Théodore de Mopsueste : Explication du symbole de foi, sur le Saint Esprit (IX)

Neuvième homélie catéchétique
Lundi 23 mai 2005 — Dernier ajout mercredi 28 avril 2010

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Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste furent découvertes en 1932 dans un manuscrit syriaque. Elles sont au nombre de seize. Les dix premières commentent la profession de foi, les autres expliquent le Notre Père, la liturgie baptismale et l’eucharistie. L’homélie que nous publions appartient à la première série, elle traite de la question de la divinité du Saint Esprit.

Homélie 9. Et en un Esprit Saint : les circonstances qui ont amené à l’insertion de cet article (§ 1-2) ; la nature divine de l’Esprit marquée par l’invocation des Trois (§ 3-4), cause de tous les biens auxquels nous accédons par le baptême (§ 5-7). Nombreux sont les esprits (§ 8), comme nombreux sont les êtres, mais l’Esprit est seul à qui le nom soit strictement personnel, de même que l’ « être » est d’abord le nom de Dieu (§ 9-10) ; il est « saint », de la même nature éternelle que le Père et le Fils (§ 11-13) ; et c’est donc un blasphème d’avoir voulu le considérer comme un serviteur et une créature ; contre quoi les Pères de Nicée et de Constantinople définirent, en pleine harmonie avec les Écritures, qu’il est Dieu, de même que le Père et le Fils, unique comme eux, éternel comme eux, saint comme eux, parce que telle est la divinité incréée et cause de tout (§ 14-18).

1. Comment, en harmonie avec la tradition des Livres Saints, nos pères bienheureux nous ont instruits au sujet du Père et du Fils, sans négliger non plus l’économie de l’humanité de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, vous l’avez entendu par ce qui vous a été dit. Venons-en désormais à la suite de ce qui a (déjà) été dit : c’est maintenant l’article sur l’Esprit Saint, que, réunis de toutes parts en la ville de Nicée, en ce concile merveilleux, nos pères bienheureux émirent simplement, sans approfondir : Et au Saint Esprit.
Ils estimèrent que cela suffisait à l’auditoire de ce temps-là ; mais leurs successeurs, c’est un enseignement complet qu’ils nous transmirent sur l’Esprit Saint. En premier lieu, les évêques occidentaux se réunirent en concile, parce qu’ils ne pouvaient venir en Orient, à cause de la persécution (exercée) par les Ariens en cette région-ci ; plus tard, la grâce de Dieu ayant fait cesser la persécution, les évêques orientaux aussi accueillirent avec joie la doctrine transmise par ce concile d’Occident. Ils s’accordèrent avec leur manière de voir et par leurs souscriptions montrèrent leur communauté (de vues). Mais quant au complément qui fut ajouté dans la suite à leur enseignement sur l’Esprit Saint, si on y regarde soigneusement, on trouvera que la cause en fut fournie par ces bienheureux réunis de toute la création dans la ville de Nicée en ce premier concile.

2. Et pourquoi fut-ce imparfaitement que nos pères bienheureux nous transmirent tout ce qui plus tard fut dit de l’Esprit Saint ? La raison en est certaine et évidente ; c’est parce qu’en ce temps-là l’impie Arius, qui le premier inventa le blasphème contre le Fils de Dieu, eut l’impiété de dire que fut créé et fait de rien le Fils de Dieu, Dieu le Verbe : et, disent-ils, d’enseigner ainsi. À bon droit, nos pères bienheureux, pour cette raison se réunirent ensemble et firent le merveilleux concile. Car le moment leur donnait la liberté de se réunir, - l’ami de Dieu, le bienheureux roi Constantin, les y poussant, pour anéantir l’impiété des hérétiques et veiller à la foi de l’Église. C’est pourquoi, en leur enseignement sur le Fils, ils usèrent de formules précises et développées, pour confondre l’impiété d’Arius et établir la foi véritable de l’Église de Dieu. Mais pour l’Esprit Saint ils ne firent rien de tel ; parce qu’aucune question sur lui n’ayant jusque-là été soulevée par les hérétiques, ils furent d’avis que ceci suffit pour la profession parfaite de la foi véritable : qu’en harmonie avec la tradition de Notre Seigneur, on place le nom de l’Esprit dans l’enseignement et que l’on enseigne à tous qu’avec le Père et le Fils il faut aussi le nommer dans la confession et le Credo ; et qu’il n’est pas possible d’être « religieux » si, avec le Père et le Fils, on ne (le) nomme et confesse et (si) on ne croit à l’Esprit Saint. C’est à la vérité ce qu’enseigne leur formule et en l’Esprit Saint.

