Théodore de Mopsueste : Explication du symbole de foi (III)

Mardi 21 octobre 2008 — Dernier ajout mercredi 28 avril 2010

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Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste furent découvertes en 1932 dans un manuscrit syriaque. Elles sont au nombre de seize. Les dix premières commentent la profession de foi, les autres expliquent le Notre Père, la liturgie baptismale et l’eucharistie.

Homélie 3. Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu unique et premier-né de toute créature. Accord foncier de la profession baptismale à l’enseignement de saint Paul (1 Co 8, 4-6) qui relie la Trinité à l’Incarnation, les mots un seul Seigneur se rapportant à la nature divine, le nom de Jésus étant celui de l’homme, le nom de Christ rappelant l’onction qu’il reçut de l’Esprit Saint (§ 1-4) ; nature divine et nature humaine conjointes en une seule personne, le Seigneur Jésus-Christ (§ 5-6), premier-né de toute créature et Fils unique (§ 7-11), ce qu’ont nié Arius et Eunome (§ 12). Contre eux, les Pères de Nicée, fidèles à l’enseignement de l’Écriture, ont précisé que le Fils unique fut engendré de son Père avant tous les siècles et non fait ; il est le Verbe, éternel comme son Père, Dieu comme lui et avec lui (§ 13-15).

Troisième homélie sur la foi

1. De ce que doivent penser et dire de Dieu le Père ceux qui s’appliquent à la religion, vous en avez appris suffisamment, me semble-t-il, par ce qui vous a été dit. Mais venons-en à examiner aussi ce que dans (le symbole) même de foi, ont dit du Fils nos pères bienheureux [1] : « Et un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu unique et premier-né de toutes les créatures ». Il fallait à la suite, après l’enseignement sur le Père, que sur le Fils aussi ils (nous) instruisissent selon la tradition de Notre-Seigneur, en gardant l’ordre et la succession de leurs paroles. Et de même que pour le Père, ils ne dirent pas simplement « père », selon l’enseignement de Notre-Seigneur, mais ajoutèrent que « unique est Dieu le Père, auteur de toute chose » - et en premier lieu ils placèrent le nom de Dieu dans la profession de foi, disant qu’il est unique, pour anéantir l’erreur du polythéisme, et ensuite ils dirent qu’ « il est Père et auteur de toute chose » -, ainsi firent-ils aussi envers le Fils : « en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu unique et premier-né de toutes les créatures », étant en accord manifeste avec la prédication du bienheureux Paul qui, enseignant contre les images et les idoles, pour réfuter l’erreur du polythéisme dit : Il n’y a pas de Dieu sinon l’Unique (1 Co 8, 4).

2. Sachant que parmi nous on enseigne à professer (la foi) au Père et au Fils et à l’Esprit Saint, il prit soin de nous faire clairement savoir que la formule de la confession des hypostases ne porte nul préjudice à notre religion, ni ne nous entraîne à l’erreur du polythéisme. Puisque nous savons qu’unique est la nature divine du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, (saint Paul), voulant nous enseigner brièvement cette foi, dit : Pour nous, unique est Dieu le Père, de qui est toute chose (ib. 6). Et, ayant dit qu’unique est Dieu le Père, il anéantit toute l’erreur du polythéisme et fit savoir que parmi nous se prêche une seule nature divine. Mais ayant ajouté la personne du Père, il nous révéla aussi le Fils. Il dit en effet après ceci : Unique est le Seigneur Jésus-Christ, par qui est toute chose (ib.), afin de nous apprendre à la fois le Père, le Fils et l’Esprit Saint, incluant aussi dans sa phrase l’incarnation de Notre-Seigneur, qui se fit pour notre salut : par elle, la nature divine nous devint sauveur. Donc (en disant) unique, le Seigneur, par qui est toute chose, (il) nous fait connaître Dieu le Verbe, qui est Fils véritable, connaturel à son Père, et qu’à bon droit il nomme Seigneur, pour nous faire comprendre qu’il est de la nature divine de Dieu le Père. Le Père, en effet, n’est pas dit « un seul Dieu », comme si le Fils n’était pas Dieu, ni le Fils n’est dit « Seigneur unique », comme si le Père n’était pas Seigneur lui-même. Il est certain en effet et évident (que) qui est Dieu en vérité est aussi Seigneur en vérité ; et qui est Seigneur en vérité est aussi Dieu en vérité. Et qui n’est pas Dieu en vérité n’est pas non plus Seigneur en vérité, car le Seigneur ton Dieu est seul Seigneur (Dt 6, 4), puisque lui seul existe en vérité : qui a les deux choses en vérité, c’est lui seul qui en vérité est dit Seigneur et Dieu et il n’est rien d’autre, hors cette nature, qui soit appelé en vérité Seigneur et Dieu.

