Fauste de Riez : Sur l’Esprit Saint

Jeudi 10 novembre 2005 — Dernier ajout vendredi 9 avril 2010

Cette œuvre de l’évêque Fauste de Riez n’avait pas été traduite jusqu’à présent. Grâce à la traduction réalisée par M. Berthon, elle peut désormais être proposée à un large public.

Il s’agit d’une œuvre de théologie concernant l’Esprit Saint et le lecteur qui désire approfondir cet aspect de la foi chrétienne va trouver, tout au long de l’ouvrage, dans les citations de textes bibliques et dans l’argumentation de Fauste, un enseignement sur la « personnalité » de l’Esprit Saint et sur le rôle que, au regard de la foi, il tient dans la vie du croyant, dans la vie de l’Eglise et dans l’humanité.

LIVRE I

Chapitre I

Nous devons formellement et sans détour reconnaître l’Esprit Saint à partir du chapitre de la foi, c’est-à-dire du Symbole.

La foi catholique s’est répandue dans le monde entier par les patriarches, les prophètes et les ministres de la grâce, sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Les Apôtres se sont attachés à la développer à travers les Saintes Écritures et de plus, ils l’ont condensée, en une admirable brièveté, dans le Symbole [1], formule du salut ; ils ont, pour ainsi dire, rassemblé en un seul corps des moyens de guérison dispersés, et, à partir d’innombrables aromates ont confectionné un onguent précieux, dont le parfum a rempli de ses puissants effluves spirituels tous les pays de la terre, pour que, dans ce consensus de caractère universel se manifeste la force de la vérité.

Et parce que, égarés comme de petits enfants qui ne savent pas, nous devons répéter les rudiments de la tradition chrétienne primitive, dans cette expression parfaite du Symbole se découvre clairement et l’unité et la trinité de Dieu et en même temps, en confessant par une triple répétition que nous croyons au Père, au Fils et à l’Esprit Saint, nous rendons à la foi un unique hommage.

C’est en ces termes précisément que les évêques, au nombre sacré de trois cent dix-huit, condamnèrent l’hérésie naissante d’Arius et de Macédonius [2] : « Je crois en Dieu le Père, je crois en son Fils unique notre Seigneur, je crois aussi en l’Esprit Saint ». Le fait qu’un petit nombre de ces évêques a dévié, par faiblesse, n’enlève rien au mystère de ce nombre universel. Nous avons dit « nombre sacré » parce que selon le mode de calcul des Grecs « trois cents » symbolise le signe de la croix et « dix-huit », les dix-huit invocations du nom adorable de Jésus [3]. C’est donc sous le signe de ce nombre mystérieux [4]. que saint Abraham triompha d’innombrables peuplades et que la piété de nos anciens confondit l’ennemi de la foi en proclamant d’une seule voix « le Père, le Fils et l’Esprit Saint ».

Par « ennemis de la foi » il faut comprendre aussi ceux qui blasphèment contre le Saint-Esprit, au risque d’une damnation éternelle, ou bien ceux qui ont été baptisés sans l’invocation complète du Symbole, ou qui, au moment de le réciter, dans la cuve baptismale, ont manqué à leur engagement, moment où tout homme, dans sa renonciation au démon confesse : « Je crois aussi en l’Esprit Saint ». Oui, je crois aussi « en » l’Esprit Saint. Comprenons le sens privilégié qui s’attache à cette tournure. Tu peux « croire à » cet homme, celui que tu voudras, mais « croire en lui » est une expression que tu sauras réserver à la majesté de Dieu. Car c’est une chose de croire que Dieu existe, autre chose de « croire en Dieu ». Que Dieu existe, même le diable le croit, comme le dit l’apôtre : Car les démons le croient aussi, et ils tremblent (Jc 2, 19).

En vérité il n’y a de véritable foi en Dieu qu’associée à l’espérance qu’on place fidèlement en lui. Croire en Dieu, c’est donc le rechercher constamment et s’incorporer en lui dans un amour total. Ainsi, « je crois en Lui » signifie : « je le confesse, je l’honore, je l’adore, je me livre et m’abandonne tout entier en son pouvoir et souveraineté ». Tous les devoirs que nous devons rendre au nom divin sont contenus dans cette profession de foi [5].

CHAPITRE II

Croire « en » l’Église n’a pas le même sens que croire « en » l’Esprit Saint. Mais, la préposition « en » supprimée, nous devons croire à Église.

Tu me fais cette objection : Dire « je crois aussi « en » l’Esprit Saint » n’est pas une preuve de sa divinité puisque cette affirmation est suivie par celle-ci : « je crois « en » la Sainte Église catholique [6] ». En premier lieu, je ne sais comment Macédonius ose prononcer le nom de Église catholique, lui qui, exclu du salut, a été rejeté en dehors de la catholicité, devenu l’un de ceux dont il est dit : De toutes parts rôdent les impies (Ps 11, 9).

Ainsi, tu dis « je crois « en » la sainte Église catholique » ! Pourquoi essaies-tu de susciter une énorme confusion dans l’emploi de cette petite syllabe « en » ? Nous croyons que Église est, en quelque sorte, la mère de la régénération spirituelle ; nous ne croyons pas « en » Église en tant qu’auteur du salut. En effet, puisque l’Église universelle confesse que ce salut vient de l’Esprit Saint, comment pourrait-elle croire qu’elle a, en elle-même, ce pouvoir ?

Donc, puisque l’enseignement reçu des Pères et répandu sur toute la terre confirme l’obligation absolue de croire en la seule Trinité, retranche cette syllabe « en » devant le nom Église ou bien affirme, par une profession de foi manifeste, en t’appuyant sur les Écritures que tu crois, en toute certitude « en » l’Église, démontre-le par des témoignages, persuade-nous par les divines prophéties, après avoir renoncé à l’arrogance de tes paroles.

Efforçons-nous de tirer des livres sacrés ce que nous devons croire ; c’est d’eux, comme d’une source, que dérive, s’enchaîne, subsiste, le contenu du Symbole. Croire en l’Église, c’est croire en l’homme. Car ce n’est point l’homme qui vient de l’Église, mais l’Église qui a commencé son existence à partir de l’homme. Écarte de ton esprit cette idée blasphématoire que tu dois croire « en » quelque créature humaine, alors qu’il n’y a lieu de croire ni « en » un ange, ni « en » un archange. Les mots qui, dans le Symbole, suivent le mot « Saint-Esprit » sont ceux de la dernière phrase du Symbole et s’emploient sans la préposition « en », de sorte que c’est « en » Dieu que nous croyons, « à » la sainte Église, « à » la communion des saints, « à » la rémission des péchés, « à » la résurrection de la chair, « à » la vie éternelle et que finalement nous confessons ces vérités comme un dépôt qui nous vient de Dieu et qui subsiste en Lui.

De fait, quelques uns, par ignorance, empruntant cette préposition à la formulation précédente, se sont empressés, sans réfléchir, de l’ajouter inutilement au mot suivant. Pourtant, aucun des canons [7] dont dépend le texte du Symbole, ne nous fait obligation de croire « en » l’Église comme nous croyons en l’Esprit Saint et en (la Personne) du Fils. Et c’est pourquoi, toute créature humaine étant étrangère à un tel honneur, de l’Esprit Saint « en » qui le Symbole nous prescrit de croire, nous disons qu’il est Dieu. La parole du Seigneur Sauveur réserve cette expression à la divinité, lorsqu’elle dit : Vous croyez « en » Dieu, croyez aussi « en » moi (Jn 14, 1) et qui croit en moi ce n’est pas en moi qu’il croit mais en celui qui m’a envoyé (Jn 12, 44).

Chapitre III

L’Esprit Saint, en tant qu’il est Dieu, n’a pas engendré le Christ mais il l’a créé.

Eh bien ! puisque Église catholique confesse que le Christ a été conçu de l’Esprit Saint, il nous faut demander aux partisans de Macédonius, s’ils considèrent l’Esprit Saint comme le créateur ou comme le père du Rédempteur. Si par hasard ils répondent qu’il en est le Père, alors qu’en récitant les premiers mots du Symbole ils auront dit : « Je crois en Dieu, le Père Tout Puissant » ce sera pour eux une grossière erreur que de confesser deux pères ! Si par contre, comme le veut la vérité, ils affirment qu’il en est le Créateur, ils devront même, en toute logique, le proclamer avec nous Seigneur de l’univers. Et c’est pourquoi l’Esprit Saint, depuis son temple (de Jérusalem) nous parle par la bouche de son prophète Isaïe, embouchant sa trompette pour annoncer l’avènement du Christ et ses deux natures :
Cieux, répandez d’en haut comme une rosée
Et que les nuées pleuvent sur le juste,
Que la terre s’entrouvre et fasse germer le Sauveur,
C’est moi, le Seigneur qui l’ai créé
(Is 45, 8).

Le Christ (en tant qu’homme), en effet, tiré du sein de Marie, œuvre de l’Esprit Saint, non une part de Lui, non engendré par Lui mais créé. Il a été conçu de sa Puissance, non de sa substance, par opération sans partage, par miracle, non par génération.

Chapitre IV

Nous devons affirmer l’Unité de Dieu, les prophètes en ont porté témoignage.

La foi catholique vénère une Majesté trine dont elle confesse l’unique Divinité. (Recevez des Livres Sacrés la révélation d’un Dieu Unique) : Écoute, Israël ! ton Seigneur Dieu est le seul Dieu (Dt 6, 4) et : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et ne serviras que Lui seul (Dt 6, 13), et encore : Moi je suis LE SEIGNEUR et nul autre que moi n’est Dieu (Dt 32, 39), et dans les psaumes : Tu fais des merveilles, toi, tu es le seul Dieu ! (Ps 85, 10) De même : Toi seul Très Haut, sur toute la terre ! (Ps 82, 19) Citons également Isaïe : Dieu d’Israël, qui sièges sur les chérubins, c’est toi qui es seul Dieu de tous les royaumes de la terre (Is 37, 16). De même : Moi Seigneur qui suis le premier et serai avec les derniers (Is 41, 4). De même : Moi, dont le nom est Seigneur, je ne cèderai pas ma gloire à un autre (Is 42, 8). Quant au témoignage du Seigneur qu’il est le premier et le dernier, pour que tu saches qu’il se rapporte au Christ, parlant de lui, il a dit : Je suis le Principe, moi qui vous parle (Jn 8, 25). Pareillement : Avant moi, il n’y a pas eu de dieu, et il n’y en aura pas après moi. Moi, je suis le Seigneur, il n’y a pas d’autre Sauveur que moi (Is 43, 10-11), affirmation qui s’applique parfaitement au Christ, Sauveur du genre humain. De même : Ainsi parle le Seigneur, ton Rédempteur, Celui qui t’a formé dès le sein maternel : C’est moi, le Seigneur, qui ai tout fait, qui seul, ai déployé les cieux, affermi la terre, et personne avec moi (Is 44, 24). Ces paroles s’appliquent à la Personne de Jésus, Créateur et Rédempteur, selon l’évocation qu’en fait l’évangéliste : Tout fut par Lui et sans Lui rien ne fut (Jn 1, 3). De même : Moi excepté, il n’y a pas de Dieu (Is 45, 5). De même : En dehors de moi il n’est point de Sauveur (Os 13, 4). Citons encore : C’est moi qui suis le premier et qui suis le dernier. Ma main a fondé la terre et ma droite a mesuré les cieux (Is 48, 12). Et dans un autre passage c’est Jésus Christ qui affirme clairement à son sujet : C’est moi l’Alpha et l’Oméga (Ap 1, 8). Le Principe et la Fin (Ap 21, 6).

Ces témoignages concernent aussi l’Esprit Saint dont il faut confesser qu’il est l’Unité de la divine Substance. Ainsi nous devons croire à la propriété distincte des Personnes et à leur pluralité indivise.

Chapitre V

De la Trinité. Même les arts libéraux ont eu la notion de trois personnes.

Nous venons de démontrer, par la parole de Dieu que la Déité est Une. Enseignons maintenant que cette unique Déité est Trine, trois noms, non pas trois royautés, trois appellations mais non pas trois puissances, trois essences [8] ou plutôt subsistances, mais non pas trois substances.

Il est clair que même la sagesse profane a compris que la multitude des siècles est contenue en ce nombre de trois personnes. Lesquelles ? Ce sont : Je, Tu, Il. Ainsi, comme nous l’avons dit, même les arts libéraux [9], grâce aux leçons tirées des enseignements spirituels ont compris que le réel se ramène seulement à trois personnes et il leur est apparu clairement qu’une union de deux personnes ne peut pas satisfaire à l’idée de perfection, et qu’on ne peut s’élever au delà d’une triade, car la plénitude qui tend vers le nombre trois dénonce l’incomplétude de la dualité, et la perfection qui s’accomplit en trois rejette la quaternité.

Après ce rapide rappel, appuyons-nous surtout sur les saints témoignages pour affirmer la Tri-Unité de Dieu. Mais tu dis : « Pourquoi proférer devant moi les mots d’unité et de trinité qu’on ne rencontre pas dans la lecture canonique ? Il n’y a pas lieu de s’étonner que celui qui ne mérite pas d’entrer dans le mystère du salut, prenne peur et recule même devant la porte de la vérité.

Qu’y a-t-il en effet de plus proche, de plus naturel, de plus exact que d’appeler Unité ce qui vient de un et Trinité ce qui vient de trois, selon les définitions catholiques [10] des Pères ? Il ne faut pas séparer des mots qui sont dans un rapport de dépendance et il est illogique de considérer comme étrangers des termes qui viennent de un et de trois comme de leur propre source. L’un et l’autre, remarque-le, ne sont pas formés par conjecture mais par dérivation. Ces vocables, dès les temps de la primitive Église, ce sont les Anciens qui les ont découverts, l’Autorité qui les a fait connaître, la longue durée qui les a confirmés.

Chapitre VI

En disant que le Fils est la Face du Père, (l’Écriture) reconnaît sa coexistence avec le Père.

Reçois des livres saints la notion de Trinité : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre … et l’Esprit de Dieu planait sur les eaux (Gn 1, 1). Le Père créateur, le Fils au commencement avec le Père, l’Esprit Saint répandu sur les eaux. Et ainsi planait sur les eaux le Seigneur suprême, préfigurant déjà, je le crois, les dons du baptême. La création de l’homme est l’œuvre des trois Personnes et non d’une seule comme l’indique la triple répétition de la Déité. En effet, nous lisons : Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance (Gn 1, 26). La (première) proposition, tu le vois, est au singulier, la réponse est au pluriel. Et « Dieu dit : Faisons l’homme ». Que comprendre d’autre sinon que la parole est de Dieu Un dans sa substance et que l’œuvre est de la Trinité dans sa puissance ? Observe comment, dans la création de l’homme, le nom de Dieu est prononcé à trois reprises.