3. Car des gens qui n’avaient admis nulle autre des créatures, n’eussent pas pris soin de mettre dans leur Credo et leur profession de foi ; avec le Père et le Fils, l’Esprit Saint, s’ils n’avaient pas voulu distinguer dans cette profession de foi toutes les créatures d’avec la nature incréée. Et ainsi convenait-il qu’avec le Père et le Fils l’Esprit fût nommé et confessé, parce que lui aussi est de la nature incréée, qui existe de toute éternité et est cause de tout, et à qui seule toutes les créatures doivent l’adoration. Qu’il ne soit ainsi, la profession de notre foi en témoigne. Il convient en effet que l’on fasse profession de foi, non pas à une nature créée, mais à la nature divine incréée. Car ce n’est rien de nouveau que d’eux-mêmes nos pères bienheureux inventèrent et écrivirent, mais manifestement ils s’attachèrent à la tradition que Notre Seigneur transmit à ses disciples en leur disant : Allez, enseignez toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint (Mt 28, 19). Or, ceci est évident et manifeste, il fit de ses disciples les docteurs de toute la création et leur ordonna de détourner tous les hommes de l’erreur du polythéisme, à laquelle ils s’étaient attachés dès l’antiquité, attribuant aux créatures le nom de Dieu, et rendant un honneur aux natures à qui cet honneur ne convenait pas ; et de leur apprendre à offrir leur adoration en vérité à la nature divine, qui existe de toute éternité et est incréée et qui, elle, est cause de tout. Il ne leur eût donc pas ordonné d’écarter toutes les nations de l’erreur d’adorer ceux qui par nature ne sont pas Dieu, pour les amener à être disciples de quelqu’un qui n’eût pas été naturellement Dieu. Mais il leur ordonnait, à la place de ceux-ci qui recevaient le nom mensonger de dieux, d’enseigner qu’est Dieu la nature incréée qui de toute éternité existe et qui, elle, est cause de tout, à qui revient à juste titre le nom de Seigneur et Dieu parce que, naturellement, elle est Seigneur et Dieu. En cette foi consiste la connaissance religieuse, c’est elle qui est cause de tous les biens ; et c’est en cette dénomination que nous sommes baptisés et attendons, par le baptême, de participer aux biens divins, ineffables. Nous n’invoquerions pas, en effet, au baptême quelque chose qui ne serait pas cause de ces biens que nous devons recevoir ; mais nous nommons (le Saint Esprit) parce que nous sommes convaincus qu’il est capable de nous procurer les biens célestes qui ne passent pas, (biens) dans l’espérance desquels nous recevons le baptême.

4. De même, en effet, que quand (Pierre) dit : Au nom de Jésus de Nazareth, lève-toi et marche (Ac 3, 6), il indique que le Christ est cause de la guérison du paralytique ; ainsi du fait que (Jésus) ordonna : Baptisez au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, évidemment il indique que ces noms prononcés au baptême même sont cause de tous ces biens que nous comptons recevoir. Car dire Au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, ce n’est pas dire simplement, mais (affirmer) que de leurs noms mêmes, nous attendons la jouissance des biens à venir. Telle est cette parole du prophète : De Seigneur en dehors de toi, nous n’en connaissons pas d’autre ; c’est ton nom que nous invoquons (Is 27, 13), pour indiquer qu’ils ne connaissaient pas d’autre Seigneur et n’en nommaient nul autre que celui qui est en vérité Seigneur ; et encore : À cause de ton nom nous foulons aux pieds tous ceux qui nous haïssent (Ps 43, 6) ; et : En ton nom, notre corne s’est redressée (Ps 88, 25), pour indiquer qu’en le nommant, ils ont obtenu la force contre tous leurs ennemis ; et ailleurs : C’est le nom du Seigneur que j’invoquerai (Ps 115, 7), c’est-à-dire : j’ai cru que le Seigneur est pour moi, et pour moi il est cause de tous biens.

