux autres quelque chose qui dure - car elles-mêmes ont aussi besoin de leur auteur pour durer en cette nature où elles ont été une fois établies -, en conséquence il ajouté : Que le monde ne peut recevoir, car il ne l’a pas vu ni connu (Jn 14, 17). Et il ne faut pas, (semble-t-il) dire, s’étonner si l’Esprit Saint est tel en sa nature et en sa puissance : puisqu’il est au-dessus de toute la création par sa nature et (qu’)il n’y a rien d’entre les créatures qui le voie ni le reçoive naturellement, ni qui puisse le comprendre, si lui-même de sa propre volonté ne révèle aux hommes la science de ce qu’il est. Aussi ajouta-t-il : Mais vous, vous le connaissez parce qu’il est parmi vous et demeure en vous (ib.) ; et c’est à juste titre que vous recevez connaissance de lui, parce que c’est de lui que vous avez reçu le don de la grâce, qui dure en vous en tout temps, en vue d’assurer la jouissance des biens à venir, à vous qui deviendrez immortels et immuables.

7. Ainsi, nos pères bienheureux disent-ils eux aussi ce mot de l’Esprit Saint, comme ils l’avaient reçu de notre Seigneur ; et ils ajoutèrent encore cet autre : « Celui qui procède du Père ». Ceci aussi avait été dit dans l’enseignement de notre Seigneur à ses disciples. Quand viendra, dit-il, l’Esprit Paraclet, celui que je vous enverrai, l’Esprit de vérité ; celui qui procède du Père, il rendra témoignage de moi (Jn 15, 26). Ici aussi il indiqua d’avance en effet le don de la grâce de l’Esprit Saint, (grâce) qui devait être donnée à tous les disciples après son Ascension. Quand, en effet, viendra le Paraclet, celui que moi je vous enverrai, cela désigne certes la grâce de l’Esprit qu’il doit leur donner. Car ce n’est pas la nature divine de l’Esprit qu’il devait envoyer, celle qui est en tout lieu ; mais il parla du don de la grâce qui se répandit sur eux ; c ’est elle qu’il appelle aussi Paraclet, c’est-à-dire « consolateur », parce qu’il peut et est capable d’enseigner ce qu’il leur faut pour les consoler dans les épreuves multiples de ce monde.

8. Or, après avoir parlé du don de la grâce de l’Esprit Saint, il se mit à les entretenir de la nature et de la grandeur de sa dignité, pour indiquer quelle grâce ils vont recevoir ; il dit esprit de vérité, ce qui indique la grandeur de sa nature et qu’il peut donner les biens qui ne passent pas à tous ceux à qui il lui plaît ; et c’est alors qu’il ajouta qui procède du Père, c’est-à-dire qu’en tout temps il est avec Dieu et n’en est pas séparé. C’est aussi ce que dit le bienheureux Paul : Qui connaît ce qu’il y a dans l’homme si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même ce qui est en Dieu aussi, nul ne le connaît si ce n’est l’Esprit qui (procède) de Dieu (1 Co 2, 11). Or voici ce qu’il (veut) dire : de même que l’esprit de l’homme n’en est pas séparé tant qu’il est et demeure homme, ainsi n’est pas séparé de Dieu le Père l’Esprit Saint qui, (procédant) de lui, est de sa nature et en tout temps est connu et confessé avec lui.