C’est ce que nous avons dans la Genèse : Et Dieu dit : Faisons l’homme et une seconde fois : Dieu créa l’homme (Gn 1, 27), et une troisième fois : Dieu (les) bénit (Gn 1, 28). Dieu dit, Dieu fit, Dieu bénit. Parce qu’il y a trois Personnes, trois fois est répétée l’Unité de Dieu. Oui, comprenons que se manifeste dans ces mots le mystère de l’Unité divine. Voici que chaque homme reçoit des trois Personnes l’image de Dieu et sa ressemblance et cependant c’est la même image. « Dieu dit : « Faisons ». Sois très attentif ! En exprimant que c’est « Un » qui dit et que ce n’est pas « Un » qui fait, en mêlant le pluriel au singulier, en disant non pas « à nos images et ressemblances », mais, exactement « à mon image et à ma ressemblance », l’Écriture met en valeur l’Unité par l’emploi du singulier, la Trinité par l’emploi du pluriel. Et ainsi, dans l’expression « Faisons à notre… », se déploie la pluralité des Personnes, tandis que le singulier « A (notre) image et ressemblance » rassemble la Déité indivise en une Unique substance.

Abraham était sur le seuil de sa tente lorsque Dieu lui apparut, et que, ô merveille, ce furent trois hommes qui s’offrirent à sa vue ; alors, conscient que les trois n’en formaient qu’un, il se prosterna devant la majesté de Dieu (Gn 18, 1. Et dans les Psaumes l’Unité (de Dieu) en ses Personnes est parfaitement signifiée : Ne me repousse pas loin de ta Face, ne retire pas de moi ton Esprit Saint (Ps 50, 13). Voici que le prophète implore le Père, par peur de l’avoir offensé ainsi que le Fils et que l’Esprit Saint. « Ne me repousse pas, dit-il, loin de ta Face ». De même que le Fils est reconnu « Image du Père » de même il en est aussi la Face, et c’est pourquoi nous lisons : Philippe, qui me voit, voit aussi le Père (Jn 14, 9), et de même : Où irai-je loin de ton Esprit, où fuirai-je loin de ta Face (Ps138, 7). Homme sans foi, attache ton esprit au mystère de cette confession parfaite de la Trinité. Le prophète s’adresse au Père, en la Face du Père il reconnaît le Fils et de même il affirme hautement l’Esprit Saint répandu sur toutes choses. Et c’est encore du Fils que le Seigneur parle à Moïse quand il lui dit : Ma Face te précèdera (Ex 33, 14. Ce terme est pertinent pour exprimer que le Père et le Fils ont même substance et même coéternelle majesté.

Quant à l’opinion selon laquelle le Fils serait inférieur au Père, parce que né, que signifie l’expression « Dieu, né de Dieu », sinon que son existence vient de Dieu et qu’il est de même nature que Lui ? Le bras, par exemple et la face prennent naissance de leur corps et de leur tête, et cependant il est évident que la face n’est pas plus jeune que la tête et que le bras n’est pas postérieur à son corps. Si donc aucune tête ne fut jamais antérieure à sa face, alors, ose affirmer que le Père est antérieur à sa propre image, celle du Christ, parfaite dans son égalité et sa ressemblance. Concluons qu’on ne saurait séparer le Fils du Père, ni dans leur puissance, ni dans le temps de même qu’on ne peut séparer la face de la tête ni imaginer qu’elle soit venue après.

Chapitre VII

L’Esprit du Père c’est précisément l’Esprit Saint.

Mais tu dis : « Fais-moi comprendre que l’Esprit subsiste en sa propre essence [11]. Partout, chaque fois que je lis « Esprit du Père », ou « Mon Esprit », ou « Esprit de Dieu », je constate qu’il faut rapporter ces vocables non pas à la personne de l’Esprit Saint mais à la Personne du Père" »

Je réponds d’abord qu’à leur impiété ils ajoutent un blasphème ceux qui prétendent que c’est l’un ou l’autre qu’il faut croire : ou bien que l’Esprit Saint de Dieu est une créature ou bien, sans doute, qu’il est le Père Lui-même. Il est logique que celui qui ne croit pas en l’Esprit Saint se laisse entraîner, dans le désordre de sa pensée, jusqu’à offenser le Père. Assurément, si l’Esprit est un être créé, il ne peut pas appartenir à la substance du Père. Si, au contraire, tu penses qu’il est la puissance du Père, comment oses-tu lui faire l’injure de le rabaisser au rang d’une créature ? Pour nous, en vérité, nous montrerons par des témoignages dignes de foi que l’appellation « Esprit de Dieu » ne désigne pas le Père mais l’Esprit Saint, personnellement.

Nous lisons dans Isaïe que l’Esprit du Seigneur est descendu sur le Seigneur Jésus, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de piété (Is 11, 2). De cet Esprit du Seigneur, qui est ainsi descendu sur le Sauveur, en une sainte effusion, le Fils déclare par la bouche d’Isaïe : L’Esprit du Seigneur est sur moi (Is 61, 1). Et Matthieu, l’évangéliste : Et voici que les cieux s’ouvrirent pour lui et il vit l’Esprit de Dieu descendre sur lui comme une colombe (Mt 3, 16). Cet Esprit de Dieu que le Sauveur reçut dans le baptême, c’est bien l’Esprit Saint comme nous l’a enseigné Luc, l’évangéliste : Jésus, rempli de l’Esprit Saint, revint des bords du Jourdain (Lc 4, 1). Et dans Joël, le prophète : En ces jours-là je répandrai de mon Esprit sur toute chair (Jo 3, 1). Ces mots « de mon Esprit » désignent manifestement l’Esprit Saint. En effet, lors de la solennité du cinquantième jour, quand l’Esprit Saint descendit sur les apôtres, l’apôtre Pierre, faisant sien ce passage du prophète Joël, le cita en témoignage.

Les Évangiles, selon des expressions différentes mais qui rendent le même son de vérité ont enseigné que cet « Esprit du Père » est l’Esprit Saint en Personne. Ainsi, lorsque Matthieu dit : Ce n’est point vous qui parlez, mais l’Esprit de votre Père, qui parle en vous (Mt 10, 20), Marc, de son côté met en évidence que cet Esprit du Père est l’Esprit Saint : Ce qui vous aura été donné sur le moment, dites-le. Car ce n’est pas vous qui parlez, mais l’Esprit Saint (Mc 13, 11). Et Luc, à son tour, a montré que cet Esprit de Dieu est le Saint-Esprit : Ne vous mettez point en peine de savoir ce que vous direz et comment vous le direz. L’Esprit Saint vous enseignera au moment même ce qu’il faut dire (Lc 12, 11). Conformément à ces paroles, chaque fois que tu auras lu « Esprit du Père » ou « Esprit de Dieu », tu dois, renonçant à l’erreur, confesser que ces dénominations s’appliquent, particulièrement, à l’Esprit Saint. De même, pour Isaïe, l’Esprit Saint est englobé, en tant que Personne, dans la gloire de Dieu : Je vis le Seigneur assis sur un trône élevé … Des Séraphins se tenaient au-dessus de lui … Et ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu Sabaoth (Is 6, 1-2-3). Et, plus loin : J’entends la voix du Seigneur qui disait : Va et tu diras à ce peuple : Vous écouterez de toutes vos oreilles et vous ne comprendrez pas et voyant de vos yeux, vous ne verrez pas (Is 6, 8-9). Ce Seigneur Sabaoth qui a pris forme dans la vision du prophète et qui a parlé par sa voix, qui est-il ? Paul nous le présente, dans les « Actes des Apôtres » : Elles sont bien vraies les paroles que l’Esprit Saint a dites à nos pères, par la bouche du prophète Isaïe : « Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas, vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas » (Ac 28, 25-26).

A tout le moins, croyons à Paul, héraut très illustre de la vérité, et croyons avec lui que l’Esprit Saint est ce Seigneur des armées qu’Isaïe a vu et qui a parlé par sa bouche. Mais puisque l’acclamation « Saint, Saint, Saint », a retenti trois fois, voyons si cet hommage concerne la Trinité tout entière. Il est admis que c’est le Père qu’Isaïe proclame devant les Juifs, lorsqu’il dit : J’ai vu le Seigneur Sabaoth. Constatons que Jean l’évangéliste désigne ouvertement le Fils : Aussi bien, ne pouvaient-ils croire car Isaïe a dit : « Il a rendu leurs yeux aveugles et il a endurci leur cœur … Isaïe dit cela quand il eut la vision de la gloire du Fils de Dieu et c’est de Lui qu’il parla (Jn 12, 39-41). Quant à ces paroles du même Isaïe : Et j’entends la voix du Seigneur disant : Va et dis à ce peuple : vous aurez beau regarder et vous ne verrez pas, nous savons par Paul, comme nous l’avons dit, que ce « Seigneur » est bien l’Esprit Saint. Ainsi, tu le vois, cette acclamation « Saint, Saint, Saint » célèbre la Trinité, en sa totalité, et de même qu’il n’y a aucune dissemblance, aucune différence entre ces trois mots, de même, dans la puissance surnaturelle de la Trinité, il n’y a aucune séparation.

Chapitre VIII

Le doigt de Dieu.

L’Esprit Saint, selon toi, est perçu comme étant inférieur à Dieu pour la raison évidente qu’on l’appelle « doigt de Dieu ». Non, ce n’est pas cela. Mais quand tu entends ces paroles au sujet de l’Esprit Saint : Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons (Lc 11, 20), sache qu’elles expriment non pas un moindre degré de sa gloire, mais son union à la substance divine, non pas la contestation de l’hommage qui lui est rendu mais la concordance de son action. Eh quoi ? Parce qu’on appelle parfois l’Esprit Saint « doigt de Dieu », faut-il pour autant le croire inférieur au Fils et au Père ? Détourne-toi de cette erreur de pensée, demande-toi si cette appellation, quelquefois, englobe également le Père et le Fils.

Nous mentionnerons ces paroles où il est question de plusieurs doigts : Un jour je verrai les cieux, ouvrage de tes doigts (Ps 8, 4). Tu répliques que ce pluriel, « tes doigts », désigne seulement le Fils et l’Esprit Saint, en une sorte de dualité. C’est ce que tu t’efforces d’affirmer de ces deux personnes. Pour t’en empêcher, voici un autre passage où Isaïe parle de la Trinité avec trois doigts : Qui a suspendu avec trois doigts la masse de la Terre ? (Is 40, 12). Quoi de plus clair, de plus digne de foi que cette affirmation de la Trinité Une ? Isaïe n’a-t-il pas en quelque sorte, avec le fléau de la balance du mystère, pesé en ces trois doigts leur égalité dans l’Unique Puissance ? Ainsi, répétons-le, puisque tu es instruit maintenant de ce que leur œuvre est commune, tu ne dois pas douter de l’égalité de leur puissance. Donc, en disant : Qui a suspendu avec trois doigt la masse de la Terre ? (Is 48, 12). Isaïe a voulu souligner l’opération conjointe de leur puissance et leur Unité de substance, reconnue unique et identique en chacun des trois doigts. Et pourtant, le prophète Isaïe, au sein de la Trinité distingue particulièrement l’Esprit Saint, quand le Fils affirme de Lui-même : C’est moi qui suis le premier et qui suis aussi le dernier (Is 48, 12), et qu’il ajoute : Et maintenant le Seigneur m’envoie avec son Esprit (Is 48, 16).

Autre est la Personne de Dieu le Père, autre la Personne de l’Esprit du Père. Et ainsi, quand nous lisons que le Fils est envoyé par le Père et par l’Esprit Saint, grâce à la désignation par leur nom des trois Personnes, l’Esprit Saint se dévoile évidemment comme subsistant en Soi. Dans un autre passage, le même prophète opère la même distinction parmi les « essences » de la Trinité : Voici mon enfant, je le soutiendrai, mon élu, en qui se complait mon âme, j’ai mis sur Lui, mon Esprit (Is 42, 1). Le Père appelle son Fils « Son enfant bien aimé », il a mis sur Lui son Esprit, Jésus Christ en témoigne personnellement : L’Esprit du Seigneur est sur moi (Lc, 4, 18). Et pour que le message évangélique puisse être annoncé aux Gentils, il dit : Allez, baptisez toutes les nations au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint (Mt 28, 19), affirmant sous l’invocation des trois Personnes, une seule opération, un seul nom (Dieu), la majesté indivise. Nous avons, selon (l’évangile) de Luc, ce récit : Jésus venait d’être baptisé, le ciel s’ouvrit et l’Esprit Saint descendit sur Lui sous une forme corporelle, tel une colombe. Et du ciel vint une voix : Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur (Lc 3, 21). Nous avons le Fils, en son corps, l’Esprit Saint sous les apparences d’une colombe, le Père qui se manifeste par sa voix. Quant à la colombe, il faut comprendre qu’elle est une forme éphémère, ce n’est pas l’Esprit dans sa substance immuable.

Chapitre IX

Que le Saint-Esprit nous apparaisse comme « non inengendré » et « non engendré » ne fait point obstacle à sa divinité.

Dans cet exposé, quand nous montrons que l’Esprit Saint est une Personne distincte, quand nous confessons le caractère « inengendré » du Père et que nous reconnaissons le Fils comme son Fils unique, tu me demandes comment il faut confesser l’Esprit Saint : est-t-il inengendré, engendré ou quoi d’autre ? Les Saintes Écritures parlent de la puissance et de la divinité de l’Esprit Saint mais ne disent pas s’il faut l’appeler « engendré » ou « inengendré ».
Ô ténèbres de l’incrédulité ! Tu ne veux pas savoir ce que Dieu n’a pas voulu qu’on ignore, mais tu veux savoir ce qu’il ne nous a pas engagés à rechercher. De l’Esprit Saint, l’Écriture ne dit pas « engendré », on le confondrait avec le Fils, elle ne dit pas « inengendré », il passerait pour le Père, mais elle témoigne qu’il procède du Père, dans la distinction des Personnes : Le Paraclet qui procède du Père (Jn 15, 26). Cela étant, eh bien, reconnais en l’Esprit Saint une Personne distincte.