3. Celui donc qui dit « un seul Dieu », indique aussi qu’unique est le Seigneur ; et celui qui dit qu’unique est le Seigneur, confesse aussi qu’unique est Dieu. Voici pourquoi, plus haut, (saint Paul) dit qu’unique est Dieu et, après cela, qu’unique est le Seigneur, pour distinguer les hypostases ; de chacune d’elles il affirme qu’elle est unique, afin que les deux hypostases soient connues comme étant une seule nature divine, et celle-ci est en vérité Seigneur et Dieu. 4. De plus, afin d’inclure dans leur discours la nature humaine assumée pour notre salut, ils dirent : « Un seul Seigneur Jésus-Christ » parce que c’est le nom même de l’homme dont Dieu se revêtit, selon la parole de l’ange : elle enfantera un Fils et il sera appelé du nom de Jésus (Lc 1, 31). Mais ils ajoutèrent aussi : « Christ », afin de faire connaître l’Esprit Saint : Jésus le Nazaréen, que Dieu oignit de l’Esprit Saint et de force (Ac 10, 38). Et il est Dieu à cause de la conjonction exacte avec cette nature divine, qui en vérité est Dieu. C’est de cette même manière que nos pères bienheureux, réunis en cet admirable synode de l’Église catholique, imitant Paul, parlèrent en premier lieu de la nature divine, y joignant une parole qui indique la forme humaine qu’il prit : « et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu Unique, premier-né de toutes les créatures ». C’est ainsi en effet qu’ils voulurent instruire les hommes, faisant connaître la nature divine du Fils, (en même temps) qu’était confessée aussi son humanité, en qui la nature divine est connue et proclamée, comme dit le bienheureux Paul : Dieu a été vu dans la chair (1 Tim 3, 16), et encore l’évangéliste Jean : Le Verbe devint corps et habita parmi nous et nous avons vu sa gloire, comme la gloire du Fils Unique, issu du Père, plein de grâce et de vérité (Jn 1, 14). Nos pères pensèrent donc à bon droit qu’il ne leur fallait pas négliger la doctrine de l’humanité de Notre-Seigneur, qui possède une association ineffable avec la nature divine.

5. « Et en un seul Seigneur Jésus-Christ ». Nous confessons, disent-ils, qu’il y a un seul Seigneur, qui est de la nature divine, à qui en vérité convient ce nom de Seigneur et de Dieu. Nous faisant connaître Dieu le Verbe, ils disent : « par qui tout a été fait », comme l’évangéliste dit : par lui tout a été fait et sans lui rien n’a été fait (Jn 1, 3). C’est celui-ci, disent-ils, que nous tenons pour seul Seigneur, qui est de la nature divine de Dieu le Père, - laquelle pour notre salut se revêtit d’un homme, habita en lui et fut manifestée par lui et connue de tous les hommes -, parce qu’il est cet homme dont l’ange dit qu’il serait appelé Jésus. Et il fut oint de l’Esprit-Saint, par qui il fut parfait et justifié, au témoignage du bienheureux Paul.

6. Ayant donc dit ceci et fait connaître la nature divine et la nature humaine, dont Dieu se revêtit, (nos pères) ajoutèrent ceci « Fils Unique, premier-né de toutes les créatures ». En deux mots, ils nous apprirent les deux natures ; par la distinction des noms, ils nous enseignèrent la distinction des natures. Ceux qui de l’unique personne du Fils dirent ces deux choses, nous apprirent la conjonction exacte des deux natures. Or ce ne fut pas d’eux-mêmes qu’ils utilisèrent ces termes, mais de l’enseignement des Livres Saints, car le bienheureux Paul dit : C’est d’eux (les Juifs) qu’est issu le Christ selon la chair, Dieu au-dessus de tout (Ro 9, 5). Ce n’est pas que celui-là, qui est (issu) de la maison de David selon la chair, soit naturellement Dieu, mais il dit selon la chair pour indiquer la nature humaine assumée ; tandis que Dieu au-dessus de tout, c’est pour nous enseigner la nature divine plus élevée que tout, qui est le Seigneur.