5. Et de même ici : Au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, il le dit pour que ses disciples apprennent de lui que, ce qu’attendaient toutes les nations, c’est cette invocation, cause de tous leurs biens, puisque le Seigneur est en vérité cette nature qui reçoit le nom de Père, Fils et Esprit Saint, auquel (nom) nous recevons le baptême, parce qu’il est capable de nous procurer les biens célestes que nous attendons, dans l’espoir desquels nous nous approchons de la grâce du baptême. Et de même qu’il nous ordonna de nommer le Père en notre instruction (catéchétique) et au baptême, parce qu’il est la nature divine, qui existe de (toute) éternité et est cause de tout, et qu’il peut nous accorder les biens promis au baptême, - ainsi ordonna-t-il de nommer aussi le Fils, parce qu’il est la (même) nature et peut nous donner ces mêmes biens. Il est évident que l’Esprit Saint aussi, c’est pour cela qu’il le nomme avec le Père et le Fils, parce qu’il est de la même nature, qui existe de toute éternité et est cause de tout, à qui seule en vérité convient le nom de Seigneur et de Dieu.

6. Certes, si dans cette profession (de foi) il a voulu nous transmettre (la connaissance) de la nature créée et incréée, il faut que nous sachions qu’il a omis une myriade de créatures sans nombre, c’est-à-dire tout. Mais nul qui ait l’esprit bien constitué ne pensera cela. Il est certain que c’est l’enseignement de la connaissance de Dieu que nous transmit Notre Seigneur, et les noms de la profession de foi qu’il nous enseigna sont ceux qui conviennent à la nature divine en laquelle il nous ordonna d’être baptisés, qui peut nous donner les biens à venir. Et c’est ainsi que nous avons reçu l’ordre de n’attendre d’aucun nom qu’il soit cause des biens à venir, si ce n’est de (celui) de la nature divine, qui existe de (toute) éternité et est cause de tout. Et il est évident qu’il n’eût pas nommé l’Esprit (Saint) avec le Père et le Fils s’ils n’étaient pas d’une unique nature, la nature divine qui existe de toute éternité et est cause de tout, elle à qui convient en vérité le nom de Seigneur et de Dieu, (elle), par la grâce de qui nous aussi avons part aux biens à venir. Cela encore, nos pères bienheureux le comprenaient ; c’est pourquoi ils dirent et au Saint Esprit, afin que par là aussi on sût qu’ils suivaient la tradition de Notre Seigneur ; et ils apprirent à tous, comme l’avait enseigné Notre Seigneur, à nommer, avec le Père et le Fils, l’Esprit Saint, qui est de la même nature divine que le Père, (nature) dont est aussi le Fils, (nature) en laquelle il nous faut croire et qu’il faut adorer, parce qu’elle est cause des biens à venir.

7. Mais ils laissèrent le mot en sa simplicité, sans approfondir parce que jusqu’alors aucune question n’avait été soulevée par les hérétiques au sujet de l’Esprit Saint. Et ils furent d’avis que l’addition de saint à la dénomination de Esprit, suffit, selon la tradition de Notre Seigneur, pour une instruction parfaite de ceux qui ont le culte de la vérité. Il suffit donc, pour des gens ayant bon vouloir, de ce que nos pères bienheureux dirent selon l’enseignement de notre Seigneur. Ce n’est pas eux, en effet, docteurs de la foi, enseignant quelle conception il faut avoir de la nature divine, - chose qu’ils enseignèrent clairement au sujet du Fils de Dieu, qu’il nous faut dire connaturel à son Père, - qui eussent ajouté à leur profession de foi elle-même une parole sur le Saint Esprit, s’ils n’avaient pas été convaincus que lui aussi est de la nature divine de Dieu le Père.

8. Mais il suffit aussi, pour démontrer la nature de l’Esprit Saint, du nom pris isolément, comme la divine Écriture nous l’enseigne ; car ce nom isolé ne lui aurait pas été attribué, s’il n’eût été de la nature divine. Nombreux sont ceux que les saints Livres désignent sous le nom d’esprits. Les anges aussi, en effet, sont ainsi nommés : De l’esprit il fit ses anges (Ps 103, 4) ; de même aussi notre âme : Son esprit sortit et retourna à la terre (Ps 145, 4) ; de l’air encore il en est ainsi : Il émit les esprits et les eaux coulèrent (Ps 147, 7). Et ainsi tout ce qui a une nature subtile, par comparaison avec ce qui se voit, dont il n’y a pas de perception exacte par les sens, et ce dont on ne sait sous quelle forme le définir, nous l’appelons esprit.