Le fait qu’il ait un nom à Lui prouve qu’il est la Troisième Personne, à côté des deux Premières ; leur Unité de majesté démontre qu’Elle procède de Dieu et que « troisième » dans l’énumération ne signifie point une infériorité de rang. En effet, procéder de l’intime de Dieu c’est être de sa substance, et non pas sa créature. Ne cherche pas à pénétrer comment il est Dieu, Celui dont il est manifeste qu’il est Dieu. Ici la raison se tait, la vérité se manifeste. Pourquoi demander comment se fait l’union et l’égalité entre le Roi et Celui dont il est avéré qu’il est de nature royale et honoré comme tel. Il est superflu de se mettre en quête du nom quand il n’y a aucun doute de sa Grandeur. Ainsi donc l’Esprit Saint procède du Père et du Fils, selon ces paroles : Qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas (Ro 8, 9). Et celles-ci : Il souffla sur eux et leur dit : « recevez l’Esprit Saint (Jn 20, 22).

L’Esprit Saint est-il « inengendré » ou « engendré », c’est là ta question. Les paroles saintes sont muettes sur ce point, il est impie de vouloir percer le silence de Dieu. Il ne veut pas que, par une curiosité inutile, tu essaies de savoir ce qu’il n’a pas cru bon de révéler dans les Écritures. Il a jugé que tu devais te contenter de connaître ce qui regarde ton salut. Pour savoir ce que nous devons croire du Saint-Esprit consultons les saintes paroles. Par exemple, on dit du Fils qu’il est « Engendré » ; oserais-tu le dire si tu ne l’avais appris des Écritures, comme d’un témoignage venu du ciel ?

Ou bien t’arrogerais-tu le droit de soutenir que le Christ est Seigneur, qu’il est né d’une vierge, ou encore qu’il est engendré du Père, avec Lui dès le commencement de toute éternité si tu ne l’avais reçu de la « Lecture divine », si tu n’avais pas interrogé les paroles de Dieu ? Et c’est pourquoi, pour savoir ce que tu dois penser de l’Esprit Saint, il faut te tourner vers les Apôtres et les Évangiles, c’est avec eux et en eux que Dieu a parlé, tu n’en doutes pas.

Je reviens à ta question que je trouve vaine, de savoir si reconnaître l’Esprit Saint « Inengendré » ou « Engendré » a un rapport avec sa Gloire ou sa Substance. En effet, que la « Lecture » ne dise pas du Fils qu’il est « inengendré » ne le rabaisse en rien, de même que n’enlève rien au Père le fait de le considérer comme « non engendré ». Il faut voir dans ces mots ce qu’ils expriment de « Personnel », non pas une différence de puissance ou de majesté. « Engendré » et « Inengendré » énoncent une différence de « Personne », non de « Nature ». Quand tu auras dit ou qu’on t’aura entendu dire au sujet de ces termes « Engendré » et « Inengendré » des propos inutiles, qui ne touchent pas à l’essentiel et sont seulement propices à des chicanes, te borneras-tu à en rester là ?

Tu vas sans doute continuer à demander si l’Esprit Saint est Dieu ? Quand tu auras reçu des lectures saintes qu’il est vraiment Dieu, tu n’auras plus matière à interroger, car, entré dans la connaissance de vérités fortes et parfaites, tu n’auras plus besoin de recherches vaines et stériles. Quand on a compris où se situe la véritable utilité et la plénitude de la vérité, c’est là que doit tendre notre effort vers le salut.

Chapitre X

L’Esprit Saint, généreux Dispensateur de dons parfaits.

Esprit Saint, le nom qu’il porte, par sa définition même, témoigne de sa générosité dans les grâces célestes et les sanctifications qu’il dispense. Et sa magnificence s’est manifestée dès l’Ancien Testament. De fait, sa grâce n’a d’abord été accordée qu’à des catégories bien précises, tels les Patriarches, les Prophètes, les saints, les élus ; il fallait qu’à travers la perfection même des dons se découvrît la dignité du Donateur. En vérité, dans la mesure où nous saisissons, dans les Écritures Saintes, la manifestation de l’Esprit, tantôt c’est par le Père Lui-même, tantôt, spécialement par le Fils, tantôt par l’Esprit Saint, sous le privilège, toutefois, de leur commune puissance. « Ce que nous sommes », c’est à la Personne du Père que nous le rapportons, selon les paroles de l’Apôtre : Lui, en qui nous avons la vie, le mouvement, l’existence (Ac 17, 28). Quant à notre capacité de raison, de sagesse et de justice, nous l’attribuons notamment à Celui qui est Raison, Sagesse et Justice, c’est-à-dire le Fils. Mais le fait que, appelés au salut, nous sommes régénérés spirituellement, que, régénérés, nous devenons des hommes nouveaux, que, hommes nouveaux, nous sommes sanctifiés, nous le devons à l’Esprit Saint, la parole de Dieu en témoigne.

Mais les « pages sacrées » distinguent les trois Personnes, au sein de la Trinité indistincte, de façon qu’apparaisse en chacune, autant qu’on voudra, la diversité d’opération, sans que cesse cependant l’union de leur Volonté.

Ainsi les païens et les catéchumènes ont part aux bienfaits accordés par le Père et par le Fils ; mais être sanctifié, recevoir l’infusion de l’Esprit Saint, cela n’est donné qu’à ceux qui, parvenus jusqu’au baptême, purifiés, devenus des « spirituels », disciples des apôtres et apôtres à leur tour sont prêts, de tout leur esprit, à rendre témoignage jusqu’au martyre. Les impies vont-ils continuer à considérer comme une « créature » celui qui, au sein de la Trinité indivise, dans l’économie du Salut, a pour rôle de distribuer les dons les plus magnifiques et les plus parfaits ? Mais tu vas peut-être me dire : L’Esprit Saint est donc plus important puisque ses œuvres sont plus grandes et plus nobles. Ce n’est pas cela. Il est, en effet, dans la nature de la Trinité d’attribuer l’œuvre accomplie, à la Personne qui en a reçu d’elle la mission, de sorte que, s’il y a diversité d’opération, le dessein en est commun. Et si en chacune des Personnes, l’action est particulière, c’est ensemble qu’elles prennent leur décision et, bien que la démarche de chacune soit distincte, elles n’en maintiennent pas moins, dans le plan de l’économie, leur commun accord.

L’Écriture nous raconte, qu’après l’Ascension du Seigneur [12], pour accomplir et couronner ses bienfaits, l’Esprit Saint est « descendu », le Sauveur lui-même nous le dit, selon l’évangile de Jean : L’esprit de Vérité …que le Père enverra en mon nom (Jn 14, 17). Le Père, nous dit-il, l’enverra « en mon nom », et donc au nom de la Trinité. A-t-on jamais dit, ou avons-nous jamais lu ou entendu dire d’une créature qu’elle serait venue en ce monde « au nom de Dieu » ? Celui dont le Christ Seigneur Dieu nous dit : Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous (Jn 16, 7), il est Dieu, sans aucun doute, puisqu’il a pour rôle de confirmer, en tant que Dieu, les dons de Dieu. Ces deux citations, dans la distinction qu’elles font des Personnes de la Trinité font connaître clairement et absolument l’Esprit Saint. C’est donc avec justice, car ils sont égaux dans leur divinité, que dans les Écritures l’Esprit Saint est appelé « Paraclet », comme le Fils. Quelle preuve en avons nous ? Nous la tirerons de l’autorité de l’apôtre Jean : Si quelqu’un vient à pécher, nous avons comme « avocat » auprès du Père, Jésus-Christ, et c’est lui qui est victime de propitiation pour nos péchés (1 Jn 2, 1-2).

Paraclet, c’est à dire « avocat », qualificatif qui convient à la Personne du Fils, on pourrait traduire également par « Consolateur » qui concerne le Saint-Esprit, le mot grec a les deux significations. Nous avons, dans l’évangile de Jean : Et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet. « Un autre Paraclet », c’est à dire, de même puissance, de pareille gloire, et de même nature. « Un autre Paraclet » ! Tu penses que l’Esprit Saint fait partie des créatures ? Une créature, descendue du ciel, confirmerait les bienfaits du Créateur ! Et comme si la puissance du Créateur n’avait pas suffi, c’est à une créature, quelle que fût sa valeur, que serait réservée l’achèvement d’une œuvre en quelque sorte inachevée ? Quelle pensée indigne ! Oui, c’est faire outrage à l’Esprit Saint que de le considérer comme une créature, alors que le Fils de Dieu, en un divin témoignage a déclaré lui-même qu’il était son égal. « Et il vous donnera un autre Paraclet ». Comprends la double signification du mot « autre » : d’une part la distinction des Personnes et d’autre part leur égalité de substance.
Mais ici tu vas me faire cette objection : on pense que le Christ, sous le surnom de Paraclet, s’est égalé à l’Esprit Saint, lequel, naturellement, a été façonné et créé par Dieu, pour la raison que lui aussi est une créature, née de Marie.

Cet argument est aussi faible que de mauvaise foi. Croire, en effet que le Christ est semblable au Paraclet selon son humanité, ne s’accorde pas à la vérité. Car rabaissé au dessous des anges (He 2, 7), et devenu l’un de nous, il n’aurait pas pu être comparé, comme tu l’affirmes, à une créature supérieure du Ciel. Si, au contraire, le Christ a parlé selon sa divinité, assurément il n’a pas dû mettre en parallèle une créature et son créateur. En tant qu’homme s’égaler à une créature supérieure c’est orgueil d’un inférieur, en tant que Dieu c’est faire injure à sa Grandeur. Ainsi, puisque cette comparaison, dans l’hypothèse où le Christ et « l’autre Paraclet » seraient deux créatures ne tient pas, il reste que l’un et l’autre est Dieu et qu’ils sont unis dans l’égalité de leur mutuelle divinité. Citons Jean : Et moi je prierai la Pèreet il vous donnera un autre Paraclet … l’Esprit de Vérité, que ce monde ne peut recevoir ! (Jn 14, 16-17).
Il est manifestement Dieu du monde Celui qui peut être donné à l’univers. Reconnaissons, dans ces paroles, l’affirmation de la Trinité Trine. Le Père est indiqué comme celui qu’on prie, le Fils, celui qui va prier, l’Esprit Saint celui que le Père enverra, selon sa promesse. La Personne de l’Esprit Saint n’a pas à être apparentée aux créatures, comme tu l’affirmes, mais elle est unie à la Trinité, en toutes choses, dans ses œuvres, en égalité de vertus.

Chapitre XI

Les Actes des Apôtres affirment à plusieurs reprises la foi en la Trinité. Contre les partisans de Novatien, nous soutenons que le Christ a été envoyé pour le pardon des péchés.

Dans les Actes des apôtres écoutons Pierre nous parler du Seigneur Jésus : Maintenant, ayant été exalté à la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint, objet de la promesse et l’a répandu ; c’est là ce que vous voyez et entendez (Ac 2, 33). A la droite de Dieu, le Fils, Dieu le Père, l’Esprit Saint désigné par son propre nom. Plus loin nous lisons : Alors Pierre, rempli de l’Esprit Saint leur dit : « C’est par le nom de Jésus Christ le Nazaréen, celui que vous, vous avez sacrifié et que Dieu a ressuscité des morts, c’est par son nom que cet homme se présente guéri devant vous (Ac 4, 8). Considère, dans ces paroles la claire expression de la Trinité. Pierre qui manifeste en lui la présence de l’Esprit Saint, le Fils qui meurt dans sa chair et le Père qui le ressuscite. Et dans la suite du récit, de nouveau, les mêmes paroles apostoliques : A présent donc, Seigneur, considère leurs menaces … et tous alors furent remplis de l’Esprit Saint et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec confiance (Ac 4, 29. Voilà encore un passage où l’Esprit Saint est compris dans la Trinité. Dans leur prière, les apôtres invoquent le Père, le « Verbe de Dieu » identifie le Fils, le feu de l’Esprit est à l’œuvre pour donner assurance aux apôtres. Ils furent tous remplis de l’Esprit Saint. Pouvoir s’insinuer et se répandre en même temps en quantité d’individus sans rien perdre de sa substance est révélateur de la majesté divine incorporelle. De même, les apôtres avaient dit de Jésus : C’est Lui que Dieu a exalté à sa droite, le faisant Chef et Sauveur, afin d’accorder par lui à Israël la repentance et la rémission des péchés. Nous sommes témoins de ces choses, nous et l’Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent (Ac 5, 31. Comprenons le sens de ces paroles : sous le signe de la Trinité, le Fils est envoyé par le Père, non seulement pour prêcher l’Évangile, mais pour accorder la repentance, et l’Esprit Saint reçoit pour mission de récompenser ceux qui obéissent (à Dieu), en répandant sur eux ses dons.

Etienne, au moment de sa passion est rempli de l’Esprit Saint, les portes de la « Justice » s’ouvrent devant lui et le Fils lui apparaît, à la droite du Père, et, inspiré par l’Esprit Saint, il prononce ces mots : Je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu (Ac 7, 56). Ainsi, la vision de la Trinité récompensait ses souffrances.
Pierre adresse la parole au centurion Corneille : Jésus de Nazareth, vous savez comment Dieu l’a oint de l’Esprit Saint (Ac 10, 38). Dieu l’a oint, en d’autres termes, la force de Dieu l’a rempli, sa bénédiction s’est répandue sur lui, sa divinité l’a pénétré. Comment Dieu l’a-t-il oint de l’Esprit Saint ? Il y a là trois réalités, chacune avec son caractère propre : le Don, le Donateur, Celui qui reçoit le Don (ou encore) Celui qui oint, Celui qui est oint, l’Onction même, comme le dit la parole de Dieu, dans un autre passage : Dieu t’a oint, ton Dieu t’a oint de l’huile d’allégresse (Ps 45, 8). En prenant la nature de l’homme, Dieu reçoit l’onction et Dieu la donne et dans la descente de la colombe céleste se reconnaît la puissance du Père. Cet Esprit Saint qui emplit le Fils de l’Homme Christ déjà assumé par le Fils, il est légitime de le considérer comme Dieu. Comment en effet, s’il était créature, pourrait-il pénétrer les profondeurs d’une nature immatérielle qui pénètre tout ?

Car la Trinité forme un Tout en Soi. Citons ces paroles : Ne vois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? (Jn 14, 10) et : L’Esprit scrute tout, jusqu’aux profondeurs divines (1 Co 2, 10). Et encore : L’Esprit qui provient du Père (Jn 15, 26). Si l’Esprit Saint ne venait pas du Père et n’avait pas sa demeure naturelle en Lui, répandu en son sein, il ne pourrait pas « procéder du Père ».