9. C’est ce que notre Seigneur indiqua de manière cachée en disant : qui procède du Père. C’est une source en effet que l’Esprit Saint, qui existe en Dieu en tout temps et de (toute) éternité n’en fut pas séparé. Car ce ne fut pas qu’il aurait été créé après un temps mais de (toute) éternité il est en lui et de la nature de Dieu le Père, et de (toute) éternité il est ; et lui, comme le cours d’un fleuve intarissable, (il) distribue ses dons à qui il veut. C’est ainsi en effet qu’ailleurs aussi il dit : Qui croit en moi, comme dirent les Écritures, des fleuves d’eaux vives couleront de son sein ; et expliquant cette parole, le bienheureux évangéliste dit : Or il dit ceci de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui, car il n’y avait pas d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié (Jn 7, 38-39). Manifestement ici il indique qu’il parle du don de l’Esprit. Ce n’est pas, en effet, de l’hypostase ou de la nature de l’Esprit Saint dont il disait qu’elle n’était pas parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié ; car il est de (toute) éternité, avant toute la création. Mais il parlait du don de l’Esprit Saint, (don) qui, après l’Ascension de notre Seigneur au ciel, fut répandu et vu sur les bienheureux apôtres et sur ceux qui étaient avec eux. Il dit donc que bientôt le don de l’Esprit Saint se répandra, comme le cours d’un fleuve intarissable, sur ceux qui croiront en lui, parce que l’Esprit sera donné par Dieu ; et il indique son opération, à savoir qu’il donnera à ceux qui croient en lui une vie qui ne passe pas.

10. Celui donc qui dit que du Père procède l’Esprit Saint, indique qu’il est de (toute) éternité avec Dieu le Père et n’en est pas séparé, parce qu’en tout temps, de (toute) éternité il est en lui. Car si c’est comme un fleuve que les dons procèdent de l’Esprit Saint - et est intarissable leur source, qui est la nature de l’Esprit Saint, lequel lui-même procède de Dieu le Père -, il est évident que de (toute) éternité il est de lui et avec lui, et que ce ne fut pas après un temps et à la fin qu’il devint. De même que quand l’Écriture dit : Un fleuve procédait de l’Éden pour arroser le paradis, et de là se divisait et devenait quatre têtes (Gn 2, 10), il nous faut comprendre que la source de ces fleuves les fait couler hors de l’Éden sans (elle-même) le quitter, puisque toujours c’est de là qu’elle procède ; ainsi, quand de l’Esprit Saint notre Seigneur dit, en figure, qu’il procède du Père, il nous donne à comprendre que l’Esprit Saint n’en est pas séparé, mais de (toute) éternité est de lui, en lui et avec lui ; et à la ressemblance d’un fleuve intarissable, il distribue ses dons à toute la création, selon la mesure de foi qu’ont ceux qui les reçoivent. Ainsi dit le bienheureux Paul : Il y a des différences de dons, mais unique est l’Esprit ; et encore : À chacun la manifestation de l’Esprit est donnée selon ce qui lui est utile (1 Co 12, 4.7).
Expliquant donc cette parole de notre Seigneur, nos pères bienheureux dirent : « qui procède de la nature du Père », et de (toute) éternité procède de lui et de (toute) éternité fut dans le Père, et ce ne fut pas après un temps qu’il devint. Or celui qui de (toute) éternité est du Père et avec lui, il est certain qu’il procède aussi de sa nature, puisqu’il est impossible que quelqu’autre chose soit avec Dieu, qui, par sa nature, ne soit pas lui.

11. Après quoi, ils ajoutèrent dans leur enseignement « Esprit vivificateur », parole qui suffit à prouver que l’Esprit Saint est Dieu, comme ce qui a été dit plus haut. Car notre Seigneur dit : Les eaux que je donnerai deviendront en lui une source d’eaux jaillissant en vie éternelle (Jn 4, 14) ; et il désigne en son discours le don de l’Esprit Saint, qui donnera la vie éternelle à ceux qui la mériteront. Et ailleurs encore : Qui croit en moi, comme disent les Écritures, des fleuves d’eaux vives couleront de son sein (Jn 7, 38) ; ce qu’il appelle eaux vives c’est le don de l’Esprit Saint, parce qu’il peut procurer la vie éternelle. Et encore l’Apôtre dit : La lettre tue, mais l’Esprit vivifie (2 Co 3, 6), nous faisant entendre qu’il nous rendra immortels. Et ailleurs encore : Adam le premier homme devint une âme vivante, et le second Adam esprit vivifiant (1 Co 15, 45) ; et il indique en sa parole que le Christ notre Seigneur, eut, du fait de sa résurrection d’entre les morts, le corps transformé en l’immortalité par la vertu de l’Esprit Saint.Comme ailleurs aussi il dit : Il fut reconnu comme Fils de Dieu en vertu et dans l’Esprit Saint, parce que d’entre les morts ressuscita Jésus-Christ notre Seigneur (Ro 1, 4. Et si, dit-il, l’Esprit qui ressuscita notre Seigneur Jésus-Christ d’entre les morts demeure en vous, celui qui ressuscita Jésus-Christ d’entre les morts fera vivre aussi vos corps morts, à cause de son Esprit qui habite en vous (Ro 8, 11).

