Tertullien : De la prescription des hérétiques

Lundi 31 janvier 2005 — Dernier ajout jeudi 8 avril 2010

Confronté aux thèses de Marcion qui séparait le Dieu de l’ancien et du nouveau Testament, ainsi qu’à celles du gnostique Valentin qui interprétait les Écritures au gré de ses élucubrations, Tertullien († après 220) s’est rendu compte que la référence aux textes scripturaires demeurait insuffisante si l’on souhaitait vaincre les hérésies, aussi a-t-il recours au concept juridique de « prescription » pour vaincre les adversaires de l’Église.

Il ne peut y avoir d’hérésies sans les Écritures (De la prescription des hérétiques 39, 7). Ce sont en effet les Écritures qui sont source de division dans l’Église car tout le monde peut, dans l’absolu, interpréter le texte sacré à sa guise. Les hérétiques comme les orthodoxes se réfèrent aux Écritures, chacun les interprétant à sa manière. Pour quelqu’un de peu averti, toutes les interprétations peuvent se valoir : il n’y a a priori aucune raison de privilégier l’une ou l’autre lecture.

Tertullien a particulièrement bien repéré cette difficulté. Il en déduit qu’il faut se situer sur un autre plan si l’on veut dénoncer les hérésies de manière efficace. Le polémiste carthaginois va déplacer le débat en recourant au concept juridique de prescription. Celui-ci permettait à l’usager d’un terrain, d’opposer, dans certaines conditions, une fin de non-recevoir à quelqu’un qui prétendait être le propriétaire du dit terrain.

Tertullien déplace donc l’objet du litige en s’appuyant sur ce concept. La polémique se cristallise désormais autour de la question suivante : à qui les Écritures appartiennent-elles ? À l’Église, cela ne fait aucun doute pour Tertullien car la vérité a été donnée par le Christ aux apôtres qui l’ont transmise aux communautés qu’ils ont fondées. Appartiennent par conséquent à l’Église, tous ceux qui sont en accord avec la foi des apôtres.

Les hérésies sont quant à elles postérieures et récentes, elles n’ont pas été données par le Christ ni été transmises par les apôtres. Elles n’ont donc pas le droit de juger de l’interprétation des Écritures qui ne leur appartiennent pas. Les hérétiques sont ainsi disqualifiés car ils ne se situent pas dans la tradition de lecture des Écritures qui est celle de l’Église. Cliquez pour télécharger.

Source :

Pierre de Labriolle, Tertullien, De praescriptione haereticorum, Picard, Paris 1906.

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