Mais tu m’interroges : est-ce que l’Esprit procède continuellement du Père ? Toujours avec Lui, toujours venant de Lui, comme la chaleur vient du feu, il a sans cesse le pouvoir de sortir du Père, sans en être séparé. Car si la procession de l’Esprit Saint n’était pas éternelle, on pourrait en localiser la substance. Si, dans la compénétration mutuelle de leur propre splendeur immatérielle, il y a mélange, la divinité en sera altérée. Car le mélange fait disparaître le caractère particulier de chacune des Trois Essences, alors qu ‘au contraire leur effusion mutuelle laisse voir la distinction des Essences, participant en quelque sorte à la fois de la Substance et des Personnes. Ce qui caractérise la « Substance » c’est de subsister. Ce qui caractérise les Personnes c’est de subsister, chacune, avec sa particularité.

Paul s’adresse à ses disciples : Je n’ai jamais reculé quand il fallait vous annoncer en entier le dessein de Dieu. Prenez garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a constitués intendants pour paître l’Église de Dieu acquise par Lui au prix de son sang (Ac 20, 27-28). La Trinité tout entière est ici signifiée, avec quelle clarté : l’annonce du dessein de Dieu le Père, l’affirmation de la consécration des évêques par l’Esprit Saint, le Christ reconnu comme Dieu et qui s’est acquis l’Église par son sang. Dans l’épître aux Romains, la Trinité est présentée selon un ordre qui exprime les propriétés des Personnes : Si l’esprit de Celui qui a ressuscité Jésus habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous (Ro 8, 11). Le Père ressuscite (son Fils), le Fils est ressuscité et par l’Esprit qui habite en eux les corps des mortels ressusciteront avec la promesse de la vie (éternelle). Et par conséquent : Vous, vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si toutefois l’Esprit de Dieu habite en vous. Qui n’a pas l’Esprit du Christ, ne lui appartient pas (Ro 8, 9).

En disant « Esprit de Dieu » et à la suite « Esprit du Christ » Paul emploie pour désigner le Christ la même expression que pour désigner Dieu, notons-le. Et si d’autre part l’appellation « Esprit de Dieu » signifie « Esprit du Père », voici que l’Esprit Saint se manifeste à la fois Esprit du Père et Esprit du Fils par Unité de substance. Et c’est donc à bon droit qu’on le discerne comme « procédant de l’Un et de l’Autre et qu’on le reconnaît comme une Personne distincte dans les liens de la Trinité. Qui n’a pas en soi l’Esprit Saint n’a pas non plus le Christ. L’Esprit Saint est donc Dieu, le nier c’est aussi nier le Christ. Et puisque le Christ a dit : Nul ne va au Père que par moi (Jn 14, 6), être abandonné par l’Esprit, c’est ne pas appartenir au Christ et perdre la voie qui mène au Père.

Chapitre XII

C’est à Dieu qu’il appartient de sanctifier sa créature.

Première lettre aux Corinthiens : Et cela, vous l’étiez bien, quelques uns. Mais vous vous êtes lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés par le nom de notre Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu (1 Co 6, 11). Voici donc que, sous l’invocation de « notre Dieu », le Père, le Christ y coopérant, les fidèles de Corinthe sont sanctifiés par l’Esprit Saint.
Aucune créature n’a le pouvoir de sanctifier intérieurement une autre créature ; le don généreux de la sanctification, la munificence appartient à l’Unique majesté . Le nom de Jésus Christ, l’Esprit de notre Dieu, reconnais dans cette évocation, les trois Personnes.
Deuxième lettre aux Corinthiens : La grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion de l’Esprit Saint soient avec vous tous (2 Co 13, 13). La grâce du Christ, l’amour de Dieu, la communion de l’Esprit Saint, voilà bien une formulation trinitaire. Et dans la même épître : Et Celui qui nous affermit avec vous dans le Christ et qui nous a donné l’onction, c’est Dieu, Lui qui nous a aussi marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit (2 Co 1, 21). Vois, dans les œuvres de Dieu, l’Unité de la Trinité indivise ! Le Père nous affermit et nous marque de son sceau par le Christ, et, en attendant de se donner Lui-même, il nous donne, dès maintenant, en gage de sa Puissance, l’Esprit Saint. Dans les affaires terrestres, les arrhes versées le sont en proportion du contrat qu’elles cautionnent, mais, dans la réalité, le calcul du gage dépasse la valeur de l’objet cautionné. Par contre, pour la majesté divine, son propre gage, ne pouvant lui être supérieur, est nécessairement son égal. Car ce qui est parfait ne peut pas être surpassé. Ainsi le Père, en ses lieu et place, nous accorde en gage l’Esprit Saint.

Loin de nous la pensée que l’Esprit Saint soit un être imparfait puisqu’il est associé à la « Plénitude ». En effet, il n’est pas permis de croire qu’il n’est pas Dieu, Celui que Dieu nous accorde en gage, à sa place. De même, dans l’épître à Tite : il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint, … Esprit qu’il a répandu sur nous, à profusion, par Jésus Christ (Tite 3, 5).

Voilà encore une évidente affirmation de la Trinité : Le Père répand sur nous, à profusion, par le Fils, le Saint-Esprit et c’est au Saint- Esprit, il faut le souligner, qu’il attribue le pouvoir de régénération et de rénovation. L’apôtre Pierre, à son tour, dans sa lettre, a une formule qui déploie en ses Personnes la Trinité inséparable : selon la Prescience de Dieu le Père, dans la sanctification de l’Esprit, pour obéir à Jésus Christ et être aspergés de son sang, à vous, grâce et paix en abondance (1 P 1,, 2). La Prescience représente le Père, la Sanctification l’Esprit Saint, l’aspersion du Sang, le Christ.

Chapitre XIII

On ne peut pas localiser l’Esprit Saint.

L’Esprit Saint est Dieu, faisons le connaître d’après ses vertus et ses œuvres. Toute créature est assujettie à un commencement dans le temps et elle sait qu’elle est circonscrite en un lieu, dans un espace et un territoire déterminés. L’Esprit Saint n’est point comme elle, enfermé dans des limites, il faut le considérer comme étant Dieu, en raison de la liberté même avec laquelle il se répand majestueusement. Le Seigneur Sauveur parle aux apôtres : Le Père vous donnera l’Esprit de Vérité …Pour être avec vous à jamais (Jn 14, 16-17). Si l’Esprit Saint est attaché à un lieu fixe, et s’il demeurait avec les Apôtres à jamais, il n’aurait donc pas le don d’ubiquité. De par sa nature est-il déterminé par des limites dans l’espace ? Le Seigneur dit aux Apôtres : Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux confins de la terre (Ac 1, 8). Après son Ascension, l’Esprit Saint se posa sur eux et Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu, et il s’en posa une sur chacun d’eux (Ac 2, 3).

Pourquoi, dès le commencement, les Apôtres reçoivent-ils en bénédiction le don des diverses langues, sinon pour leur donner la capacité d’instruire les peuples dans la foi ? Il se posa « une langue » sur chacun d’eux rappelle le récit, pour nous faire comprendre que l’Esprit ne se fractionne pas en pluralité mais qu’il demeure, en chacun, comme le feu. Telle est en effet, nous le savons, la nature du feu, que tous ceux qui portent leur regard vers lui, vers sa splendide chevelure pourprée, tous reçoivent de lui la jouissance de sa lumière, tous bénéficient de ses bienfaits, et cependant, dans son essence il n’en conserve pas moins son intégrité. Ainsi, la puissance surnaturelle du Saint-Esprit a beau répandre ses effluves, la grâce de sa divine largesse a beau se donner en abondance à beaucoup, de même qu’elle n’est pas mesurable, de même elle ne souffre aucune déperdition. Dieu se reconnaît à l’excellence de ses œuvres. Les Apôtres, remplis de l’Esprit Saint, désireux de distribuer à travers le monde les trésors du salut, portent de tous côtés le don qu’ils ont reçu du ciel, le communiquent à d’autres par l’imposition des mains. Ce don est reçu sans qu’il y ait de perte pour celui qui le distribue généreusement. A ceux qui croient il est transmis dans sa totalité, et dans sa totalité le possèdent ses transmetteurs. Il remplit l’univers à profusion, s’y déploie sans amoindrissement, s’y éparpille sans se diviser.

En particulier, au cours de cette belle et très sainte nuit de la « nouvelle naissance », de l’Orient jusqu’à l’Occident, du soleil levant jusqu’au couchant (Ps 112, 3), de l’aquilon jusqu’à la mer (Ps 106, 3), partout c’est le même Esprit, unique et parfait qui opère, partout présent quand on l’invoque ; on ressent sa bénédiction, des foules innombrables se baignent dans l’eau d’un seul baptême, et, selon les paroles de l’Apôtre, abreuvées en un seul Esprit (1 Co 12, 13), elles renaissent en un seul Dieu qui les adopte en son sein. Et c’est pourquoi Dieu dit : En ces jours là, je répandrai de mon Esprit sur toute chair (Ac 2, 17). Il a dit : « Je répandrai « de » mon Esprit », il n’a pas dit « Je répandrai mon Esprit ». Comprenons : « Je répandrai de mon Esprit tout ce que le monde peut en recevoir ». Ainsi l’Esprit sort du Père et cependant n’en est point séparé, il est envoyé par le Père et ne le quitte pas, il se répand et se garde intact et dans cette effusion s’affirme la grandeur de sa Plénitude. Au début du Livre Sacré, dans la Genèse, il y a ce témoignage : Et l’esprit de Dieu planait sur les eaux (Gn 1, 2). Il planait, dit-il, sur les eaux. L’expression même souligne le caractère surabondant et la prééminence de Celui qui emplit l’univers et en est le maître.

Le prophète porte le même témoignage quand il célèbre la magnificence de Celui qu’aucun espace n’enferme : Où irai-je loin de ton Esprit ? (Ps 138, 7). Où me cacherai-je loin de son regard, dont je ne doute pas qu’il est présent partout, au dedans de moi et en dehors, Lui dont je redoute l’œil qui pénètre les abîmes au plus profond de mon cœur, Lui dont je sais que la création tout entière est suspendue à sa Présence, Lui dont je comprends qu’on ait dit qu’il est un feu brûlant : Il n’y a rien qui soit soustrait à sa chaleur (Ps 18, 7). Sa Grandeur ineffable pénètre, emplit, surpasse les profondeurs des Enfers, l’écoulement des flots, l’étendue des terres, les hauteurs des cieux.

Nous disons que l’Esprit est envoyé par le Père et par le Fils et qu’il procède de la même substance et que leur action est commune et c’est pourquoi le Fils dit de Lui : Le Paraclet … qui procède du Père (Jn 15, 26). Il n’a pas dit : « Créé par le Père », mais « qui procède du Père », ce qui signifie qu’il se réfère à la puissance et à la nature du Père, en union avec Lui. Et l’expression « procéder du Père », précisément, fait ressortir que l’Esprit, avec le Père, n’a pas de commencement. Mais pourquoi dit-on que le Fils naît du Père et que signifie « la procession » de l’Esprit Saint ?

Si tu veux savoir quelle est la différence entre celui qui naît et celui qui procède, elle tient naturellement à ce que le premier est Fils Unique (du Père) tandis que le second tire son origine du Père et du Fils. L’Esprit Saint, en procédant du Père, manifeste qu’il possède les trois prérogatives de la Déité, la subsistance en Soi en tant que Personne, l’éternité hors du temps et la pleine provenance de la substance du Père. Et quand nous évoquons la procession de l’Esprit, au sens propre du terme nous reconnaissons qu’il échappe aux lois du temps et qu’il n’a ni commencement ni fin. Dans la lecture : Je suis Celui qui Suis (Ex 3, 14), et : Celui qui Est m’a envoyé, nous avons l’exemple d’une révélation et d’une procession. En effet « être » et « procéder » expriment l’éternité de l’Unique. Ainsi, nous comprenons que la « procession » n’est ni première ni dernière et qu’elle n’a ni début ni fin qui la déterminent.

Parce que nous lisons que l’Esprit est envoyé par le Père, ne croyons pas qu’il soit localisable. Du Père et du Fils nous lisons également « qu’ils descendent » et « qu’ils viennent », comme s’ils se mouvaient. Par exemple : Moi et mon Père nous viendrons et nous ferons chez lui notre demeure (Jn 14, 23). Et dans un autre exemple, lorsque les géants s’efforçaient de dresser une tour jusqu’au ciel, le Père, en Personne, parle : Venez, descendons et confondons leur langage (Gn 11, 7).

C’est en employant les mots de notre langage que l’Écriture fait connaître à notre intelligence les effets et les causes. Du reste, la puissance divine n’a pas à se mouvoir, sa venue ne se fait pas dans l’impulsion d’une course ni son éloignement dans la glissade d’un retour. Où donc se retire-t-il, Celui qui surpasse toutes choses ? Sur le Saint-Esprit, la lecture sainte nous a enseigné : Cependant l’Église jouissait de la paix dans toute la Judée …, elle vivait dans la crainte de Dieu et elle était comblée de la consolation du Saint-Esprit (Ac 9, 11). Comment peut-on avoir l’audace d’affirmer qu’il est une créature d’un lieu, Celui dont il est établi qu’il comble de ses grâces les foules innombrables de l’Église, de sorte que, manifestement, ces paroles de l’Apôtre s’appliquent également à lui : Père des miséricordes et Dieu de toute consolation (2 Co 1, 3). Nous avons, dans les Psaumes : Le courant rapide du fleuve réjouit la cité de Dieu (Ps 45, 5). Quel est ce courant impétueux ? Il désigne sans doute Celui dont nous parle le Seigneur Jésus par la bouche de Jean : Celui qui croit en moi … de son sein couleront des fleuves d’eau vive . Le Seigneur Jésus parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en Lui (Jn 7, 38-39).

Magnificence de la majesté divine ! Les dons de l’Esprit que reçoit, sur terre, l’Église de Dieu, ont aussi pour effet de réjouir au ciel la cité de Dieu. La cité de Dieu, c’est à dire les citoyens du royaume céleste, les peuples qui forment la milice d’En Haut, les Principautés, les Puissances, les Dominations ; l’Esprit les inonde de joies ineffables, dans la conscience qu’ils ont de leur béatitude éternelle, les enivre, les remplit de flots d’allégresse et fait naître dans le ciel un concert harmonieux où exulte avec transports le sentiment de leur sanctification. Si tu penses que d’aussi grandes faveurs peuvent être accordées par quelque créature, tu ne laisses rien qui soit l’apanage de la puissance divine. Oui, si telle est ton opinion tu offenses même les Anges et les Archanges en estimant que les dons extraordinaires qu’ils ont reçus viennent de la générosité d’un compagnon de servitude.

LIVRE II

Chapitre I

Aucune créature raisonnable ne saurait se répandre en une créature de même espèce.