12. Notre Seigneur aussi nous instruisant au sujet de son corps, dit : C’est l’Esprit qui donne vie, le corps ne sert de rien (Jn 6, 63), pour indiquer que c’est par l’Esprit Saint qu’il a lui aussi l’immortalité et (qu’)aux autres, c’est elle même qu’il donne en modèle. Or ceci même appartient à la nature qui de toute éternité existe et est cause de tout : parce qu’en effet, c’est celui qui de rien peut faire quelque chose, à qui il appartient aussi de donner vie, c’est-à-dire de nous rendre immortels, afin qu’en tout temps nous soyons vivants ; car, même parmi toutes les créatures, les plus élevées sont celles qui ont une nature immortelle. Il est évident et certain que, qui peut faire cela, peut aussi faire le reste. Or Dieu prouve qu’il appartient à la nature divine de faire cela, quand il dit, sachez donc que c’est moi qui suis, et il n’y a pas de Dieu hors de moi ; c’est moi qui fais mourir et c’est moi qui fais vivre, c’est moi qui frappe et c’est moi qui guéris (Dt 32, 39). Et il indique qu’il appartient à lui, de par sa seule puissance, de ressusciter d’entre les morts et de libérer de leur châtiment ceux qui sont soumis aux coups.

13. C’est donc en ces termes que nos pères bienheureux nous mirent en garde, nous enseignant qu’il nous faut croire que l’Esprit Saint est de la nature divine de Dieu le Père ; et, à cause de cela, avec le Père et le Fils, il est confessé et cru dans la profession de foi, dans l’instruction (catéchétique) et au baptême. Chacun de nous, c’est au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint que nous avons été baptisés, selon l’enseignement de nos pères, (enseignement venu) de la tradition de notre Seigneur, en sorte qu’il est évident et certain à tous que conséquemment c’est la doctrine de la foi véridique que nos pères nous transmirent selon le commandement du Christ. Et les mots mêmes du Credo ne sont rien d’autre qu’une explication et interprétation des paroles de la tradition (inaugurée) par notre Seigneur. Car celui-ci, en ordonnant enseignez les nations au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, nous a indiqué manifestement qu’unique est la nature divine du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Il est impossible, en effet, que ceux des gentils qui accédaient à la religion véritable en rejetant l’erreur du polythéisme et en s’éloignant de ceux qui portent de façon mensongère le nom de dieux, (il les ait induits à) accepter en échange la doctrine qui les fait accéder au Père, au Fils et à l’Esprit Saint, s’il n’était convaincu et certain qu’unique est la nature divine qui de (toute) éternité existe et est cause de tout - afin que nous nous éloignions de ceux qui ne sont pas dieux en vérité, que nous croyions en l’unique nature divine qui est Père, Fils et Esprit Saint, que nous nous abstenions de donner à la créature le nom de dieux et que nous ayons foi en l’unique nature incréée, qui de rien peut faire toute chose, parce qu’elle est Seigneur et Dieu en vérité, à qui en justice est dû ce titre et cet honneur.