9. Bien qu’il y ait beaucoup (d’êtres) qui, dans l’usage commun, soient appelés de cette dénomination d’esprit, (néanmoins) selon l’enseignement que nous donne la divine Écriture, pris isolément, ce nom d’esprit désigne la nature divine, incorporelle et absolument sans limite ; et c’est elle à qui la divine Écriture rend témoignage qu’en vérité elle est Esprit et en porte le nom. C’est pourquoi, à la Samaritaine, - qui pensait que c’était en un lieu (déterminé) que l’on adore Dieu, et qui discutait avec les Juifs, si le lieu convenable à l’adoration était le Mont Garizim ou Jérusalem -, Notre Seigneur a dit : Dieu est Esprit, et ceux qui l’adorent c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer (Jn 4, 24) ; signifiant ceci : Tous, vous vous trompez certes en l’opinion où vous êtes que Dieu soit davantage en ce lieu-ci ou en un autre ; puisque Dieu est incorporel, il est sans limite et ne (peut-être) enfermé en un lieu : en tout lieu il est également. L’adoration digne et convenable, il la marque comme il faut : qu’on adore en croyant que Dieu est incorporel et infini et, avec une conscience pure, en l’honorant dans la foi qu’il n’est pas enfermé en un lieu circonscrit par des limites.

10. De même qu’il y a un grand nombre d’êtres qui portent ce nom d’ « être », tout ce qui a été créé de rien étant ainsi nomme parce qu’il « est » ; - quand, en effet, le bienheureux Moïse demanda à Dieu quel était son nom, celui-ci dit : Je suis celui qui est : et c’est là mon nom à jamais, et c’est là mon mémorial dans les siècles des siècles (Ex 3, 14-15), il a voulu dire, non pas que rien d’autre ne « soit », mais qu’à lui seul convient exactement ce nom d’ « Il est », parce qu’il ne fut pas à un moment inexistant et à un (autre) moment existant ; mais de (toute) éternité et en tout temps, il est et il est ; - ainsi beaucoup aussi sont dits « esprits », mais c’est à la nature divine que convient exactement ce nom d’esprit, elle qui en vérité est incorporelle et infinie.

11. Mais admettons que l’Écriture, en disant Esprit Saint, lui donne ce nom selon l’usage commun, elle jette les auditeurs en des perplexités ; - quand ils entendent (dire) « Esprit Saint », qui donc veut-elle dire, puisque par cette dénomination il est égal à tous ceux qui portent ce nom ? mais l’(entendant) dire Celui qui est, nous ne comprenons donc pas non plus de qui elle parle, puisque nombreux sont « ceux qui sont », et on ne sait pas si c’est un homme ou autre chose. Cette dénomination commune a (donc) besoin d’une addition, par quoi on sache qui est ainsi nommé. Mais Dieu ce n’est pas ainsi que nous le comprenons, ni en disant qu’ « il est », ni quand nous l’appelons « esprit ». Nous sommes en effet convaincus que si nous l’appelons « il est », nous signifions par là qu’en vérité lui seul « est » ; et si nous l’appelons « esprit », c’est qu’en vérité il est lui seul « esprit ».