L’Esprit Saint se répand avec profusion. Nous lisons à ce sujet : Jésus, rempli de l’Esprit Saint, revint des bords du Jourdain (Lc 4, 1). Qui donc aurait le pouvoir de remplir Celui qui remplit toutes choses, sinon un Être de même plénitude ? La parole de Dieu nous rapporte ce qui arriva aux « Apôtres » : tous furent alors remplis de l’Esprit Saint et ils parlaient la parole de Dieu avec confiance (Ac 2, 4). Et un peu plus loin : le don du Saint-Esprit a été répandu aussi sur les nations (Ac 10, 45). Ainsi, des nations entières reçoivent l’Esprit Saint, lequel demeure inépuisable et pleinement Lui-même.

A supposer que l’Esprit Saint ait été créé, a-t-on jamais lu qu’un ange, voire un archange ait pénétré à l’intérieur d’une âme humaine et en ait pris possession ? Dis-moi, as-tu lu quelque part qu’une créature ait la puissance et la force de remplir et de posséder en même temps de nombreuses créatures, qui plus est, sans subir ni amoindrissement, ni division ? Il est impossible à une créature douée d’esprit et de raison de se répandre dans une âme de même espèce. La matière ne peut pas pénétrer la matière. Dieu seul, en qui est compris également l’Esprit Saint, d’une nature simple, subtile et pure, se glisse à l’intérieur de sa créature, ange ou être humain, par la vertu de sa divinité incorporelle qui, seule, peut pénétrer son propre ouvrage et avoir accès aux secrets du cœur humain. Par contre, une créature céleste, peu importe laquelle, ne peut pas remplir un être humain et se répandre en lui au point de connaître le fond de sa pensée. Ce privilège n’appartient qu’à Dieu : Tu es le seul à connaître le cœur des hommes (1 R 8, 39), et : Car c’est Lui qui connaît les secrets des cœurs (1 Co 14, 25). Puisqu’il appartient à la divinité de connaître les secrets de l’homme, en scruter les profondeurs souligne encore davantage, en la Personne de l’Esprit Saint, le caractère insigne de la suprême majesté de Dieu. Il faut reconnaître au Créateur seulement ce privilège d’entrer dans le secret des consciences.

Une âme, il est vrai, peut s’attacher à une autre âme mais ne peut pas se répandre en elle, et il en est de même pour les anges. Posséder ces créatures, seul l’Esprit Saint, c’est à dire Dieu, en a la capacité, car elles sont comme des vases pour le potier, lui seul peut les remplir, il les a façonnés à partir de rien, et sans lui ils se sentent vides.

Ainsi l’âme, parce qu’elle est de matière corporelle ne peut pas se répandre en profondeur dans une autre créature raisonnable. Bien sûr, si on la compare à l’aspect extérieur, à l’épaisseur du corps humain, on peut dire de l’âme qu’elle est incorporelle, mais si on la rapporte à son Créateur, elle est pour Lui matière saisissable, son ouvrage palpable, il a le pouvoir de l’enfermer dans l’étroitesse d’une corps mais aussi de la livrer au feu éternel, comme nous le lisons : Qu’ils aillent dans le feu éternel qui a été préparé pour le Diable et ses anges (Mt 25, 41) ; alors, sans aucun doute et à bon droit, pour son Créateur l’âme est corporelle.

Tu vas peut-être faire cette objection : il est manifeste que les démons, par leur violence tyrannique, se répandent souvent dans ceux qu’ils ont pris, pour les tenter. Non, ce n’est pas cela. Ils peuvent, en effet, s’abriter à l’intérieur d’un corps, mais avoir accès à l’intimité de l’âme leur est impossible. Il faut donc savoir que les esprits malins, avec ruse et subtilité, font irruption dans les membres du corps que fatigue parfois un excès de vin ou un accès de fièvre et ils y portent le trouble.

Et ainsi, l’ennemi tentateur sait-il, par malice, s’introduire furtivement dans la sensibilité, mais il ne sait pas, de par sa nature, se couler dans les retraites de l’âme. Et c’est pourquoi ce n’est point par une fusion de leurs natures que les esprits immondes prennent possession des intelligences et des cœurs mais par la volonté perverse des hommes qui les accueillent. Car, ne pouvant connaître les consciences, ils ne peuvent pénétrer les âmes dans leur substance. Et s’il est arrivé parfois aux démons de connaître, ce ne fut point en raison de leur pouvoir mais en connivence de perfidie avec l’homme.

Dieu seul, en sa puissance, et en l’Esprit Saint, s’unit aux créatures raisonnables, les baignant de sa grâce et la répandant sur elles. C’est ainsi que, de façon toute spéciale, dans l’abondance de sa grâce, il s’est reposé sur le corps vénérable du Seigneur fait homme, de Marie sa mère, selon ces paroles que le Fils de Dieu dit de Lui-même : L’Esprit du Seigneur est sur moi (Lc 4, 18). Si l’Esprit Saint, comme ils le disent, était un être de condition inférieure, Dieu n’aurait pas pu, et c’était indigne de Lui, permettre à cette créature de remplir de sa grâce l’âme ou même le corps en qui se trouvait déjà le Fils de Dieu, c’est-à-dire Dieu, en qui, selon la parole de l’Apôtre : La Plénitude de la Divinité habitait corporellement (Col 2, 9).

Si l’Esprit Saint est une créature, comment, corruptible, pourrait-elle posséder l’incorruptible, comment, dans sa faiblesse, pourrait-elle posséder celui qui a en soi la majesté ? Si l’Esprit Saint est une créature parmi la multitude des êtres créés, comment, créature accompagnant son Créateur, le Fils de Dieu, pour ainsi dire à égalité avec Lui, esclave avec son maître, comment ose-t-elle prendre même logis en l’âme du Sauveur et, comme si cela ne lui suffisait pas, esclave, elle accède, comme son Créateur, au faîte de la sainteté ? Il n’en est pas ainsi. Mais l’Esprit Saint reconnaît en son compagnon, uni à Lui, le sanctuaire céleste et il ne faut point s’étonner que le Fils et l’Esprit Saint aient en partage la même demeure en l’âme glorieuse d’un corps bienheureux, eux qui, en toute certitude ont le ciel en commun.

Chapitre II

L’Esprit Saint s’est-il incarné, comme le Fils, parce que lui aussi s’est posé sur Marie, c’est là l’opinion des ignorants, ou bien est-ce seulement le Fils qui est né de la Vierge ?

Certains disent : si l’Esprit Saint a habité le corps et l’âme du Rédempteur, on en déduira que Lui aussi s’est incarné. Ce n’est pas ainsi. Le corps sacré de Marie est rempli de l’Esprit Saint avant la procréation (de Jésus), et, au moment voulu, le fils de la Vierge est conçu par l’opération de l’Esprit Saint, mais c’est la Personne du Fils qui a le privilège de se répandre en lui pour en prendre possession et l’accompagner, pendant neuf mois, progressivement vers la lumière (du jour), période pendant laquelle, évidemment, la Personne de l’Esprit Saint n’a point partagé le séjour dans le sein virginal. Ainsi, l’homme dont le Fils de Dieu a pris la nature au moment même de sa conception, l’Esprit Saint l’a pénétré pour le sanctifier, non pas pour l’assumer. Il a coopéré à l’incarnation du Christ, le Christ en a été l’auteur. Il y a eu d’un côté, la naissance du Christ, et de l’autre, l’homme baigné de grâce.

Du Fils de la Vierge on peut affirmer que son âme et même sa chair appartiennent véritablement à la Personne du Fils de Dieu, ce n’est point l’âme et la chair de l’Esprit Saint. En aucune façon on ne peut dire que l’Esprit Saint a souffert ce que le Fils de Dieu, crucifié, a supporté et qui lui vaut d’être appelé : « Dieu de Gloire ». Leurs œuvres sont différentes, mais non point leur substance. Nous ne pouvons pas dire, par exemple, que le Père est descendu sous la forme d’une colombe, ni que le Fils a parlé par la voix du Père, quand il dit : Celui-ci est mon Fils (Mt 3, 17). De même, nous ne pouvons pas affirmer que l’Esprit Saint est né d’une vierge, qu’il a vécu personnellement dans la chair du Rédempteur, qu’il a été crucifié dans sa « passion », puis rétabli en son corps par la résurrection et élevé au ciel dans son ascension. Il convient nécessairement de rapporter ces faits à l’œuvre et à la Personne du Fils, il ne convient pas de les attribuer à l’Esprit Saint, en tenant compte toutefois de leur unité de volonté.

Sur ce, Macédonius affirme que l’Esprit Saint est une créature. Qu’il commence d’où il voudra, pourvu qu’il n’ait pas la présomption de se fonder sur son propre discours et qu’il ne sorte pas du cercle de la Loi sacrée, dans un débat étranger aux saintes Écritures, mais, s’il le peut, pour asseoir son autorité, qu’il produise tous les témoignages capables de l’emporter, en nombre et en force, sur la foi du monde entier. Il faut sans doute de grandes allégations et d’éloquentes et incontestables preuves pour démontrer qu’il fait partie des créatures Celui qui reçoit de tous les royaumes de la terre, avec le Père et le Fils, même honneur et même gloire, Celui que l’Église catholique, régénérée en Lui, reconnaît comme son Créateur. Et c’est à bon droit que, distinguant en Lui Celui qui l’a restaurée, elle n’hésite point à croire en Lui, son Créateur.

Chapitre III

Macédonius rétorque, mais c’est une affirmation sacrilège, que l’Esprit Saint est une créature supérieure.

Une créature, dis-tu, oui, mais supérieure à toutes les créatures. Nous nous sommes engagés, dans la préface, à ce que notre discours repose, non pas sur notre opinion personnelle, mais sur les paroles catholiques de l’Écriture. Puisque l’objet de notre traité est Dieu, c’est au prophète, à l’apôtre, à l’évangéliste de répondre.

Tu dis que l’Esprit Saint est une créature supérieure à toutes les autres. Montre-nous en quels livres tu as lu ces paroles ? Je ne crois pas que ce soit dans l’Ancien Testament, ni dans le Nouveau que tu les feras voir. Puisque tu es dans l’incapacité de présenter ces textes, ton absence d’explication confirme notre propos. Faute de prouver que l’Esprit Saint est une créature, même si nous nous taisons, tu démontres qu’il est Créateur. Ainsi, puisque ton affirmation n’est pas pertinente au regard de la pensée catholique et ne s’accorde absolument pas avec la pratique chrétienne, reconnais là le dessein du diable, qui, dès qu’il a vu la demeure d’une âme privée de l’Esprit Saint, agissant en quelque sorte en Esprit ennemi, envahit cette âme, avec son sinistre cortège de la fourberie septiforme.

En effet, repousser l’Esprit Saint c’est recevoir le diable. Il fut cette créature supérieure que tu dis, lui qui, resplendissant dans la clarté du ciel, conscient de ses dons mais oublieux de son Créateur, se considéra comme son propre maître, ignora ce qu’il avait reçu, ne mesura pas, dans son bonheur, le prix de sa gloire et par arrogance la perdit en disant : J’escaladerai par dessus les étoiles des cieux, par dessus les trônes, j’érigerai mon siège et je serai pareil au Très Haut (Is 14, 13-14). Je pense qu’aucune créature ne lui fut supérieure, il n’en vit aucune entre Dieu et lui, contre laquelle se dresser, emporté par sa jalousie et par son orgueil, et c’est pourquoi, observant que personne ne le devançait dans les rangs de la milice céleste, il poussa son audace jusqu’à vouloir s’égaler au maître de l’univers. Ne pouvant supporter plus grand que lui, s’il avait rencontré dans le ciel quelqu’un qui lui fût supérieur en dignité, il aurait tenté de se mesurer avec lui et de le surpasser.

Il y a, dans les cieux, deux ordres de grandeur : la divinité qui règne et ceux qui sont gouvernés. Il n’y a point de troisième catégorie intermédiaire, se situant à la fois au dessous du sommet et au dessus du degré inférieur. On peut dire, peut-être, des archanges, qu’ils sont des êtres supérieurs, bien que leur domination sur tous les autres anges soit plutôt de l’ordre de la préséance que de l’ordre de leur nature.

D’ailleurs, les archanges eux aussi sont au service de l’Esprit Saint et c’est l’un d’eux, en quelque sorte son ministre qui annonça sa venue à la bienheureuse Marie. Mais, me dis-tu, il y a un passage où le prophète Amos désigne clairement l’Esprit Saint comme une créature : C’est moi (Dieu) qui ai donné des formes au tonnerre et créé l’esprit (Am 4, 13).

En premier lieu, le mot « esprit », à lui seul, ne se rapporte pas à la Personne de l’Esprit sanctificateur, à moins d’y ajouter Esprit de Dieu ou Esprit Saint ou L’Esprit souffle où il veut (Jn 3, 8), ce qui revient à ajouter les œuvres et le caractère particulier qui fondent sa grandeur. Ensuite, si tu regardais, dans le texte, l’ordre des mots, ta créature supérieure, comme tu dis, est bien peu considérée puisque sa création est mentionnée après celle du tonnerre. Pour suivre ta pensée, il n’aurait pas été logique de reléguer au second plan l’œuvre principale de Dieu ou de l’associer à un élément naturel insensible et dépourvu de raison. Il serait inconvenant de croire qu’il s’agit ici, je ne dirai pas de la personne d’un ange, mais d’un juste, quel qu’il soit.

L’interprétation qui s’impose comme s’accordant le mieux avec la raison, c’est de comprendre que c’est le souffle des vents qui est désigné après le tonnerre, ainsi que nous le lisons dans les Psaumes : Souffle des ouragans, ouvrier de sa parole (Ps 148, 8), ou bien : Soufre, souffle des ouragans (Ps 10, 6), ou encore : Avec le vent violent, brisant les vaisseaux de Tharsis (Ps 47, 8). Le mot « esprit » a plusieurs sens, si on ne précise pas ce qui le caractérise en propre. Mais laissons cela et informe-toi de la traduction correcte à partir de l’hébreu et tu y reconnaîtras, à ta confusion, l’erreur de ta pensée. En effet, à cet endroit du texte tu trouveras les paroles exactes : Car c’est moi qui ai formé les montagnes et créé le vent (Am 4, 13).

Vois combien sont vaines et dénuées de sens les paroles auxquelles tu as cru, contre Dieu. Vois de quel bel argument tu t’es armé contre la puissance de la Majesté divine. Et après cela, ne crains-tu pas d’être accroché à une branche si peu solide, toi qui es suspendu au dessus d’un gouffre si redoutable ?

Chapitre IV

Macédonius, affirmant qu’il y a deux Personnes (dans le Christ), dénie au Saint-Esprit une personnalité qui lui soit propre.