14. Aussi notre Seigneur ajouta-t-il au baptême l’instruction (catéchétique) pour que le baptême devienne la conclusion de (cette) instruction. À ceux, en effet, qui avaient quitté les dieux mensongers et appris qu’unique est la nature divine - qui de (toute) éternité existe et est cause de tout, qui est Père, Fils et Esprit Saint -, il convenait de recevoir en ces noms le don du baptême, accordé en vue d’une jouissance merveilleuse et en gage d’ineffables biens à venir. C’est en invoquant ces noms que se fait au baptême la profession (de foi), parce que ces noms-là qui sont invoqués sont ceux de cette unique nature divine qui de toute éternité existe et est cause de tout, qui peut de rien créer toute chose, de tout temps en prend soin et les gouverne. Et il faut que nous, en ces noms de Père, Fils et Esprit Saint dits au baptême, nous attendions d’être rénovés et de recevoir une libération véritable.

15. Et en conséquence encore, à la profession baptismale ils ajoutèrent aussi la profession de la foi à « une Église catholique ». Je suis baptisé pour devenir un membre du grand corps de l’Église comme dit le bienheureux Paul : Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme vous avez été appelés à l’unique espérance de votre vocation (Éph 4, 4). Ce n’est pas, certes, cet édifice bâti par les hommes qu’il appelle « Église », bien qu’il reçoive ce nom à cause de la réunion des fidèles qui s’y (fait) ; mais il nomme « Église » toute l’assemblée des fidèles qui servent Dieu de façon orthodoxe, ceux qui, depuis la venue du Christ, ont en tout lieu cru en lui, (et) jusqu’à la consommation du monde et la venue de notre Sauveur que nous attendons du ciel - parce que notre Seigneur lui aussi, ayant dit à ses apôtres bienheureux : Allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, leur apprenant à garder tous les commandements que je vous ai prescrits, ajouta : voici, moi, je serai avec vous tous les jours jusqu’à la consommation de ce monde (Mt 29, 19-20).

16. Cet avec vous, en la personne des apôtres, il le dit à tous ceux qui en tout lieu devaient croire en lui, et, selon cette tradition sont baptisés, jusqu’à la consommation du monde.C’est cette réunion des fidèles et des « craignants Dieu », que notre Seigneur aussi nomme Église, quand il dit : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et le portes de l’Hadès ne prévaudront pas contre elles (Mt 16, 18). C’est sur cette foi et confession qu’il promit de rassembler tous les « craignant Dieu », en sorte que c’est leur assemblée qui ne sera pas dissoute ni vaincue par l’attaque des ennemis.Aussi le bienheureux Paul dit-il que par le moyen de l’Église est connue des Principautés et des Puissances qui sont dans le ciel, la profondeur de la sagesse divine, (l’Église) qu’avant les siècles il prépara par le moyen de notre Seigneur Jésus-Christ (Éph 3, 10-11), indiquant que ces puissances invisibles admirèrent en elle la sagesse multiforme de Dieu qui rassemble tous les hommes en vue du service divin et fit d’eux un seul corps du Christ par la seconde naissance du saint baptême, et fit qu’ils pussent attendre dans le monde à venir d’avoir société avec lui dans les biens futurs.

17. C’est sur cette Église qu’il appelle corps du Christ : en ce monde-ci, par la seconde naissance du baptême, c’est en figure qu’elle reçoit société avec lui ; mais, dans le monde à venir, ce sera effectivement en vérité, lorsque sera transformé notre corps d’humilité et qu’il deviendra à la ressemblance de son corps de gloire (Phi 3, 21). Car, de même qu’en ce monde-ci, nous sommes à la ressemblance du corps d’Adam, lui ressemblant aussi de corps, ainsi portons-nous aussi le nom de corps du Christ notre Seigneur, parce que nous devons recevoir la gloire de sa ressemblance, quand sera transformé notre corps d’humilité.

