Benoît XVI : Actualité de saint Basile

Dimanche 30 septembre 2007 — Dernier ajout vendredi 9 avril 2010

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Audience générale du 2 août 2007. Texte original italien dans l’Osservatore Romano du 3 août. Paru dans La Documentation Catholique n° 2387 du 07/10/2007, p. 820. (*)

Chers Frères et Sœurs,

Après ces trois semaines de pause, nous reprenons nos rencontres habituelles du mercredi. Aujourd’hui je voudrais tout simplement faire la liaison avec la dernière catéchèse dont le thème était la vie et les écrits de saint Basile, évêque en Asie Mineure, ce qui est maintenant la Turquie, au IVe siècle. La vie et les œuvres de ce grand saint abondent en sujets de réflexion et d’enseignement encore valables pour nous aujourd’hui.

En premier lieu, le recours au mystère de Dieu, qui reste la référence la plus significative et la plus vitale pour l’homme. Le Père est « le principe de tout et la cause de l’être de ce qui existe, la racine des vivants » (Hom. 15, 2 De Fide), et surtout « il est le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ » (Anaphore de S. Basile). Remontant à Dieu à travers ses créatures, nous « prenons conscience de sa bonté et de sa sagesse (Contre Eunome, 1, 14). Le Fils est « image de la bonté du Père, et son empreinte, toute égale à lui » (cf. Anaph.) Par son obéissance et sa passion, le Verbe incarné a accompli la mission de Rédempteur de l’homme (cf. In Psalmum 48, 8 ; aussi Du Baptême, 1, 2 ; S.C. 357, 158).

Ensuite, il parle amplement du Saint-Esprit, auquel il consacre un livre entier. Il nous dévoile comment l’Esprit anime l’Église, la remplit de ses dons, la sanctifie. La lumière resplendissante du mystère divin se reflète sur l’homme, image de Dieu, et exalte sa dignité. En regardant le Christ, on comprend pleinement la dignité de l’homme. Basile s’exclame : « Ô homme, mesure la grandeur qui est la tienne en considérant le prix payé pour toi : évalue le prix de ton rachat et comprends ta dignité ! » (In Psal., 48, 8). En particulier, le chrétien qui vit en conformité avec l’Évangile reconnaît que les hommes sont tous frères entre eux ; que la vie est une administration des biens reçus de Dieu, dont chacun est responsable vis-à-vis d’autrui ; et celui qui est riche doit être comme « un exécutant des ordres de Dieu-bienfaiteur » (Hom. 6 De l’avarice). Nous devons nous aider et coopérer comme les membres d’un corps (Lettres 203, 3).

Et il a également, à ce propos, employé dans ses homélies des termes forts et courageux. En effet, qui veut, selon le commandement de Dieu, aimer le prochain comme soi-même, ne doit rien posséder de plus que ce que possède le prochain (Hom. Des richesses ; Patr. gr. 31, 281b).

Aimer son prochain et communier

En un temps de famine et de calamités, le saint évêque exhortait les fidèles en des termes passionnés, à « ne pas se montrer plus cruel que les animaux (…) en s’appropriant ce qui est le bien commun, et en se réservant à soi seul ce qui est à tous » (Hom. En temps de famine ; Patr. gr. 31, 325a). La pensée profonde de Basile est bien exprimée dans cette phrase suggestive : « Tous ceux qui sont dans le besoin ont les yeux fixés sur nos mains, comme nous-mêmes avons les yeux fixés sur celles de Dieu quand nous sommes dans le besoin ». Il est par conséquent bien mérité cet éloge que faisait Grégoire de Nazianze disant, après la mort de Basile : « Basile nous convainc que nous, parce que nous sommes humains, ne devons pas mépriser les hommes, ni, par notre inhumanité à l’égard des hommes, outrager le Christ, chef commun de tous ; mais bien plutôt, dans les disgrâces qui atteignent le prochain, devons-nous répandre le bien et emprunter de Dieu notre miséricorde, parce que nous avons besoin de miséricorde » (Grégoire de Nazianze, Discours 43, 63). Paroles tout à fait actuelles. Nous voyons comment Basile est réellement l’un des Pères de la doctrine sociale de l’Église.