7. Mais c’est à la fois que ces deux (termes) furent dits de l’unique personne, afin d’enseigner la conjonction exacte des deux natures, et pour faire connaître la grandeur et la dignité qu’eut l’homme assumé dont Dieu se revêtit. De cette même manière aussi, dirent-ils « Fils Unique, premier-né de toutes les créatures ». En effet, puisqu’ils devaient, au sujet des deux natures, nous enseigner comment elles existent, et ce qu’est la nature divine qui s’abaissa et ce qu’est la nature humaine assumée, à la fois ils dirent d’abord ces deux noms, par quoi ils indiquaient les deux natures. Il est évident, en effet, que ce n’est pas une seule nature qu’ils appellent « Unique et premier-né de toutes les créatures », puisqu’on ne peut dire ces deux choses d’une seule nature. Il y a, en effet, beaucoup de différence entre un (Fils) Unique et un premier-né, et il est impossible que le même soit unique et premier-né : car premier-né se dit de frères nombreux, mais unique est celui qui n’a pas de frère. Il y a autant de différence entre Fils Unique et premier-né, que diffère la nature qui est seule d’avec celle qui est commune à beaucoup. On appelle « unique » celui qui n’a absolument pas d’autres frères, mais « premier-né », évidemment, celui qui a d’autres frères.

8. Et c’est cela exactement que nous enseigne l’Écriture divine, car voulant parler du (Fils) Unique, Nous avons vu, dit-elle, sa gloire comme la gloire d’un Fils Unique issu du Père, plein de grâce et de vérité (Jn 1, 14). Et encore, elle dit : Le Fils Unique, celui qui est dans le sein de son Père (ib. 18), afin que ce soit par sa conjonction avec son Père que soit connu l’Unique ; nous avons vu sa gloire comme la gloire d’un Fils Unique issu du Père, pour indiquer que c’est lui seul qui existe par génération de la nature du Père, et c’est lui seul le Fils. Et encore par ce mot « sein » elle enseigne la conjonction de (toute) éternité inséparable. Car de l’entendre d’un sein corporel en Dieu, ce serait une honte ; mais de même que (l’Écriture) appelle la vision œil, et l’ouïe oreille, ainsi (appelle-t-elle) sein la conjonction éternellement inséparable - comme ce mot paie à nos voisins sept pour un en leur sein (Ps 78, 12), c’est-à-dire : continuellement et toujours, qu’ils reçoivent un châtiment. Tel est donc le sens de ce qui a été dit « le Fils unique » : celui-là qui seul est par génération du Père et est seul Fils, et toujours avec son Père existe et est connu avec lui, parce qu’en vérité c’est lui le Fils (issu) de son Père.

9. Mais quant à ce (terme) « premier-né de toutes les créatures », ainsi le comprenons-nous, comme cette parole : ceux qu’il a connus d’avance il les a élus et les a marqués à la ressemblance de l’image de son Fils, afin qu’il devînt le premier-né parmi de nombreux frères (Ro 8, 29). Et il a employé ce nom de « premier-né », non pas pour nous apprendre qu’il est seul Fils, mais afin de nous faire comprendre qu’il a de nombreux frères. Car nombreux, on le sait, sont ceux qui ont avec lui participation à l’adoption filiale ; et à cause d’eux il reçoit le nom de premier-né, puisque ce sont ses frères.
De même aussi ailleurs, premier-né de toutes les créatures (Col 1, 15) ; et ceci est dit de l’incarnation du Christ. Ce n’est pas en effet « premier-né » simplement qu’il le dit, mais de toutes les créatures ; or on ne dit pas (quelqu’un) « premier-né », s’il n’a pas d’autres frères, à cause desquels il est appelé et est premier-né. De même aussi est-il dit premier-né de toutes les créatures, parce que, lui d’abord, par la résurrection d’entre les morts, fut renouvelé et transformé en une vie nouvelle merveilleuse ; et qu’aussi il a renouvelé toutes les créatures et les a amenées à un autre catastase excellente. Car, est-il dit, toute chose qui est dans le Christ est une créature nouvelle ; les choses anciennes sont passées et tout est renouvelé en Notre-Seigneur Jésus-Christ (2 Co 5, 17). (Il est) donc premier-né de toutes les créatures, parce que la création a été renouvelée et transformée en ce renouvellement que, dans la grâce, il lui donna ; (cela) par le renouvellement que lui-même d’abord reçut (quand) il passa à une vie nouvelle et fut élevé au-dessus de toutes les créatures. C’est donc à bon droit qu’il fut appelé premier-né de toutes les créatures, parce que lui-même, en premier lieu, a été renouvelé et ensuite renouvela les créatures, étant lui-même plus élevé que toutes en honneur.