18. C’est aussi ce qu’enseigne ailleurs le bienheureux Paul en disant : Je me réjouis dans les souffrances à cause de vous, et j’achève dans ma chair ce qui manque aux tribulations du Christ pour son corps qui est l’Église, dont moi, Paul, je suis ministre (Col 1, 24). Manifestement, ce qu’il appelle corps du Christ c’est l’Église, pour l’établissement de laquelle il fut ministre et pourquoi il subit de nombreuses souffrances.C’est ainsi qu’il indique que sont devenus un seul corps, par l’unique vertu de l’Esprit Saint, tous les fidèles appelés à l’unique espérance à venir. À cause de cela aussi, écrivant aux Corinthiens, il disait : Vous êtes le corps du Christ notre Seigneur (1 Co 12, 27). Et encore, notre Seigneur, en des discours à ses disciples, disait en forme de prière : Ce n’est pas seulement pour ceux-ci que je prie, mais aussi pour ceux qui vont croire en moi à cause de leur parole, afin que tous soient un : comme toi, mon Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous (Jn 17, 20-21). Je veux, (dit-il), que ce ne soit pas ceux-ci seulement, mais aussi tous ceux qui par eux vont croire en moi, qui soient un par la transformation qui (leur procurera) ces biens.De même que moi je possède avec toi une conjonction exacte et ineffable, qu’ainsi eux aussi, par leur foi en nous, deviennent un ; eux tous, par la perfection de leur transformation en vue des biens, qu’ils soient à la ressemblance de ma gloire à moi et (qu’ils) possèdent conjonction avec moi, par quoi ils soient élevés à l’honneur de l’intimité avec la nature divine.

19. Donc, puisque c’est cela qu’en figure le baptême fait de nous - qu’avec le Christ nous mourons dans le baptême et ressuscitons, selon le témoignage du bienheureux Paul -, à cause de cela, chacun de nous confesse : « Je crois et suis baptisé au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, en une seule Église catholique, sainte », déclaration qui signifie : ce n’est pas à cause de choses médiocres, mais pour des grandeurs admirables et des biens célestes que je vais être baptisé ; et, en effet, du baptême j’attends de devenir, moi aussi, l’un des fils de l’Église, assemblée de ces fidèles qui, par le baptême, ont mérité le nom de corps du Christ notre Seigneur et ont reçu une sainteté ineffable et une espérance d’immortalité et d’immutabilité future. Et il y a une seule Église qui embrasse tout, à cause de ceux qui en tout lieu croient et attendent de recevoir la vie céleste, comme dit le bienheureux Paul : l’Église qui est au ciel, où sont inscrits les premiers-nés de Dieu. Il les nomme premiers-nés parce qu’ils vont recevoir la merveilleuse adoption filiale, par une élection suprême - non pas comme celle des Juifs, qui se transformait -, mais l’immortalité merveilleuse et l’immutabilité dans le bien sera accordée à ceux qui le méritent. Il les appelle inscrits au ciel, car c’est là-(haut) qu’ils vont habiter. Les (Pères) nomment donc l’Église sainte, à cause de la sainteté et de l’immutabilité qu’elle va recevoir de l’Esprit Saint ; catholique, pour désigner tous ceux qui en tout lieu et en tout temps ont cru ; une, la dirent-ils, parce que, seuls, tous ceux qui ont cru dans le Christ recevront ces biens futurs, et ce sont eux qui sont l’unique Église sainte.

20. Et pour indiquer quel est le profit de la confession de ce Credo, il dirent « la rémission des péchés ». Ce ne fut pas une simple rémission qu’ils proposèrent dans leur discours, mais l’anéantissement complet du péché, comme notre Seigneur aussi dit : Ceci est mon corps, qui pour beaucoup est rompu en vue de la rémission des péchés, c’est-à-dire : afin que tous les péchés soient effacés - car la rémission véritable est celle qui ne l’est pas de certains péchés, mais où tous absolument sont remis ; de même le bienheureux Jean dit : Voici l’Agneau de dieu, qui enlève de péché du monde (Jn 1, 29). Or ceci se produira parfaitement dans le monde à venir, quand, par la résurrection, nous serons devenus immortels et immuables, et que cesseront toutes les impulsions au péché. Aussi le bienheureux Paul disait-il : Si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité ; or si le Christ n’est pas ressuscité, vaine et notre foi et vous êtes encore dans vos péchés (1 Co 15, 16-17), indiquant que c’est à la résurrection d’entre les morts que nous attendons qu’ait lieu le parfait anéantissement du péché.