En outre, Basile nous rappelle que pour garder vivants notre amour de Dieu et notre amour des hommes, l’Eucharistie est nécessaire, nourriture tout indiquée pour les baptisés, et capable d’alimenter les nouvelles énergies découlant du baptême (cf. Du baptême, 1, 3 ; SC 357,192). Pouvoir participer à l’Eucharistie est cause de joie immense (Moralia, 21, 3), car elle fut instituée « pour garder sans cesse le souvenir de celui qui est mort et ressuscité pour nous » (id. 80, 22). L’Eucharistie, don immense de Dieu, conserve en chacun de nous le souvenir du sceau baptismal et permet de vivre en plénitude et avec fidélité la grâce du baptême. Pour cela le saint évêque recommande la communion fréquente, et même quotidienne : « Aller jusqu’à communier chaque jour, recevant par là les saints corps et sang du Christ, est chose bonne et utile, parce que lui-même dit clairement “ Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ” (Jn 6, 5). Qui donc alors douterait que communier continûment à la vie soit vivre en plénitude ? » (Lettres 93). En un mot, l’Eucharistie nous est indispensable pour accueillir en nous la véritable vie, la vie éternelle (cf. Moralia, 21, 1).

À l’image des abeilles

Enfin Basile s’est naturellement intéressé à cette portion choisie du Peuple de Dieu que sont les jeunes, avenir de la société. Il leur a adressé un discours sur la façon de tirer profit de la culture païenne du temps. Avec parfait équilibre et grande ouverture, il reconnaît que dans la littérature classique, grecque et latine, se trouvent des exemples de vertu. De tels exemples de vie droite peuvent être utiles au jeune chrétien en recherche de vérité, en recherche d’un mode vie droite (cf. Aux adolescents, 3). Il faut donc prendre dans les textes des auteurs classiques ce qui est adapté et conforme à la vérité : de la sorte, par un procédé critique et ouvert, puisqu’il s’agit en réalité d’un véritable et authentique « discernement », les jeunes peuvent croître dans la liberté. En une image célèbre, celle des abeilles qui ne recueillent sur les fleurs que ce qui sert pour le miel, Basile recommande : « Comme les abeilles savent produire le miel à partir de fleurs, à la différence des autres animaux qui se limitent à jouir de leur parfum et de leur couleur, il en est avec ces écrits (…) dont on peut tirer quelque bienfait pour l’esprit. Nous devons utiliser ces livres en suivant tout simplement l’exemple des abeilles. Elles ne se posent pas indistinctement sur toutes les fleurs, et elles ne cherchent pas non plus à tout emporter de celles sur lesquelles elles se posent, mais elles n’en tirent que ce qui sert à la fabrication du miel, et délaissent le reste. Quant à nous, si nous sommes sages, nous ne prendrons de ces écrits que ce qui nous est convenable et est conforme à la vérité, et nous laisserons le reste de côté (id. 4). Basile recommande par-dessus tout aux jeunes de croître en vertu, dans un mode de vie droit : « Alors que les autres biens (…) passent d’un côté à un autre, comme dans le jeu de dés, seule la vertu est un bien inaliénable qui demeure durant la vie et après la mort » (id. 5).

Chers Frères et Sœurs, il me semble que l’on peut dire que ce Père d’un temps lointain s’adresse encore à nous et qu’il nous dit des choses importantes. D’abord, cette participation attentive, critique et créative à la culture contemporaine. Puis, la responsabilité sociale : nous vivons les temps de la mondialisation par laquelle les peuples même géographiquement éloignés constituent réellement notre prochain ; d’où l’amitié avec le Christ, le Dieu à visage humain. Et, enfin, la connaissance du Dieu Créateur et la reconnaissance à son endroit, lui, Père de nous tous : ce n’est que si nous sommes ouverts à ce Dieu, Père commun, que nous pouvons construire un monde juste et fraternel.

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Traduction du Fr. Michel Taillé pour La Documentation Catholique.

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