12. Au sujet de l’Esprit Saint aussi, il faut donc nous demander : quand on dit Au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, de quel esprit le dit-on ? Mais il n’y a personne qui soit fou à ce point de croire que cette parole requière une enquête, car il est certain que c’est lui seul que la divine Écriture a l’habitude d’appeler exclusivement de cette dénomination et de nommer partout avec le Père et le Fils ; de la même manière, dans la tradition baptismale, c’est lui seul qu’elle nomme. Tandis que tous les esprits prennent un seul nom commun, à cause de l’usage commun, - parce qu’ils ont une nature subtile en comparaison de celles qui se voient, et qu’ils ne sont perçus d’aucune manière par les sens visibles -, ce nom d’esprit se dit à bon droit de la nature divine, parce qu’elle, en vérité, est esprit incorporel et infini. C’est ainsi en effet que nous avons appris qu’est la nature divine ; aussi est-ce de ce seul nom qu’est appelé et confessé l’Esprit Saint, avec le Père et le Fils, parce qu’il leur est associé en nature. Comme, en entendant dire aussi Père, bien qu’il y ait un grand nombre de pères, nous l’entendons cependant du seul Dieu (Très)-Grand qui de toute éternité existe en vérité ; et bien que beaucoup soient dits fils, nous cependant, nous tenons qu’unique est le Fils, lui qui, non pas par quelque transformation est devenu et serait Fils, à la manière de ces fils qui, parmi nous, par la transformation de la semence deviennent fils et en prennent le nom, - mais lui, en vérité, est seul fils (issu) du Père qui de (toute) éternité existe ; et lui (le Fils), de toute éternité, de lui et avec lui il est. De même aussi quand nous entendons (dire) Esprit Saint, nous ne pensons pas à l’un de ceux qui sont nommés esprits, mais à celui qui seul prote en vérité ce nom et est incorporel et infini, dont nous confessons qu’(il est) avec le Père et le Fils en une seule nature.

13. Et l’addition de « saint » a aussi la même signification que cet « esprit » ; car beaucoup aussi sont appelés saints, comme il est dit : Quand il viendra en la gloire de son Père et de ses anges saints (Lc 9, 26) et Saint est le tabernacle du Très-Haut (Ps 45, 5) ; et beaucoup d’êtres portent ce nom de sainteté, mais c’est en une manière commune de parler qu’ils sont appelés saints, parce qu’ils ont reçu de Dieu la sainteté. Mais ce qui est saint en vérité, c’est la nature divine : Saint es-tu, et redoutable ton nom (Ps 110, 9). Et les Séraphins aussi, en louant d’une louange qui convienne à la nature divine, disent : Saint, Saint, Saint est le Seigneur Tout-Puissant ; le ciel et la terre sont pleins de ses louanges (Is 6, 3). En vérité donc est saint, celui qui en sa nature ni ne change ni se transforme, et qui de nul autre n’a reçu la sainteté, mais peut seul donner la sainteté à ceux qu’il veut. Ainsi la divine Écriture appelle-t-elle Esprit Saint celui-là qui, seul avec le Père et le Fils, est nommé dans la profession de foi au baptême et à l’instruction catéchétique, parce que ce nom d’Esprit Saint, c’est à la nature divine qu’il convient, en vérité. Aussi quand nous entendons ce nom d’Esprit Saint, nous ne demandons pas : À qui donne-t-il ce nom ? mais nous sommes convaincus que c’est à celui-là seul qui est tel par sa nature et, comme il convient à sa nature, est nommé avec le Père et le Fils.

14. Unique est en effet la nature du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Par cela, il est aisé à ceux qui ont bon vouloir de comprendre que nos pères bienheureux enseignèrent avec suffisamment de clarté la nature de l’Esprit Saint, en le présentant avec le Père et le Fils, selon la tradition qu’en (fit) Notre Seigneur à ses disciples, quand il lui donna une dénomination convenant à la nature divine. Il a donc suffi (à nos pères) de mettre ce nom dans le Credo qu’ils enseignèrent, parce que cette dénomination à elle seule suffit pour indiquer la nature de celui dont elle se dit. Les choses étant ainsi, comme ceux qui inclinent au mal introduisirent leur effronterie, - certains appelèrent l’Esprit Saint serviteur et créature et d’autres s’abstenant de ces noms, ne purent se résoudre à le dire Dieu -, il devint nécessaire que ces docteurs de l’Église, réunis de toute la création et héritiers bienheureux des premiers pères, révélassent clairement devant tous l’intention de leurs pères, et dans leur enquête soigneuse, montrassent ce qu’était la vérité de leur foi, en expliquant aussi la pensée de leurs pères. Et ils nous écrivirent des paroles qui missent en garde les fidèles et anéantissent l’erreur des hérétiques. Et comme avaient fait leurs pères pour la profession de foi au Fils, en combattant l’impiété d’Arius, ainsi firent ceux-ci au sujet de l’Esprit Saint, en réfutant ceux qui le blasphèment.