Ensuite tu introduis l’idée de dualité, tu dis que l’Esprit Saint n’est pas une Personne et tu ne sens pas que tu as laissé se perdre la grâce de la régénération, toi qui cherches à offenser Celui qui régénère, Celui dont la divine Vérité affirme hautement qu’il est uni à Elle, en communion de majesté et de vertu, en disant : Allez, baptisez toutes les nations au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint (Mt 28, 19). Oui, « au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint ». Le singulier du mot « nom » dit l’Unité alors que la différence des appellations dit la « Trinité ». « Au nom de » se réfère donc à « Un », mais la distinction des Personnes ce n’est pas « un ». Quelle est la prérogative qui s’attache à Un seul nom en Trois (Personnes) sinon leur harmonie inséparable au sein de la déité ? Établis des degrés de hiérarchie si tu le peux, tu ne trouveras rien hormis l’Unité et c’est Dieu qui l’atteste.

Tu entends « Trois », pour que l’impiété de Sabellius ne fasse de l’Unité un mélange confus, tu entends « Un » pour que la perversité d’Arius ne divise la Trinité, tu entends « Esprit Saint » pour que la qualité qui lui est propre, exprimée par un nom distinct, accable Macédonius. Se laisser fléchir par des prières, abolir et remettre les péchés n’est pas l’œuvre d’une créature mais du « Créateur ». Dans cet embrassement indissociable de la majesté divine, selon la propriété des Personnes, autre est le Père, autre le Fils, autre l’Esprit Saint, mais ce dernier n’est pas autre dans sa divinité, puisque, s’il n’était pas Dieu, il n’aurait point sa place, en tant que Personne distincte, à côté du Père et du Fils. Enfin, quand le Verbe devient chair et que Dieu revêt l’enveloppe humaine, Dans son parcours l’homme devient son tabernacle, des ténèbres de notre fragilité Il voile sa splendeur et Il fait des ténèbres sa cachette (Ps 17, 12), il y a, il est vrai, deux substances, celle de Dieu et celle de l’homme mais cela ne fait qu’une seule Personne.

Comment cela se fait-il ? En prenant la forme d’un esclave, Dieu s’unit à son serviteur, l’humilité de notre petitesse se cache au dedans de sa révérée Grandeur, s’anéantit et se fond dans la lumière de son Souverain, et ainsi, la nature humaine n’a pas, en soi, de personnalité autonome, du fait que la divinité la domine et la couvre de son ombre.

Il ne peut y avoir parité de Personnes que dans l’égalité de mérite et de dignité. Et c’est parce que l’Esprit Saint est reconnu en droit comme une personne distincte qu’il possède, avec le Père et le Fils le privilège de l’unique majesté. Mais supposons qu’on nous fasse cette objection : « Nous disons qu’il y a dans le Christ, à la fois Dieu et homme, deux substances, pourquoi, pour la même raison, ne croirions-nous pas en deux personnes » ? Non, ce n’est point ainsi. Soutenir en effet qu’il y a deux personnes dans le Christ conduit à l’idée sacrilège de « quaternité », idée que l’ordre de la nature refuse absolument. Deux substances douées de raison et différentes ne peuvent pas n’en faire qu’une alors que deux personnes le peuvent. Ainsi, nous lisons dans l’Écriture que la tête et le corps, le Christ et son Église forment une seule personne : Les deux ne feront qu’une chair (Eph 5, 31).

De même que chez nous, les hommes, un fils par rapport à son père, chef de famille ou encore un esclave, par rapport à son maître, n’ont point de personnalité juridique, de même, quand il s’agit de Dieu et de l’homme, il y a bien deux substances mais non pas deux personnes, car une personne peut en assumer une autre, mais une substance ne le peut pas, étant entendu que la personne est une entité de droit et la substance une réalité de nature.

Maintenant, c’est par des témoignages qu’il nous faut affirmer, dans le Christ, à la fois Dieu et homme, l’unité de Personne et les deux substances. Attribue au Rédempteur, Dieu et homme, une seule Personne, selon les paroles de l’Apôtre : S’ils avaient connu la sagesse de Dieu, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de Gloire (1 Co 2, 8).

Si tu demandes comment le Christ, invulnérable, a pu souffrir et, insaisissable, être crucifié, l’unité de Personne permet de croire qu’il a supporté jusqu’au bout, en tant que Dieu, ce qu’il a souffert en tant qu’homme. De même, l’évangéliste nous rapporte ces paroles de Jésus : Nul n’est monté au ciel, hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est au ciel (Jn 3, 13). Ainsi, le Fils de l’homme, avant sa passion et sa résurrection et son ascension, est descendu du ciel et le ciel est sa demeure. Comment comprendre cette affirmation, à moins de l’expliquer par l’unité de Personne, en nous appuyant sur le témoignage de la Vérité. De même, dans un autre passage, la tête et le corps sont réunis en la Personne : J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire (Mt 25, 35).

En quoi consiste, dans cet exemple, l’unité de Personne ? En tant qu’homme il reçoit à manger et en tant que Dieu il est réconforté, on réchauffe les pieds et la tête en éprouve de l’apaisement. Répétons encore : « Ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de Gloire » et, à l’opposé, « Nul n’est monté au ciel, hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est au ciel ». Vois comment, en vertu de l’unité de Personne, l’humain est mêlé au divin et le divin à l’humain. Dieu est crucifié, et homme, il descend du ciel et le ciel est sa demeure, paroles de l’Écriture.

Quoi qu’il en soit, examinons, à partir des livres sacrés, la distinction des deux substances. Le bienheureux Moïse s’adresse (aux Juifs) en ces termes : Vous mangerez la tête avec les pattes et vous dévorerez les tripes (de l’agneau) (Ex 12, 9). Croyons que les pattes désignent l’humanité et la tête, la majesté divine. Ainsi, en prenant connaissance, grâce à l’intelligence de la foi, des vérités cachées sous le sens littéral des mots, nous nous nourrissons des entrailles de l’agneau, c’est à dire des mystères. L’activité « dévorante » signifie en effet l’ardeur que nous mettons à les sonder. Dans un autre texte, le révélateur des signes sacrés, nous fait entrer dans la compréhension de ses deux natures, en disant : Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête (Mt 8, 20).

Le Christ veut dire : « les hérésies trompeuses, les puissances de l’air et des ténèbres ont établi leur demeure et leur domination, profondément, dans le cœur des hommes et ces cœurs infidèles me voient, homme dans ma chair, et ne croient pas en l’existence de Dieu caché au dedans de l’homme que je suis ». Les tanières et les nids ne désignent pas des habitacles transitoires et momentanés, mais de longue durée, d’une possession sûre et affermie, capable de multiplier les tromperies du Serpent, appâts des vices. L’apôtre Paul, dissipant l’obscurité du mystère, distingue nettement les deux substances : … et aussi nos Pères (les Patriarches) desquels le Christ est issu, selon la chair, Lui qui est au dessus de tout, Dieu béni éternellement (Ro 9, 5). Tu me réponds que l’Apôtre, dans l’ensemble de ses ouvrages confesse sa foi en deux Personnes, par exemple dans l’épître aux Corinthiens : Paul, appelé à être apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu (1 Co 1, 1). Et dans la lettre aux Galates : Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par l’intermédiaire d’un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père qui l’a ressuscité des morts (Ga 1, 1). Citons encore : Un seul Dieu le Père, de qui viennent toutes choses et nous en Lui et un seul Seigneur Jésus-Christ par qui tout a été fait et nous par Lui (Eph 4, 6).

Tu me fais observer que ces textes ne font aucune mention de l’Esprit Saint. Pour répondre en peu de mots, tu oublies que c’est rempli de l’Esprit Saint et sous son inspiration que l’Apôtre faisait connaître le Père et le Fils. Et quand il parlait des œuvres du Père et du Fils, l’Esprit Saint Lui aussi était présent et lui dictait ce qu’il devait dire, selon cette déclaration : Et nul ne peut dire : « Jésus est Seigneur », que sous l’action de l’Esprit Saint (1 Co 12, 3). Ainsi, tu le vois, l’apôtre Paul qui était destiné à croire en Jésus-Christ, à confesser sa foi en Lui, à le prêcher, devait d’abord recevoir en lui l’Esprit Saint. Le fait que l’Écriture, parfois, fasse mention du Père et du Fils sans citer l’Esprit Saint, ne devrait point être une gêne pour ta foi. Car souvent, sans que soit nommé le Père, c’est l’œuvre du Fils et de l’Esprit Saint qui est annoncée. Saint Ananie dit à Paul : Saul, mon frère, celui qui m’envoie c’est le Seigneur, ce Jésus qui t’est apparu sur le chemin par où tu venais ; et c’est afin que tu recouvres la vue et sois rempli de l’Esprit Saint (Eph 4, 6). Ce passage montre clairement une relation étroite entre deux Personnes, le Christ qui a rendu aveugle Paul, l’Esprit Saint qui l’a rempli de ses lumières et aucune mention du Père.

Paul interrogeait quelques uns de ses disciples, leur demandant quel baptême ils avaient reçu. Ils s’avérait, qu’après l’Ascension du Seigneur, ils avaient reçu le baptême de Jean. Plus tard, le baptême fut administré au nom de la Trinité. Jean avait pris l’habitude de baptiser « au nom de Celui qui viendrait après lui », mais il apparaissait, dans le cas de ces disciples, que cette invocation du mystère avait été oubliée. Et Paul leur dit : Jean a baptisé, mais au nom de Celui qui viendrait après lui (Ac 19, 4). En somme, ils n’avaient pas été baptisés comme il le fallait. Paul leur demanda encore : Avez-vous reçu l’Esprit Saint, quand vous avez embrassé la foi ? (Ac 19, 2). Après le baptême du Sauveur, les baptisés, selon le rite de l’imposition des mains, devaient confesser leur foi en l’Esprit Saint. Mais ils répondirent : Nous n’avons même pas entendu dire qu’il y a un Esprit Saint. A ces mots ils furent baptisés au nom du Seigneur Jésus. Et quand Paul leur eut imposé les mains, l’Esprit vint sur eux et ils se mirent à parler en langues et à prophétiser (Ac 19, 2.5-6). Sois attentif au fait que ces disciples, aussitôt baptisés au nom de Jésus, reçoivent l’Esprit Saint et le don extraordinaire de prophétiser en invoquant le Paraclet. Il est vraiment Dieu, Celui qui, Don de Dieu, ajoute à sa plénitude.

Dans ce récit du baptême qui révèle deux personnes, le Père n’est pas invoqué, mais cette omission de la lecture sainte ne signifie point négation et nous devons croire que le Père agit conjointement avec le Fils et l’Esprit Saint, en unité de puissance et de déité. Ainsi donc, lorsque l’Esprit Saint fut venu sur eux, alors ils parlaient en langues et prophétisaient. Quelle est grande, la puissance de l’Esprit Saint ! Dans le baptême il apporte la grâce de la rémission des péchés, sa venue confère les dons des vertus et les confirmés manifestent avec éclat des signes et des miracles.

Mais les ennemis de la vérité chicanent généralement sur des syllabes. A propos, par exemple, de la définition précise que nous connaissons de la Trinité : Car tout est de Lui, par Lui, en Lui (Ro 11, 36). Ils soutiennent que la formule « de Lui » traduit une supériorité par rapport à « par Lui » et que, à son tour, cette préposition « par » a préséance sur « en Lui ». Mais, s’ils voient, dans l’expression « en Lui », appliquée à l’Esprit Saint, un amoindrissement de puissance, qu’ils entendent la grandeur de cette préposition et qu’ils tiennent compte également du pronom « ipsorum », « d’eux en personne », qui englobe nécessairement l’Esprit Saint [13].

C’est en Lui, nous dit l’Apôtre, que nous avons la vie, le mouvement et l’être (Ac 17, 28). Et avec raison nous disons que nous avons en Lui la vie, le mouvement et l’existence, Lui en qui nous sommes rétablis et régénérés. Mais nous trouvons aussi, dans l’Écriture, l’emploi de « par Lui », appliqué à l’Esprit Saint. Par exemple : A l’un, c’est une parole de sagesse qui est donnée par l’Esprit ; à tel autre une parole de science (1 Co 12, 8). De même, dans l’épître aux Hébreux : (Le Christ) … qui, par l’Esprit Saint, s’est offert lui-même sans tache à Dieu (He 9, 14). Et de nouveau : … l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous fut donné (Ro 5, 5).

Du reste, bien que nous comprenions que l’expression « de Lui » se rapporte au Père, nous la trouvons aussi, assez souvent, appliquée à l’Esprit Saint. Ainsi dans l’évangile de Jean : Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est Esprit (Jn 3, 6). Et Jean conclut ce paragraphe : Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit (Jn 3, 8).

Ainsi donc, rappeler les œuvres du Père et du Fils sans nommer l’Esprit Saint ne lui porte pas préjudice et inversement il n’y a point négation du Père ni du Fils, quand l’accent est mis sur l’opération ou la force de l’Esprit Saint, comme nous le lisons dans les Actes des Apôtres : Vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours (Ac 1, 5). Et dans l’évangile, ces paroles qui retiennent de l’Esprit Saint la singularité de sa Personne : A moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer au royaume de Dieu (Jn 3, 5).

Faut-il croire que le Père et le Fils qui ne sont pas nommés dans ce passage, n’ont point de part dans le don d’une grâce si grande et si divine ? Bien sûr que non. Il n’en faut point douter, au Saint-Esprit, avec lequel ils forment une unique Substance, ils sont unis, dans le mystère et ses bienfaits, et s’ils ne sont pas cités, ils n’en sont pas moins présents, en Union de miséricorde et d’action.

Chapitre V

Objection : les paroles : « A moins de naître d’eau et d’Esprit Saint … » sont la preuve que l’Esprit Saint, tout comme l’eau, est créature.

Tu dis : « L’Esprit Saint est une créature, au point que, dans la sentence évangélique citée ci-dessus, il apparaît comme lié à l’eau, qui est un élément naturel et qui occupe la première place dans l’ordre de la phrase : A moins de naître d’eau et d’Esprit Saint nul ne peut entrer au royaume de Dieu (Jn 3, 56). Il est clair qu’un tel discours est la négation, non seulement de la puissance divine de l’Esprit Saint mais aussi de la raison d’être du baptême. Car l’Apôtre nous dit : Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons avec Lui (Ro 6, 8). Mais comment pouvons-nous mourir avec le Christ et ressusciter avec Lui, songe à te poser la question. Tous, qui que nous soyons, nous nous immergeons dans la fontaine sainte, nous reproduisons la mort et la sépulture du Rédempteur, selon les paroles du même Apôtre : Ou bien, ignorez-vous que, qui que nous soyons, baptisés dans le Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons été ensevelis avec le Christ, par le baptême, dans la mort (Ro 6, 3-4).