21. C’est pourquoi nos bienheureux pères aussi, après avoir dit « la rémission des péchés », ajoutèrent « la résurrection du corps et la vie éternelle », indiquant que nous recevrons cela quand nous serons ressuscités d’entre les morts et (que nous) aurons reçu jouissance des biens éternels. Alors véritablement, après que nous serons devenus immuables, aura lieu l’anéantissement complet du péché, et nous deviendrons une seule « Église sainte, catholique », parce que nous aurons reçu une sainteté ineffable et que nous serons immortels et immuables, et obtiendrons d’être toujours avec le Christ ; quand en effet ce corps corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et ce mortel l’immortalité, alors s’accomplira cette parole de l’Écriture : la mort a été engloutie dans la victoire. Om est ta victoire, Chéol ? Où est ton aiguillon, ô Mort ? Car l’aiguillon de la mort, c’est le péché et la force du péché, c’est la Loi (1 Co 15, 54-56). Car alors ce sera vraiment l’anéantissement de tout ceci à la fois, la mort, le péché, la corruption ; et avec cela s’évanouira aussi la Loi, car nous n’aurons plus dès lors besoin de loi, puisque saints nous serons devenus, immortels et incorruptibles.

22. A bon droit donc nos pères bienheureux nous transmirent-ils en premier lieu la profession de foi, par laquelle nous sommes instruits selon la tradition de notre Seigneur et nous apprenons ce qu’il faut savoir du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, (nature) qui de toute éternité existe et est cause de tout, et que c’est cette nature seule qui reçoit justement le nom de Seigneur et de Dieu et qu’il convient que nous confessions avec foi, et à qui est due l’adoration par toutes les créatures. Et après cela, c’est la profession (de foi) du baptême même qu’ils nous apprirent, pour indiquer que, conformément à la tradition de notre Seigneur, qui a dit : Allez, enseignez et baptisez au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, ainsi instruit-on et transmet-on le baptême au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint ; et à ceux qui, dans l’espoir de biens merveilleux, vont être baptisés, il ne convenait de nommer aucune autre nature, si ce n’est celle par qui tous les biens sont accordés à toutes les créatures. Mais ils ajoutèrent aussi à cela la confession (de foi) aux biens à venir, en l’espérance desquels nous accédons à la grâce du baptême : parce qu’il nous faut nécessairement savoir quels sont les biens attachés à cette doctrine - que c’est une nature divine unique que sont le Père, le Fils et l’Esprit Saint -, et (à cette) foi - que par la seconde naissance du saint baptême nous recevrons ces (biens), qui sont célestes et ne passent pas, que la nature divine, existant de (toute) éternité et cause de tout, peut nous les accorder.

23. Nous donc, en vue d’une instruction parfaite, en ces nombreux jours passés nous avons proposé à Votre Charité une explication du Credo. C’est à vous qu’il appartient désormais de vous rappeler avec soin ce qui vous a été dit, afin que, retenant sans en (rien) changer la profession de foi religieuse, vous receviez vraiment jouissance des biens à venir, (biens) que daigne Dieu accorder à nous aussi, par la grâce de son (Fils) Unique, notre Seigneur Jésus-Christ, à qui et à son Père avec l’Esprit Saint soient gloire honneur maintenant et en tout temps et dans les siècles des siècles. Amen et Amen.

Sont finies d’écrire les dix homélies : Explication du Credo, que fit l’Excellent et ami du Christ Mar Théodoros, évêque et interprète des divines Écritures.

Sources :

Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste, trad. Raymond Tonneau et Robert Devreesse, Biblioteca Apostolica Vaticana, Città del Vaticano, 1949, 1961, p. 245-281.

Avec l’aimable autorisation de A. M. Piazzoni, vice-préfet de la Biblioteca Apostolica Vaticana, pour une publication en ligne jusqu’au 31 décembre 2010.

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