Théodore de Mopsueste : Explication du symbole de foi (II)

Deuxième homélie catéchétique
Dimanche 13 juillet 2008 — Dernier ajout mercredi 28 avril 2010

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Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste furent découvertes en 1932 dans un manuscrit syriaque. Elles sont au nombre de seize. Les dix premières commentent la profession de foi, les autres expliquent le Notre Père, la liturgie baptismale et l’eucharistie. Après avoir publié la première homélie qui inaugure l’explication du Symbole de la foi, nous publions la deuxième qui explicite la foi en un Dieu tout à la fois Père et auteur de toutes choses.

Homélie 2. Résumé de la précédente homélie (§ 1). La mission du Christ à ses apôtres : l’enseignement et le baptême des nations au nom de la Trinité (§2-4) ; Dieu est le Père, il l’est de toute éternité (§ 5-9) ; auteur des choses visibles et invisibles (§ 10-15) ; comment il faut entendre ces deux noms de « père » et « auteur », quand on les dit de Dieu et quand on les attribue à l’homme (§ 16-19).

Deuxième homélie sur la foi

1. De la foi, qui est la base initiale de la profession (de foi) religieuse, nous avons à bon droit, autant que nous l’a donné la grâce, parlé hier à Votre Charité ; et nous avons abordé les paroles de l’enseignement de notre foi, et avons montré comment par la foi en un seul Dieu, toute l’erreur du polythéisme des Gentils est parfaitement détruite. De ces saints livres mêmes des prophètes, nous avons appris à rejeter (loin) de nous toute l’opinion païenne sur leurs dieux nombreux et vairés et à croire qu’unique est la nature divine, à laquelle il convient de recevoir le nom de Dieu et de Seigneur, parce que c’est elle qui est de (toute) éternité et est cause de tout ; et fort éloignés de cette nature sont tous les êtres créés.
En effet, il n’est pas possible que ce qui a été créé soit dit exister de (toute) éternité et nul (être) créé n’accepte d’être nommé proprement Seigneur et Dieu par nature. En effet, une chose créée par une autre ne peut elle-même rien créer de rien ; ce n’est pas en (toute) justice qu’elle est appelée dieu, mais il lui faut admettre qu’est Dieu celui qui l’a créée. C’est pourquoi nous disons qu’il y a un seul Dieu comme nous l’ont enseigné les prophètes bienheureux, qui, par la grâce de l’Esprit Saint, parlèrent et définirent quelle nature est Dieu : ils n’ont enseigné clairement rien d’autre.

2. Mais l’enseignement au sujet du Père et du Fils était réservé à Notre-Seigneur, lui qui enseigna lui-même à ses disciples ce qui était inconnu jadis et n’avait pas été révélé à l’enseignement des hommes, et leur prescrivit de l’enseigner eux aussi aux autres, en leur disant clairement : « Allez, évangélisez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint. » (Mt 28, 19). De même, en effet, que le bienheureux Moïse, livrant son enseignement, dit : « Le Seigneur ton Dieu est seul Seigneur » (Dt 6, 4) - et en conséquence tous les prophètes d’accord enseignèrent ainsi -, de même le Christ Notre-Seigneur livra sa doctrine au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, sans dire ce qu’il fallait comprendre et enseigner aux autres sur le Seigneur et Dieu, parce que ceci avait été clairement proclamé par les prophètes. Mais ce qui faisait défaut à la perfection de l’enseignement de ceux-ci, c’est ce qu’il ordonna à ses apôtres d’enseigneur à toutes les nations, en disant : « Allez, évangélisez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint. » Ce n’est pas, en effet, pour que nous pensions que l’un de ceux-ci n’est pas Dieu, ni qu’en dehors de ceux-ci il y ait un Dieu, mais pour que nous croyions que ceux-ci seulement sont la nature divine, dont jadis les prophètes nous avaient enseigné qu’elle est unique.