En effet, de même que le Christ, après sa mort, a été enseveli pendant trois jours dans le sépulcre, de même, nous aussi, déposés au sein de l’eau, notre sœur créée, par une triple immersion, quand nous descendons (dans la cuve) nous sommes ensevelis en elle, quand nous en sortons, nous renaissons à la vie. Et de cette façon, c’est par la cérémonie de l’eau que nous imitons la mise au tombeau, c’est par l’Esprit Saint que nous est conférée la vraie vie et l’espérance du salut éternel. Finalement, que l’on supprime l’invocation au Saint-Esprit, et voyons si l’infusion de l’eau, à elle seule, a quelque efficacité ! Ainsi donc, c’est la créature qui reproduit, par imitation, les devoirs de la sépulture, c’est Dieu qui accorde le bienfait de la renaissance. Celui dont tu vois bien qu’il est l’auteur de notre rachat, reconnais qu’il est également le garant de notre résurrection. C’est ce qu’annonce le prophète, s’adressant au Père : Envoie ton Esprit et ils seront créés, et tu renouvelleras la face de la terre (Ps 103, 3). En quoi diffèrent l’opération de l’eau et celle de l’Esprit ? Par l’eau, nous figurons la descente au tombeau, par l’Esprit Saint nous sommes agréés et préparés pour le Royaume.

Chapitre VI

L’expression « Esprit Saint » est-elle un nom ou un surnom ? Telle est la question posée.

Sur ce, tu crois nécessaire de demander si l’appellation « Esprit Saint », et on doit également l’appeler Dieu, est son nom ou son surnom ? Reconnais d’abord que l’habitude que nous avons, nous les hommes, d’ajouter au nom un surnom ne convient pas à la majesté de Dieu, dont le nom ne supporte aucun ajout, de par sa nature indubitablement éternelle.

Oui, la grammaire distingue des noms communs dits « appellatifs » et des noms particuliers, appelés noms propres. Une distinction semblable peut-elle s’appliquer à notre sujet ? Quand il s’agit de Dieu, donne un nom particulier, disons un nom propre et nous avons le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Chacun, avec ce qui lui est propre, au point qu’on ne peut pas dire du Père qu’il vient du Fils et tu auras du mal à trouver dans la lecture sainte, que l’Esprit Saint est du Père. De même, donne comme noms propres les termes « inengendré », « engendré », « procédant de l’un et de l’autre ». En revanche, donne-nous un nom de sens général et commun : majesté, immensité, plénitude, un, un seul Dieu.

Mais quand tu entends « UN », il ne s’agit point du nombre qui marque le début de la numération, mais de la Perfection Infinie ramenée à UN. Que signifie UN, sinon le nom incommunicable, qui ne souffre ni avant, ni après ? Que signifie UN, sinon une substance simple, non composée, et indivisible ? Qu’est-il UN, sinon immuable, égal, toujours identique, inséparable ? Voilà comment l’appellation commune exprime l’Unité, l’appellation particulière, la Trinité. Dire : Le Père, le Fils, l’Esprit Saint, c’est déployer la singularité de chacune des Personnes. Dire : « UN seul Dieu », c’est montrer leur commune Substance au sein de la Trinité, leur commune Gloire ». En conclusion, l’ignorance s’est enfermée dans la nuit de l’erreur, en retirant à l’Esprit Saint son nom de « Majesté », ne lui reconnaissant que son vocable propre, plutôt que le nom qu’il possède en commun avec le Père et avec le Fils.

Chapitre VII

Les Prophètes, spécialement, sont remplis de l’Esprit Saint. La foi en l’Esprit Saint, invoqué comme Dieu, repose sur des témoignages évidents.

En nous rapportant que l’Esprit Saint a parlé, spécialement, par les prophètes, Moïse, David, Isaïe et les autres, la parole divine atteste que c’est Dieu qui a parlé, le Pentateuque en donne de nombreux exemples : Le Seigneur parla à Moïse [14]. Examinons de plus près si l’Esprit a parlé spécialement, par la bouche des prophètes. Nous avons, dans les Actes des Apôtres, un passage déjà cité où Paul accuse les Juifs : Elles sont bien vraies les paroles que l’Esprit Saint a dites à nos pères par la bouche du prophète Isaïe : vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas (Ac 28, 25). Et dans ce même livre : Frères, il fallait que s’accomplît l’Écriture où, par la bouche de David, l’Esprit Saint avait parlé d’avance (Ac 1, 16).

Dans une épître de Pierre, nous lisons : Ce n’est pas d’une volonté humaine qu’est jamais venue une prophétie, c’est poussés par l’Esprit Saint qu’ont parlé de saints hommes de Dieu (2 P 1, 21). Reconnaissons, à l’évidence, que le don de prophétie relève de la puissance du Saint-Esprit. Dans l’épître aux Hébreux, Paul rappelle ce psaume de David : C’est pourquoi, comme le dit l’Esprit Saint :Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, etc (He 3, 7). Que l’Esprit Saint ait parlé par la bouche de David, nous en avons ici un très clair témoignage.

Mais est-il Dieu, celui dont on nous rappelle qu’il est l’inspirateur de toute prophétie ? Il est Seigneur Dieu, Celui qui a parlé par les prophètes, Luc l’affirme : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël de ce qu’il a visité et délivré son peuple… et il ajoute : Ainsi qu’il l’avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens (Lc 1, 68.70-71). Véritablement, la parole évangélique proclame Seigneur et Dieu d’Israël, l’Esprit Saint qui avait inspiré les prophètes.

Dans le récit suivant, Siméon, rempli de l’Esprit Saint : Il lui avait été révélé par l’Esprit Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Il vit l’enfant, le reçut dans ses bras, il bénit Dieu, c’était la prédiction qui se réalisait, il bénit Dieu et dit : Maintenant ô Maître, tu peux laisser ton serviteur aller en paix.

On voit bien que c’est sans restriction que Siméon donne le nom de Seigneur et de Dieu à l’Esprit Saint, dont il avait reçu la promesse qu’il verrait le Christ. Il y a des paroles de prophète qui s’appliquent précisément à l’Esprit Saint : Le Dieu des dieux, le Seigneur, a parlé (Ps 49, 1). Et : J’écouterai ce que dit en moi le Seigneur Dieu (Ps 84, 9). Ce nom, le Seigneur Dieu, qui a parlé par le prophète David, tu sais qu’il faut l’attribuer à la Personne de l’Esprit Saint, ou du moins, reconnais comme vraie, en un seul Dieu, la volonté de trois, la puissance de trois, la substance de trois Personnes, car, si tu dis « le Père », on comprend qu’il s’agit d’une seule Personne, si tu dis « Dieu », c’est la Trinité tout entière qui est désignée. Nous recevons aussi des Actes des Apôtres qu’il est indubitablement Dieu, celui qui avait annoncé d’avance, par les prophètes, la passion du Christ : Dieu, Lui qui a annoncé d’avance par la bouche de tous les prophètes que son Christ souffrirait, et ainsi il a rempli son Christ (Ac 3, 18), de l’onction de sa grâce. Et de nouveau, en Luc : Ainsi que Dieu l’avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens (Lc 1, 70). Dieu l’avait annoncé par la bouche de ses saints, oui, de ses saints, car la sanctification est l’œuvre personnelle de l’Esprit Saint. Nous lisons en Isaïe : Est-ce que le ciel et la terre je ne les remplis pas ? (Jr 23, 24) [15]. Qui est ce Seigneur qui déclare, par la bouche d’Isaïe, remplir le ciel et la terre, sinon l’Esprit Saint qui répand, en Isaïe même, la vertu de prophétie et l’esprit de vérité ?

La volonté Trinitaire, de même qu’elle confie à l’Esprit Saint le soin de dispenser le don de prophétie, lui confie aussi et surtout le soin d’accorder la grâce de la « seconde naissance », selon ces paroles, dans l’évangile de Jean : Ce qui est né de la chair est chair ce qui est né de l’Esprit est esprit (Jn 3, 6). Dans un autre passage, il est écrit que le pouvoir de faire de l’homme un « homme nouveau », appartient à l’Esprit Saint : Mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours (Ac 1, 5).

Et, comme nous l’avons cité plus haut : A moins de naître d’eau et d’Esprit (Jn° 3, 5). Et dans l’épître à Tite : (Dieu notre Sauveur ) … nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation « en l’Esprit Saint (Tite 3, 5. Qui est donc Celui dont la grâce fait de nous des « fils d’adoption ? (A tous ceux qui l’ont reçu) il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1, 12). Eux qui ne sont nés ni du sang, ni du vouloir de la chair, mais de Dieu (Jn 1, 13). Tu vois très nettement que cet Esprit Saint en qui nous renaissons est Dieu et il nous gratifie de sa paternité. Don que l’Esprit Saint lui-même souligne plus clairement dans un autre passage : Je serai pour eux un père et ils seront pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur Tout-Puissant (2 Co 6, 18). C’est de bon droit qu’on le proclame Tout-Puissant, Lui qui efface la dette du péché, libère les consciences de leurs chaînes, dépouille des mauvaises habitudes de sa nature corrompue l’homme qui croit en Lui, le pare du manteau d’innocence, de l’éclat de la justice, de la robe d’immortalité et, par un effet de sa bonté paternelle fait passer ses fils au rang des anges. Que personne ne mette sur le même plan l’Esprit Saint et les créatures !

Il est au delà de la servitude Celui qui a le pouvoir d’accorder une liberté éternelle. Aussi bien, dit l’Apôtre, n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclave pour retomber dans la crainte, mais vous avez reçu un esprit de fils adoptifs … et l’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu (Ro 8, 15-16).

Il est certain que toutes les créatures, même les anges et les archanges ont connu la tentation du péché, mais la chute de ceux qui ont transgressé la loi de Dieu, a instauré à son égard leur obéissance, leur désir inquiet, leur amour. Il en est résulté, d’une part l’affermissement de leur humble soumission, de leur constance et d’autre part la connaissance de leur faiblesse. Quant à l’Esprit Saint, s’il n’était pas supérieurement libre, il ne pourrait pas, d’esclaves, faire des hommes libres. Et s’il était une créature, si, par la grâce de Dieu, il accédait au plus haut degré de la sainteté, demeurerait cependant en lui, la conscience de sa dette. Et c’est pourquoi l’Écriture dit : Personne ne peut remettre les péchés, sinon Dieu seul (Lc 5, 21).

Quel qu’il soit, il faut choisir : ou bien confesser que l’Esprit Saint, qui remet les péchés, est pleinement Dieu, ou bien, si l’on ne croit pas qu’il puisse en accorder le pardon, c’est qu’on a tari en soi le bénéfice de la régénération et le sacrement du baptême. Il n’appartient qu’à Dieu de délier les entraves, de restaurer ce qui est détérioré, d’effacer ce qui est souillé. Et c’est pourquoi, nous tournant vers Lui, conscients de notre faiblesse et de sa majesté, en gémissant, nous nous écrions : Contre Toi Seul, j’ai péché (Ps 50, 6). Toi, qui es le seul à n’être point tenu par la loi du péché, qui seul l’ignores, non de fait mais parce qu’il est étranger à ta nature, Toi qui, seul exempt de toute dette, es donc le seul à pouvoir en délier tes débiteurs, Toi qui n’a point d’autre origine que Toi, ta Plénitude vient de Toi, car tu n’as point d’antécédent, les énergies qui circulent en Toi ne viennent point d’ailleurs, il n’y a pas eu transmission d’un autre, mais Tu es la source même du fleuve qui coule de Toi, tu es ta propre Gloire. Telle est ta nature qui ne connaît ni commencement, ni préexistant dont elle ait reçu.

Chapitre VIII

Où il est démontré que le Temple de Dieu est le Temple de l’Esprit Saint.

L’Esprit Saint habite le cœur de l’homme, telle est la représentation qu’en donne la parole sainte : Le Père vous donnera un autre Paraclet, pour être avec vous, à jamais (Jn 14, 16). Et dans l’épître aux Corinthiens : Il donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous (Ro 8, 11) [16]. Et c’est pourquoi nous trouvons juste cette présentation de l’Esprit Saint : Le Royaume de Dieu est au dedans de vous (Lc 17, 21). Oui, ils sont le « Royaume de Dieu », ceux qui, par leur mérite, se préparent à devenir le temple de Dieu, assurément, non pas d’une créature. Écoute, par l’intermédiaire de l’Apôtre, la voix de Celui qui habite en nous : (Ne savez-vous pas) que vous êtes le temple du Dieu vivant et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? (1 Co 3, 16).

Et dans un autre passage : … ainsi que Dieu le dit : « J’habiterai au milieu d’eux et j’y marcherai et je serai leur Dieu » (2 Co 6, 16). Ainsi, c’est Celui-là même qui habite le temple du cœur humain qui se proclame Dieu.
Ananie faisait partie des disciples qui honoraient Dieu, vendaient de leurs biens, acquis légitimement par leur travail et en déposaient le prix aux pieds des apôtres. On sait qu’il avait promis d’offrir ses biens à Dieu, mais l’apôtre Pierre l’accuse d’avoir menti à l’Esprit Saint : Ananie, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, que tu mentes à l’Esprit Saint ? et Pierre ajoute : Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu (Ac 5, 3-4). Comment comprendre ce récit ? Ananie pèche contre son Créateur et cependant l’Écriture minimiserait-elle sa faute, de sorte que, faisant peu de cas de son acte impie, elle le jugerait coupable seulement envers une créature et l’assignerait en justice pour dette envers un inférieur, dans une affaire d’outrage à Supérieur ? Non, certes ! Manifestement, il possède par nature la puissance divine Celui qu’un sacrilège a offensé et dont il est dit dans l’Écriture : Quiconque aura blasphémé contre l’Esprit Saint, n’aura pas de pardon, ni en ce siècle, ni dans le futur (Mc 3, 29). Ananie est allé trop loin, il a tendu un piège à Dieu, et, ce faisant, il a trompé l’Esprit Saint. Il faut donc comprendre que Dieu et l’Esprit Saint ne font qu’une seule Cause, une seule Gloire, une seule Vénération. Et c’est bien de l’Esprit Saint que parle Pierre, quand il conclut : Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu .
Pierre parlait encore à Corneille, quand : Tous les croyants circoncis qui étaient venus avec Pierre furent stupéfaits de voir que le don de l’Esprit Saint avait été répandu aussi sur les païens (Ac 10, 45). Cet exemple montre bien que la grâce conférée par l’Esprit Saint ne lui est pas étrangère mais vient de lui-même. Qui est-il ce donateur de grâces ? La suite du récit nous l’enseigne : Si donc Dieu leur a accordé le même don qu’à nous (Ac 11, 17). Ce généreux dispensateur de grâces, la première citation ci-dessus l’appelle « Esprit Saint », la deuxième spécifie qu’il est Dieu. La Foi confirmée en l’Esprit Saint est réitérée, là par l’appellation qui le caractérise, ici par le nom qui est commun (aux trois Personnes). Puisque l’Écriture dit : « et le don de l’Esprit Saint avait été répandu aussi sur les païens », il est véritablement de nature divine, Lui, l’Auteur de la grâce.