15. Ils estimèrent aussi, en effet, que c’est une folie complète d’appeler créature et serviteur celui dont nous croyons que l’invocation de son nom au baptême nous libère du péché et de la corruption, et nous rénove, selon la tradition de Notre Seigneur, puisqu’il est impossible qu’un serviteur nous donne la liberté et une créature la rénovation. Et il leur parut que c’est un manque d’intelligence chez quelqu’un d’hésiter à appeler Dieu celui qui est ainsi. Celui, en effet, qui n’est ni créature ni serviteur, il est certain qu’il est Dieu. Car s’il est créature, il est aussi serviteur ; et, ni créature ni serviteur, il est Dieu en vérité. Celui-là donc au nom de qui nous attendons rénovation et libération, - quand il est invoqué par son nom avec le Père et le Fils, nous croyons qu’il nous donne libération et rénovation -, celui-là, l’appeler créature ou serviteur, est une chose grandement redoutable et un grave blasphème. Mais c’est un devoir strict pour nous de l’appeler Dieu, car il n’y a nulle autre nature qui puisse créer, renouveler ou libérer, si ce n’est seulement la nature divine, qui n’est ni créée ni faite, mais qui existe, cause de tout, et peut rénover ses œuvres comme elle veut, et est capable de nous donner la liberté selon son vouloir.

16. Ce fut donc bien, pour ces raisons et en cette considération, que nos pères bienheureux dans leur Credo proclamèrent qu’avec le Père et le Fils, l’Esprit Saint est nature divine ; et l’addition de brèves paroles confirma l’enseignement véridique de l’Église, - ce qu’il convenait d’expliquer à ceux qui s’avancent au saint baptême -, qui dit : « Et en un seul » Esprit Saint. Il n’y a aucune différence de sens entre ce que mirent nos pères (de Nicée) et le « en un seul » Esprit Saint. Car ceux-là mirent ce mot, convaincus qu’unique est l’Esprit Saint, qui porte ce nom, comme nous l’enseignèrent les divines Écritures ; mais on nous en expliqua clairement le sens par cet « et en un seul Esprit Saint », (en) se conformant à la règle des Écritures. De même qu’elles disent qu’unique est le Père, et unique le Fils, ainsi nous transmirent-elles aussi (qu’il y a) un seul Esprit Saint. C’est pourquoi le bienheureux Paul dit quelque part : Nous tous en un seul Esprit avons été baptisés pour former un seul corps (1 Co 12, 13). Et ailleurs : Il n’y a qu’un Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul corps, un seul Esprit et un seul Dieu, le Père, qui est au-dessus de tout et en tout et en nous tous (Éph 4, 5-6). Et encore : Car il y a des différences de dons, mais unique est l’Esprit ; et il y a des différences de ministères, mais unique est le Seigneur ; et il y a des différences de puissances, mais unique est Dieu qui opère tout en tous (1 Co 12, 4-6). Certes, ici il l’indique clairement : de même qu’unique est le Seigneur, parce que c’est lui qui est le Seigneur et qu’il n’y en a nul autre en dehors de lui ; (et) de même que c’est lui qui est Dieu, parce que unique est Dieu, et il n’y a nul Dieu en dehors de lui ; ainsi c’est lui qui est l’Esprit, et il n’y a nul autre esprit en dehors de lui. Créés, en effet, il y en a beaucoup d’(êtres), et différant de nature ; mais unique est la nature immuable et elle est cause de tout, et il n’y a rien qui soit créé et soit cause des autres êtres créés en dehors de cette nature-là ; et qui est de cette nature est en vérité incréée et cause de tout. Aussi le Père est-il unique, lui qui seul est en vérité Père et est la nature divine ; et unique est le Fils qui en vérité est fils de la même nature divine, qui est Dieu ; et unique est l’Esprit Saint, celui qui est le « seul Esprit Saint », dont les Saints Livres nous ont appris qu’il est ainsi appelé parce que lui aussi est de cette unique nature qui de (toute) éternité existe, est Dieu et, incréée, est cause de tout ; qui seule est Dieu et Seigneur en vérité parce qu’elle fit tout et a puissance sur tout. Lui, au sens propre est et porte le nom d’esprit, parce qu’il est, en vérité, incorporel et sans limite ; et c’est à lui que revient au sens propre la dénomination de sainteté, parce que seul il est naturellement saint et immuable et qu’il donne à qui il veut la sainteté et libère de l’inclination au mal : nulle créature en effet n’est sainte naturellement, mais elles peuvent recevoir la sainteté de celui qui fut cause de leur devenir.