3. Comme les Gentils avaient (admis) d’abord la doctrine polythéiste de dieux nombreux et différant par la jeunesse et la vieillesse, la faiblesse et la force, dont certains ont telle puissance et certains une autre, le Christ, contre ceci, ordonna à ses disciples d’enseigner à toutes les nations de se détourner de toute erreur païenne et de croire qu’une est la nature divine - selon la doctrine qui avait autrefois été transmise aux hommes et dont ils avaient reçu la science religieuse -, et qu’ils sachent que celui, qui de (toute) éternité existe et est cause de toute chose, est seul la nature divine, qui est connue en trois hypostases du Père et du Fils et de l’Esprit Saint. Impossible, en effet, quand il arrachait les Gentils aux faux noms des dieux, qu’il les eût amenés à la connaissance du Père, s’il n’avait pas en vérité su qu’il est la nature divine. Ni il ne les eût amenés à la connaissance du Fils, s’il ne l’avait pas vraiment connu comme (étant) de la même nature. Ni non plus il ne leur eût enseigné la connaissance de l’Esprit Saint, s’il eût été étranger à cette nature. Ceci, en effet, eût été les amener d’un mensonge à une science mensongère. Mais il est certain que des faux dieux, qui ne reçoivent pas à juste titre le nom de dieux, le Christ ordonna à ses disciples d’écarter par sa doctrine les Gentils, pour les amener à la connaissance du Dieu véritable, qui consiste en la confession du Père et du Fils et de l’Esprit Saint. Chacune en effet de ces hypostases est en vérité Dieu ; et unique est la nature divine du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, dont nous croyons que de (toute) éternité elle est et est cause de toute chose.

4. Ainsi concorde la doctrine de l’Ancien Testament avec le Nouveau Testament ; et les paroles dites de Dieu par les prophètes ne sont ni étrangères ni contraires à celles que le Christ Notre-Seigneur transmit aux Gentils par les apôtres, mais elles concordent avec la véritable science de la religion comme l’enseignement des prophètes s’opposant absolument à l’erreur du polythéisme ; et elles sont supérieures à l’enseignement des prophètes par la perfection de la science, puisque par les prophètes nous n’avons connu que Dieu et ce qu’est la nature incréée, tandis que l’enseignement de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a aussi fait connaître exactement les hypostases en lesquelles existe la nature divine.
C’est pourquoi nos bienheureux pères établirent d’abord la profession de foi en un seul Dieu, comme elle est écrite dans l’Ancien Testament, pour anéantir l’erreur du polythéisme ; et ensuite, ils nous ont transmis la connaissance des hypostases, selon l’enseignement du Christ. Ils auraient pu, et ce leur eût été facile, brièvement de dire la parole de Notre-Seigneur : « Au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint » ; mais puisque c’est contre la doctrine des hérétiques qu’ils écrivirent ce (symbole) de foi, ils enseignèrent cette foi en paroles aussi brèves que possible, plus nombreuses (cependant) que la tradition de Notre-Seigneur, pour la destruction de l’erreur et l’instruction de l’Église ; afin, par l’intelligence de ces (paroles), de réfuter ceux qui s’opposent à la vraie foi. Après avoir dit « Je crois en Dieu », ils ajoutèrent à bon droit le nom de « Père ».

5. Après les paroles sur Dieu, ils passèrent à la doctrine des hypostases, qui est la véritable profession de foi des chrétiens et la véritable science de ceux qui se font disciples du Christ. Car, puisque la parole dite de la nature divine se prend pour les trois hypostases, tandis que la doctrine sur les hypostases ne pouvait se dire en une fois, ils nous ont à bon droit dit de façon distincte ce qui convient à chacune des hypostases. Et au début de leur discours ils placèrent le Père, de qui (procèdent) le Fils et l’Esprit Saint. Car, Père, en vérité l’est celui qui seul est Père. De chacune des hypostases nous tenons fermement qu’elle est Dieu, parce que c’est cette doctrine véritable que dans la confession de ces hypostases nous a transmise le Christ. Mais ayant entendu (dire) « Père », ce n’est pas d’une manière commune que nous l’entendons, mais nous tenons fermement que Dieu est Père, et en vérité Père, car c’est d’une manière unique qu’il est Père ; et c’est comme il convient à la nature divine que nous pensons que Dieu est Père.

6. Tous les (êtres) créés, en effet, c’est après avoir acquis l’existence qu’ils acquièrent encore ceci, de devenir pères ; aussi n’y a-t-il parmi les hommes personne, qui, en même temps qu’il devient, possède aussi ceci, de devenir père. Car même Adam, le premier homme, qui n’est pas né d’homme, n’eut pas, en même temps qu’il devint, ceci, de devenir père. Mais il devint père, par la volonté de Dieu (son) auteur ; et ce n’est qu’ensuite que lui fut donné ceci : de devenir père. « Adam, connut sa femme, est-il dit, et elle conçut et enfanta un fils » (Gn 4, 1). Et après son union avec Ève et un long temps de gestation et les douleurs et l’enfantement, alors il devint père et (en) reçut le nom : aucune de ces choses qu’il ne soit impie de penser de la nature divine. Celui, en effet, qui n’a pas besoin de temps pour devenir existant, n’a pas non plus besoin de temps pour devenir père ; mais puisque de (toute) éternité il existait, de (toute) éternité aussi il fut père.