C’est à Dieu seul qu’il revient d’accorder largement ses charismes et c’est à Lui que se réfère l’Apôtre : J’ai travaillé plus qu’eux tous. Non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est en moi (1 Co 15, 10). C’est à bon droit qu’on le proclame « Dieu », Celui qui dispense la grâce et le Salut. Et Pierre, d’ajouter : Qui étais-je, moi, pour faire obstacle à Dieu ? Oui, il est vraiment Dieu, Lui qui a répandu les flots de sa grâce sur les païens et sur Corneille.

Chapitre IX

Contrairement à la pensée des partisans de Novatien, Dieu accorde aux païens le repentance qui conduit à la vie, lequel Dieu assurément est l’Esprit Saint, comme le montre l’enchaînement du récit.

Corneille et ses parents et amis furent soudain remplis de l’Esprit Saint et c’est en sa Personne que les nombreux témoins célèbrent ensemble le nom de Dieu : A ces paroles, ils se turent et ils glorifièrent Dieu en disant : ainsi donc, aux païens aussi, Dieu a donné la repentance qui conduit à la Vie (Ac 11, 18). Remarquons en passant, à l’encontre des partisans de Novatien, que Dieu accorde la repentance, libéralement, mais par le ministère de ses serviteurs. Reprenons ces paroles : Qui étais-je, moi (Pierre) pour faire obstacle à Dieu ? (Ac 11, 17) et : Ainsi donc, aux païens, Dieu a donné la repentance qui conduit à la Vie. En les entendant, dans un récit aussi clair, de quelle explication a-t-on besoin, y a-t-il quelque ignorant, voire quelque incrédule, pour ne point se satisfaire, dans la venue du Saint-Esprit, de la reconnaissance, si souvent répétée, de son nom divin ?

Chapitre X

La première lettre aux Corinthiens déclare que la divinité de l’Esprit Saint se manifeste par ses communications de vertus.

La lettre aux Corinthiens, à elle seule, pourrait suffire pour affirmer la divinité de l’Esprit Saint. L’épître aux Hébreux nous dit : Dieu appuyant leur témoignage par des signes, des prodiges, des miracles de toutes sortes, ainsi que des communications d’Esprit Saint qu’il distribue à son gré (He 2, 4). Interrogeons l’Apôtre lui-même et demandons lui si ce dispensateur de charismes fait partie des êtres créés. Nous avons, dans la première lettre aux Corinthiens : Je vous le déclare, personne parlant sous l’action de l’Esprit de Dieu, ne dit : « Anathème à Jésus », et nul ne peut dire : « Jésus est Seigneur », que sous l’action de l’Esprit Saint (1 Co 12, 3). Remarquons comment, dans cette phrase, « Esprit de Dieu » signifie précisément « Esprit Saint ».

Cet Esprit Saint, dont l’Apôtre vient d’établir qu’il est appelé « Esprit de Dieu », considère, avec quel éclat, les lignes qui suivent, témoignent qu’il est Dieu et Seigneur : Il y a diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu … (1 Co 12, 4-6). Et le bienheureux apôtre, comme si on l’avait consulté sur la divinité de l’Esprit Saint, dont il venait de dire : C’est le même Esprit, ajoute : c’est le même Dieu qui opère tout en tous (1 Co 12, 6). « Opérer tout en tous » lui serait impossible s’il était une créature. Reconnais que ces paroles désignent expressément l’Esprit Saint, tant sous le nom qui lui est propre, que sous celui de Seigneur et celui de Dieu, ou du moins reconnais qu’il est uni à la Trinité.

En ce qui concerne la diversité des dons spirituels, la parole de Dieu désigne plus particulièrement l’Esprit Saint, nous l’avons reçu de la parole citée plus haut, car c’est à Lui qu’il revient spécialement d’accorder la grâce des communications. Ces mots : « le même Seigneur », « le même Dieu », s’appliquent nécessairement à l’Esprit Saint, comme le montre le paragraphe qui suit : A l’un, c’est une parole de sagesse qui est donnée par l’Esprit ; à tel autre, une parole de science, selon ce même Esprit ; à un autre la foi dans ce même Esprit ; à tel autre le don de guérir dans cet unique Esprit ; à tel autre la puissance d’opérer des miracles ; à tel autre la prophétie ; à tel autre le discernement des esprits ; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter. Mais tout cela, c’est le seul et même Esprit qui l’opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l’entend (1 Co 12, 8-11). Il n’est subordonné à personne, mais il est le Seigneur céleste qui accorde les dons du ciel, selon sa propre volonté, et les distribue généreusement, en vertu de sa puissance.

Chapitre XI

Un seul Dieu, Un seul Esprit Saint, nous fait remarquer l’Écriture. Il répartit ses dons comme il l’entend. Il est impossible de l’assimiler à une simple créature.

De même qu’il y a un seul Père et un seul Fils, de même, logiquement il y a un seul Esprit Saint, comme le souligne l’Apôtre : Aussi bien, est-ce en un seul Esprit que nous avons été baptisés (1 Co 12, 13). On ne pourrait pas dire : « Un seul » s’il était simple créature parmi la multitude. Et quand nous avons, dans ce passage, ces paroles : A un autre, il donne la foi dans le même Esprit (1 Co 12, 9), le même Apôtre annonce aux Corinthiens qui est Celui qui donne la foi : Chacun, selon le degré de foi que Dieu lui a départi (Ro 12, 3). Il est Dieu, indubitablement, Celui qui départit la foi, l’Apôtre le proclame. Sans doute, la largesse diversifiée de si grands dons, sa magnificence, exprime-t-elle par elle-même la puissance de son auteur, toujours est-il que l’Apôtre conclut : Mais tout cela, c’est le seul et même Esprit qui l’opère, distribuant ses dons à chacun en particulier, comme il l’entend (1 Co 12, 11). De même, dans un autre passage : L’Esprit souffle où il veut (Jn 3, 8), et rappelons, des communications d’Esprit Saint qu’il distribue à son gré (He 2, 4). Ainsi ces expressions ne caractérisent pas une fonction subalterne mais la libre volonté d’une puissance, et, dans les communications des biens célestes se révèle l’inépuisable bonté de la suprême largesse. Il est dit : et par des communications d’Esprit Saint ; ce dispensateur qui répartit est-il Dieu, l’Apôtre l’enseigne aux Corinthiens : Il y a diversité d’opérations mais c’est le même Dieu (1 Co 12, 6). Dans les « Actes des Apôtres », nous lisons : Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a constitués intendants, pour paître l’Église de Dieu (Ac 20, 28). Celui qui a institué des évêques dans l’Église, (Paul), « vase d’élection » [17], écrivant aux Corinthiens, le proclame Dieu : Il en est que Dieu a établis dans l’Église (1 Co 12, 28). Ce Dieu n’est autre que l’Esprit Saint dont la Personne nous est révélée dans son rôle de « dispensateur de grâces », comme il apparaît dans la suite de la phrase : Dieu les a établis dans l’Église premièrement comme apôtres, deuxièmement comme prophètes, troisièmement comme docteurs … Puis ce sont les miracles, puis le don de guérir, d’assister, de gouverner, les diversités de langage.

Il en est que Dieu a établis dans l’Église. Que l’Esprit Saint soit appelé Dieu, le fait même qu’il lui appartient de dispenser les dons de sanctification et le don des miracles, le révèle dans sa divinité. Car c’est Lui qui enrichit le discours des prophètes, qui administre les moyens de la guérison, multiplie les honneurs de ses charismes ; c’est sous son inspiration que les Apôtres l’ont célébré comme Dieu de l’univers, ont chanté les merveilles de ses miracles et le don des diverses langues.

Chapitre XII

Ceux qui sont devenus « temples » de l’Esprit Saint doivent s’appliquer à devenir meilleurs pour mériter de porter Dieu en leur corps.

L’apôtre Paul s’adresse aux Corinthiens en ces termes : Ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint-Esprit ? (1 Co 6, 19). Le temple de l’Esprit Saint est le temple de Dieu, un chapitre précédent de la même lettre nous le fait savoir clairement : Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? (1 Co3, 16) L’Esprit de Dieu, dit-il, habite en vous. Comment douter qu’ils ne soient le temple de Dieu, puisqu’ils en sont la demeure reconnue ? Et, après avoir dit : Ne savez-vous pas que votre corps est un temple de l’Esprit Saint ?, l’apôtre conclut ce chapitre par une parole éclatante de vérité : Glorifiez donc Dieu et portez-le dans votre corps (1 Co 6, 20).

Ainsi celui qui, par la chasteté et la mortification de la chair, s’applique à préparer en son cœur un temple de pureté pour y recevoir l’Esprit Saint, il porte Dieu en son corps. Il nous faut porter, corporellement, Celui qui nous possède, spirituellement. Puisque tu reconnais qu’il est digne d’avoir un temple, tu sais que nous devons lui rendre des honneurs divins, l’adorer, le célébrer par nos prières, lui rendre un culte par le sacrifice. C’est donc à l’Église universelle que le « Maître des Nations » s’adresse : Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit Saint habite en vous ? (1 Co 3, 16)

C’est un signe distinctif de sa majesté divine, chose impossible pour une créature, que de se répandre en chaque peuple, en chacun en particulier, tout en demeurant intact dans l’immensité de sa plénitude. Il est propre à sa Personne, à sa nature divine, je le dis, d’être partout, en tous lieux, de pénétrer toutes choses, de les contenir toutes. Il appartient à un Dieu, je le dis, de délivrer de leurs dettes les fils de perdition, de les renouveler après purification de leurs consciences, d’en faire des enfants de Dieu et de les exalter, dans la gloire du royaume céleste.

Sources :

Fauste de Riez, De l’Esprit Saint, introduction, traduction et annotation de Joseph Berthon, préface de Gaston Savornin, Association pour l’étude et la sauvegarde du patrimoine religieux de la Haute Provence, Digne 1999.

L’ouvrage est disponible à la Librairie La Procure à Paris.

Cet ouvrage a été mis en ligne avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

[1Symbole : marque convenue, signe.

[2Il s’agit du Concile de Nicée de 325 qui condamna Arius. Macédonius est venu plus tard mais son hérésie est en germe dans celle d’Arius.

[3Symbolique des nombres. L’Antiquité attachait à certains nombres des propriétés d’ordre qualitatif et moral. Saint Augustin, par exemple, dans son De Trinitate traite du symbolisme du nombre « six ». (Or, 318 est divisible par six, nombre « parfait »). (De Trinitate, la Trinité, livre IV, chapitre VI, 10. Institut d’Études Augustiniennes, 1997.)

[4« Quand Abraham apprit que son parent était emmené captif, il leva ses partisans, nés dans sa maison, au nombre de « Trois cent dix-huit ». Gn 14,14 … et il triompha de ses ennemis. Au Concile de Nicée il y aurait eu 318 évêques ! Rapprochement mystérieux, vérité religieuse cachée, exprimée par le mot mysterium

[5Saint Augustin distingue les trois constructions : Credere deum, croire que Dieu existe ; credere deo, croire à Dieu, à son autorité divine ; credere in deum, croire en Dieu, avec un mouvement de charité et de volonté vers Lui. Fauste de Riez reprend les mêmes distinctions en y ajoutant une note juridique. (« Je m’abandonne tout entier à son pouvoir, in jus). Lire la fine analyse de Christine MOHRMANN : Etudes sur le latin des chrétiens. T. 1. Roma, 1961. pp. 197-203.

[6Le contradicteur anonyme feint de penser que ces deux affirmations sont sur le même plan. Dans sa réponse Fauste va reprendre les distinctions : croire à, croire en, du chapitre précédent.

[7Canon signifie « règle » : décret des conciles, diverses prescriptions de l’Eglise. Deux sermons de Fauste, aujourd’hui reconnus comme étant de lui, nous donnent le « Symbole » tel qu’il était récité. La dernière phrase comporte : Credo in Spiritum Sanctum, sanctam ecclesiam catholicam, sanctorum communionem …. Il y a bien In devant Spiritum Sanctum mais pas devant les articles suivants. Le fait que « quelques uns, par ignorance, ajoutent cette préposition au mot suivant entraîne la confusion de sens que Fauste veut dissiper. - Voir GRIFFE, op. cit., tome 3, page 206.

[8Essences ou plutôt subsistances signifie « personnes », dans le langage de Fauste, par opposition à « substance » qui indique l’unité de nature de Dieu.

[9Arts libéraux : Sept arts qui depuis le 1er siècle avant Jésus Christ constituaient le programme des études primaires, secondaires, supérieures et qui se répartissaient en deux groupes : Le Trivium : grammaire, rhétorique, dialectique et le Quadrivium : géométrie, arithmétique, astronomie et musique.

[10« Catholiques » c.-à-d. « définitions acceptées par l’ensemble des Pères ».

[11Fauste emploie le mot « Essence » dans le sens de « Personne ».

[12Saint Augustin explique avec bonheur que l’Ascension du Christ en tant qu’homme était nécessaire pour l’affirmation de sa divinité. La Trinité, Livre I, chap. VIII, 18. op. cit.

[13« Eux-mêmes », « Eux - en personne », c’est à dire le Père, le Fils, l’Esprit Saint. Le pronom « ipse », « en soi », est commun aux trois Personnes.

[14Cette phrase revient en effet souvent dans les cinq premiers livres de la Loi.

[15Fauste se trompe dans l’attribution de la citation.

[16Fauste se trompe sur l’origine de cette citation.

[17« Vase d’élection ». « Déjà, le vieux récit de la création représentait Yahvé façonnant l’homme avec de la terre, à la manière d’un potier. L’image sera reprise par les prophètes et par Paul (Ro, 9,20-21) » (Bible de Jérusalem). Fauste de Riez, dans son traité sur la grâce de Dieu et le libre arbitre a consacré un chapitre, Livre I, chapitre XI, à ce sujet : « Contre l’opinion selon laquelle un vase d’infamie ne peut pas se rehausser pour devenir un vase d’honneur ». (Patrimoine religieux de la Haute Provence).

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