17. C’est à juste titre que le bienheureux Paul recommandant aux Éphésiens au sujet de la concorde, d’être d’un seul cœur, mentionne cette nature divine qui les oblige à avoir une seule volonté. Il dit en effet : Efforcez-vous de garder l’unité de l’esprit dans les liens de la paix (Éph 4, 3), et de même que c’est d’un seul Esprit que vous avez été engendrés, pour être un par votre naissance, ainsi vous convient-il d’être liés et conjoints l’un à l’autre ; et construisant sur cette parole même : (Vous êtes), dit-il, un seul corps et un seul esprit, de même que vous avez été appelés à une seule espérance de votre vocation (Éph 4, 4). Car puisque c’est d’un seul Esprit que vous avez été engendrés, vous êtes devenus le corps unique du Christ, puisqu’en la tête l’homme assumé, par lequel nous avons familiarité avec cette nature divine, - nous qui attendons dans le monde à venir de recevoir association avec elle, parce que nous croyons que se transformera le corps de notre humilité et qu’il deviendra à la ressemblance de sa gloire (Phi 3, 21). C’est en l’espérance de ces (biens) que nous avons été appelés, et sommes nés du baptême, par la vertu de l’Esprit Saint, en sorte que, comme en figure et en gage de l’avenir nous avons reçu les prémices de l’Esprit Saint, ce qui nous a procuré la seconde naissance, et grâce à elle nous avons obtenu de devenir le seul corps du Christ.

18. Et le bienheureux Paul développant son discours dit encore : Unique est le Seigneur et unique la foi et unique le baptême et unique le corps et unique l’Esprit et unique Dieu le Père qui est au-dessus de tout et en tout et en nous tous (Éph 4, 5). Unique, dit-il, est l’Esprit dont vous avez été engendrés, de même que nous croyons qu’unique est le Seigneur et unique Dieu qui est notre Seigneur et notre créateur, et que la grâce du baptême nous a valu d’appeler Père. Or unique la foi et unique le baptême ; car bien que nous disions Père, Fils et Esprit Saint, cependant disons-nous unique la nature du Père et du Fils et de l’Esprit Saint, en qui nous avons été instruits à croire et qu’au baptême nous avons obtenu de nommer. Or il est évident qu’il n’appellerait pas « unique » la foi, s’il n’était pas convaincu qu’unique est la nature de ces noms du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, objet de notre catéchèse. Ni il dirait qu’unique est le baptême, unique est la vertu, unique la volonté et unique l’opération par quoi se parfait la grâce de la seconde naissance. Ainsi donc l’addition de « un » suffit à nous apprendre exactement la nature divine de l’Esprit Saint, parce qu’il est unique comme unique est le Père et unique le Fils, dont nous croyons que chacun est unique, parce que unique est la nature divine incréée et qui de (toute) éternité existe et est cause de tout. Tous les êtres créés, en effet, sont nombreux, on le sait évidemment, variés et différents en leur nature, parce qu’ils devinrent existants comme il a plu à leur auteur ; et ils sont obligés d’avoir leur regard entièrement sur cette nature incréée qui est cause de tout.
Quant à nous, ce que nous avons dit suffit ; gardons le reste pour un autre jour, si Notre Seigneur le permet. Et maintenant mettons fin à notre discours en faisant monter gloire à Dieu le Père et au Fils unique et à l’Esprit Saint, maintenant et en tout temps et dans les siècles des siècles. Amen et Amen.

Fin de la neuvième homélie.

Sources :
Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste, trad. Raymond Tonneau et Robert Devreesse, Biblioteca Apostolica Vaticana, Città del Vaticano, 1949, 1961, p. 213-245.

Avec l’aimable autorisation de A. M. Piazzoni, vice-préfet de la Biblioteca Apostolica Vaticana, pour une publication en ligne jusqu’au 31 décembre 2010.

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