7. Père, donc il l’est en vérité, Dieu le Père, et ce ne fut pas dans le temps qu’il reçut (cela), car ce ne fut pas après un temps qu’il eut un fils ; mais de (toute) éternité, il existait auprès de lui et de (toute) éternité de lui et avec lui, comme Fils. C’est pourquoi Notre-Seigneur aussi, transmettant à ses disciples cette doctrine admirable : « Enseignez, dit-il, au nom du Père (Mt 28, 19). Et il n’eut pas besoin d’ajouter une parole pour faire connaître qui il appelle Père, car ce qu’il a dit : Enseignez et baptisez, suffit à indiquer qui il appelle Père. C’est Dieu en effet qu’il nommait Père, en qui il fallait croire et être baptisé, et Dieu, celui qui de (toute) éternité existe selon l’enseignement des prophètes.

8. Il est donc impossible que celui qui de (toute) éternité existe, devienne père après un (certain) temps ; et le nom même de père, sans complément, indique cela. Qu’il devint père, plus tard, en effet, comme nous-mêmes, il nous serait semblable par la dénomination et par la signification du nom : il faudrait donc, puisque cette dénomination serait semblable au nom (attribué) à plusieurs, nécessairement demander : Qui appelle-t-il Père ? Mais, puisque c’est ainsi qu’il est père, en vérité, seul c’est lui qui est Père. De même, en effet, que naturellement de (toute) éternité il existe, de même aussi Père, de (toute) éternité il l’est, unique donc par le nom et par la signification du nom ; et il ne nous faut pas demander qui est appelé Père, car le nom même nous conduit au Père véritable.

9. De même que, quand il dit : « Je suis celui qui est, et tel est mon nom à jamais et tel est mon souvenir de siècle en siècles » (Ex 3, 14-15), nous comprenons que c’est Dieu qui est appelé de ce nom, parce que lui, en vérité, est et que toutes les créatures, en vérité, n’existent pas, puisque c’est de rien et selon la volonté de leur auteur qu’elles devinrent, et que lui, vraiment, il existe - à cause de quoi il est appelé « Celui qui est », n’ayant pas été fait par un autre ; de même aussi ce (nom de) Père -, puisqu’il ne nous est pas semblable ni non plus père comme nous (et) ce ne fut pas en effet dans le temps qu’il reçut de devenir père - il nous faut, ayant entendu ’père’, penser à ce Père véritable, à celui qui n’obtint pas dans le temps de devenir père, ni n’eut besoin d’une union, mais Père en vérité, et de (toute) éternité est Père, nature parfaite avec qui de (toute) éternité est le Fils. 10. C’est tout ceci que nous enseigna cette parole qu’on dit : « Je crois en un seul Dieu le Père » ; après quoi il était bon de placer celle-ci : « auteur de toutes les choses, visibles et invisibles », afin de comprendre qu’il n’est pas seulement le Père du Fils, mais qu’il est aussi l’auteur de toutes les créatures, (et en) considérant quelle différence il y a entre ce nom de Père et celui d’auteur, et entre Fils et créatures. Du Fils en effet il est père, et des créatures auteur. Et les créatures furent faites ensuite, tandis que le Fils, dès le commencement il est de lui et avec lui. Telle est la différence qu’il y a entre ce « père » et cet « auteur » : il est dit père de celui qui est né de lui, tandis qu’il (est dit) auteur de toutes les natures qui, étrangères à lui, furent créées de rien, par sa volonté. Aussi en confessant qu’il (est) père, n’a-t-on rien ajouté. Cette dénomination de « père » suffisait en effet à faire connaître le Fils, car il n’y a pas de père sans fils ; et tout père que ce soit, c’est d’un fils qu’il est père. Et d’ailleurs (on n’ajouta rien), parce qu’on devait (compléter) autant qu’il est possible notre enseignement sur le Fils.