10. La différence donc entre les deux noms voici comme nous la comprenons : cette différence c’est comme d’une seule personne que l’entendirent nos pères, instruits par les Livres Saints, et ils dirent : « en un seul Fils Unique, premier-né de toutes les créatures », pour nous apprendre, comme je l’ai déjà dit, la conjonction exacte des deux natures. Donc, à bon droit, dirent-ils d’abord « unique » et ensuite « premier-né », parce qu’il convenait que d’abord ils nous indiquassent qui est celui-là qui est en la forme de Dieu et par sa miséricorde assuma (l’un) de notre nature, et qu’ensuite ils nous parlassent de la forme d’esclave assumée pour notre salut. Ainsi nous firent-ils connaître, par la différence des noms employés, les deux natures et leurs différences, et qu’unique est le Fils à cause de la conjonction exacte des natures opérée par la volonté divine. Gardant l’ordre qui s’impose, ils instruisent d’abord sur la nature divine, qui par miséricorde s’est abaissée vers nous et se revêtit d’un homme, et ensuite sur l’humanité même assumée par grâce ; et enfin - comme enseignement ferme pour confondre les hérétiques qui s’efforcèrent de s’opposer à la vérité -, ils se remirent, dans leur enseignement, à parler de la nature divine dont ils avaient dit au commencement du symbole de foi « qui a été engendré du Père avant tous les siècles et n’a pas été fait ».

11. C’est évidemment de la nature divine qu’ils dirent ceci ; bien que, pour des gens qui ne disputent pas, le nom d’Unique eût suffi à leur enseigner une connaissance exacte du Fils ; car s’il est unique, il est certain que seul il est par génération (issu) du Père et seul il est Fils, de la (même) nature que son Père. C’est tout cela, en effet, qu’indique le nom de Fils Unique et d’autant plus que beaucoup sont appelés fils de Dieu, tandis que celui-ci (est) seul le (Fils) Unique, (comme il est écrit) : J’ai dit, vous êtes des dieux et, tous, les fils du Très-Haut (Ps 81, 6), et encore : J’ai nourri des fils et les ai élevés (Is, 1, 2). Or, puisque nombreux (sont) ceux qui reçoivent le nom de fils, celui-ci n’eût pas été appelé Fils Unique s’il n’y eût eu beaucoup de différence entre eux. Ceux-là sont appelés fils par grâce, parce qu’ils sont devenus proches et familiers, et, à cause de leur familiarité, ils obtiennent par grâce la faveur de porter ce nom ; tandis que celui-ci, voici pourquoi il est appelé (Fils) Unique : parce que lui seul est Fils, de la nature de son Père. Ce ne fut pas, comme les autres, par grâce qu’il mérita l’adoption filiale et reçut pour cela le nom de Fils ; mais parce qu’il est engendré de la nature même, il est appelé et est Fils. Et, bien que cela soit connu et révélé dans l’Écriture Sainte, et que pour tout le monde il soit évident que (nul) ne peut être appelé Fils Unique, si ce n’est celui qui seul est en vérité Fils, de la nature de son Père, (cependant) l’opinion mauvaise et obstinée des hérétiques demeure incorrigible.

12. Arius, en effet, de tous ceux qui reçurent connaissance du Christ, fut le premier qui eut l’audace impie de dire que le fils est œuvre (de Dieu) et fait de rien, chose nouvelle et étrangère à la manière générale de voir et aux lois de la nature. Car ce qui est fait n’est pas Fils, et qui est Fils n’est pas créature : car il n’est pas possible qu’une œuvre soit appelée Fils véritable, ni non plus que le Fils véritable soit nommé œuvre. A cause de cela donc, nos Pères bienheureux furent contraints de se réunir de toutes parts, et firent un synode saint en la ville de Nicée dans la région de Bithynie ; et ils ont écrit ce symbole de foi pour préserver l’enseignement de la vérité, réprimer l’impiété d’Arius, réfuter ceux qui surgirent ensuite avec le nom de leur séducteur, Eunomius, et pour anéantir les hérésies constituées d’opinions mauvaises.