11. Or à cet « auteur », on ajouta « de toutes les choses visibles et invisibles », afin d’indiquer aussi par ceci la différence qu’il y a du Fils aux créatures. Du Fils seul il est Père, tandis qu’auteur (il l’est) de toute chose, soit visible, soit invisible, parce que toutes ont été créées de rien. Il n’eût pas, en effet, été dit Fils du Père et des créatures auteur, s’il n’y eût beaucoup de différence entre eux : celle qu’il convenait qu’il y eût entre un Fils et des créatures. Tandis que du Fils il est appelé et est le Père, parce qu’il est de (même) nature que celui qui est dit être son propre Fils ; mais auteur de toute chose (est-il dit), parce que toute chose a été créée de rien.Bien que les natures visibles diffèrent des invisibles, cependant toutes, elles sont faites, visibles et invisibles ; bien qu’en effet il y ait, nous le savons, une différence entre elles, toutes cependant c’est par la volonté de leur auteur qu’elles subsistent.Et c’est ainsi que fut faite chacune d’elles, comme le voulut leur auteur. Mais (cette qualité), d’avoir été faites de rien, elles l’ont également, parce que toutes, elles ont été créées de rien par la volonté de leur auteur. Aussi le bienheureux David dit-t-il : « Glorifiez le Seigneur du haut du ciel ; glorifiez-le tous ses anges, glorifiez-le, toutes ses forces armées ; glorifiez-le, soleil et lune » (Ps 148, 1-3) et successivement il récite tout ce qui a été fait au ciel et sur la terre, (êtres) visibles et invisibles, mortels et immortels, raisonnables et brutes, intelligibles et sensibles, les vivants et ceux qui sont privés de vie ; et, les invitant à glorifier Dieu, il présente à tous un seul motif : « car c’est lui qui a parlé et ils ont été faits, il a ordonné et ils ont été créés ; il les a fait subsister dans les siècles des siècles ; il a donné une loi, elle ne passera pas » (Ps 148, 5-6).

12. Puisqu’en effet toute chose a été créée par lui et subsiste selon sa volonté, toute chose, visible ou non, est débitrice de louange à son auteur. Il nous faut donc reconnaître en Dieu le Père les deux choses : qu’il est père et aussi qu’il est créateur, et comprendre la différence des deux.Car ce n’est pas parce qu’il est père, qu’il est aussi créateur, ni ce n’est parce qu’il est créateur qu’il est par là même père - puisqu’il n’est pas créateur de celui dont il est père, ni non plus il n’est père de ceux dont il est l’auteur. Mais il est père seulement du Fils véritable, unique, celui qui est dans le sein de son Père, dont il est engendré et avec qui de toute éternité il est ; tandis qu’il est auteur de toutes ces choses qui devinrent et furent faites, qui sont fort éloignées de son ’ousie’, et furent créées par sa volonté quand il lui plut. Du Fils donc, il est appelé et est Père, parce qu’il est de lui et de sa nature ; tandis que des créatures il est auteur et créateur, parce que de rien il les a amenées à être.

13. Mais qu’il soit appelé père des hommes, ce n’est pas parce qu’il les a faits qu’on le nomme père, mais parce qu’ils sont proches et familiers. Aussi n’est-ce pas de tout le monde qu’il est nommé père, mais de ceux qui sont de sa maison, selon cette (parole) : « J’ai éduqué des fils et les ai élevés » (Is 1, 2), - parce qu’à ceux qui sont devenus proches par faveur il a donné d’être ainsi appelés -, et celle-ci encore : « Mon fils, mon aîné, Israël » (Ex 4, 22), car le reste des autres, (ce) n’étaient pas des fils.

14. Connaissant donc cette différence (qu’il y a) quand nous appelons Dieu - Père du Fils Unique, celui qui, seul, est Fils véritable qui lui est connaturel, nous l’appelons encore auteur de tout ce qui de rien a été créé et subsiste -, il nous faut aussi dans notre profession (de foi) garder cette même signification ; sans cependant penser au sujet de Dieu, en le confessant père et auteur, la même chose que nous pensons des hommes quand nous les appelons pères et auteurs. Mais la différence entre père et auteur, nous la comprenons comme il convient par ce qui nous est propre. De même que chez nous, autre (est) l’auteur et autre le père, ainsi en Dieu (en est-il) aussi ; puisque nous aussi nous recevons le nom de pères de ceux qui (proviennent) de nous et son nés de notre nature, tandis que (nous sommes nommés) auteurs non pas de ceux qui sont de notre nature, mais de ce qui est fait (d’éléments) en dehors de nous et aussi subsiste : une maison, un navire et toutes choses semblables, étrangères à notre nature (qui) sont faites par nous.

15. Les choses étant ainsi en nous, il nous faut, d’une réflexion prudente, examiner quelle différence il y a entre père et auteur en Dieu ; et nous comprendrons qu’il est Père du Fils unique qui est né de sa nature, tandis qu’il est auteur de toutes les créatures qui de rien ont été créées et subsistent ; et il n’eut pas besoin de matière, mais lui-même créa les natures, qui par la (matière) paraissent et existent.

16. Puisque c’est à l’image de Dieu que nous avons été faits, comme en une image, à partir de ce qui nous est propre (et) à la réflexion, nous concevons que soit plus sublime ce qui se dit de Dieu. De cette manière, la différence entre reconnaître (comme) père et (comme) auteur, sa nature et son degré, il est possible de la concevoir en Dieu à partir de ce qui nous est propre - ceci étant évidemment connu, qu’il y a beaucoup de différence entre nous et Dieu -, et ainsi (il est possible) de nous faire l’idée juste de la nature divine et de ses œuvres. Car tout ce qui nous échoit par faiblesse, il nous faut absolument l’écarter de notre conception quand c’est de la nature divine que nous parlons. Nous, quand nous faisons (quelque chose), nous avons besoin de peine, de matière et de temps ; tandis que Dieu est au-dessus de tout cela, lui dont, en même temps qu’il les veut, subsistent les œuvres, parfaitement, de rien. De plus, naissant dans la peine, c’est par une progression que nous devenons pères, ayant besoin de la nature féminine en guise de matière et de beaucoup de temps ; et sans cela, devenir pères nous est impossible. Dieu au contraire, étranger à tout cela, existe comme père. Car il n’éprouve aucune peine, il n’use d’aucune progression ni n’a besoin d’union, il ne passe aucun temps, mais tout à la fois, de (toute) éternité Père, il existe.

17. Toutes les conceptions indignes, celles qui par faiblesse nous arrivent, nécessairement nous les écartons par rapport à Dieu, que nous parlions soit de génération soit d’opération - puisque nous, nous faisons tout avec effort et la nature même, par l’effort même se fatigue et progresse -, tandis que Dieu est au-dessus de tout ceci.En effet, le (fait) même de régner, de dominer, de juger, de prendre soin, de parler, de voir, et tout ce que nous faisons, ce n’est pas sans effort que nous le faisons ; et quand se prolonge le labeur, après lui vient la fatigue ; et parce que notre nature est mortelle et corruptible, par l’effort même elle se dissout. Mais Dieu, tout ce que l’on dit de lui, c’est sans effort, sans progression et sans dommage qu’il (le) dirige et (y) pourvoit, qu’il juge, qu’il règne et fait toute chose.

18. Telle est la conception qu’il convient de nous faire de Dieu, et telle la foi qu’il faut avoir de Dieu le Père. Si nous l’appelons père, que ce soit du Fils que nous l’appelions Père, lui qui est véritablement, par nature, père comme nous aussi. Ce n’est pas non plus autrement, en effet, que l’on peut comprendre qu’il soit Père en vérité, sinon que, naturellement, père il l’est : de (toute éternité), il existe (comme) père, parce que sa nature de toute éternité existe, par quoi il est Père. Et si c’est auteur que nous l’appelons, nous comprenons que c’est avec sagesse qu’il fit tout, comme il est dit : « Tu les as tous créés avec sagesse » (Ps 103, 24), comme, nous aussi, c’est avec la sagesse de notre art que nous agissons. Mais Dieu, en même temps que créateur, il les veut, les œuvres deviennent parfaitement, n’ayant pas besoin de temps, et n’y ayant nul intermédiaire (entre) son vouloir et le devenir de l’œuvre ; mais à l’instant où il veut faire ce qu’il veut, de rien cela vient à l’être.

19. C’est en cette profession (de foi) et dans cette conception que nos pères bienheureux nous ont transmis la foi en « un seul Dieu Père, auteur », ce que dans un enseignement prolongé nous avons fait connaître à Votre Charité, afin que vous le conserviez sans changement ; ainsi, votre profession (de foi) étant saine, vous pourrez vous tenir à l’écart des opinions mauvaises des hérétiques, par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit, à lui et à son Père, avec l’Esprit Saint, glorification et honneur dans les siècles des siècles. Amen.

Fin de la seconde homélie.

Sources :

Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste, trad. Raymond Tonneau et Robert Devreesse, Biblioteca Apostolica Vaticana, Città del Vaticano, 1949, 1961, p. 3-29.

Avec l’aimable autorisation de A. M. Piazzoni, vice-préfet de la Biblioteca Apostolica Vaticana, pour une publication en ligne jusqu’au 31 décembre 2010.

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