13. Bien que ce fut certain et évident pour tout le monde, de par la loi naturelle, le consentement général et l’enseignement des Livres Saints, ils ajoutèrent aussi ces mots : « qui fut engendré et non fait ». Ils proposèrent en effet des paroles qui convinssent à la confession du Fils ; car, disent-ils, nous disons Fils, - non pas d’une façon commune ni pour qui c’est un nom d’emprunt, comme pour ceux qui par grâce reçoivent le nom de fils à cause de leur familiarité -, mais Fils véritable, lui seul. Fils véritable, il l’est parce qu’il est l’Unique et engendré de son Père et (issu) de Lui. C’est de sa nature et en vérité qu’il est engendré et existe de toute éternité, semblable à Lui. Il n’y a en effet nul des (êtres) créés qui soit avant les siècles, mais antérieur aux siècles il l’est, celui qui seul existe de toute éternité ; et de même qu’existe de toute éternité le Père, ainsi le Fils aussi (issu) de Lui existe de toute éternité. Et ce ne fut pas après un (certain) temps qu’il devint, ni ce ne fut plus tard qu’il a été engendré ; mais de toute éternité, avant tous les siècles, il a été engendré de Celui qui de toute éternité est, et avec Lui de toute éternité il est. Comme dit l’évangéliste : Au commencement était le Verbe (Jn 1, 1). Lui il est, de toute éternité, et ce ne fut pas dans la suite qu’il devint, mais avant toute chose, au commencement, il était.
Celui en effet qui est devenu après un temps est ultérieur ; or l’ultérieur n’est pas premier, et qui n’est pas premier n’est pas au commencement. Mais si au commencement il est, il est aussi premier, car il n’y a rien d’antérieur au commencement. Mais s’il est premier, il n’est pas postérieur ; et s’il n’est pas postérieur, ce n’est pas ensuite qu’il est devenu. Au commencement donc il était, mais il était au commencement (issu) de Dieu, c’est-à-dire que de toute éternité il était, avant tous les siècles, avec Dieu.

14. Et pour indiquer qu’il était Dieu - non pas du dehors, en étranger -, mais de la nature même de l’Ousie, il le nomma Verbe, parce que le verbe appartient à quelqu’un et (vient) de quelqu’un. Le bienheureux évangéliste enseigne aussi par sa comparaison ceci : il n’est possible qu’ (issu) d’un autre on existe, qu’on soit avec celui dont (issu) on existe ; en sorte que les auditeurs ne doutent pas que le Fils existe de toute éternité, (issu) éternellement de Celui qui de (toute) éternité existe, puisqu’aussi le verbe de l’âme, dont le caractère raisonnable acquiert en lui sa perfection, existe naturellement en elle et (qu’) en elle il existe. Que l’âme soit raisonnable, c’est par lui (son verbe) que cela se sait, et il procède de l’âme, d’elle et en elle il paraît, et toujours avec elle il existe, et en elle il est connu. C’est ainsi que le Fils aussi existe (issu) du Père, à la ressemblance du verbe de l’âme, puisque de toute éternité il existe (issu) de lui et près de lui ; en lui il est, et de toute éternité avec lui il est connu. Donc au commencement il était, c’est-à-dire : de toute éternité il était et de toute antiquité il était, et dès avant toute chose il était ; ce n’est pas comme si après un temps il fût devenu, mais dès le commencement il était et en tout temps il était ; et (issu) de lui de (toute) éternité, il était ; et avec Lui de (toute) éternité il était, à la ressemblance du verbe en l’âme, qui toujours existe (issu) d’elle et avec elle. Et parce que le verbe (issu) de l’âme paraît être quelque chose d’autre qu’elle, tandis qu’il est l’hypostase de l’âme - car il n’a pas lui-même d’hypostase, c’est en l’âme qu’il se voit -, de peur que, suivant cette comparaison, nous ne nous imaginions que le Fils aussi est sans hypostase ou étranger à la nature du Père, brièvement l’(évangéliste) ajouta que le Verbe était Dieu (Jn 1, 1). Après avoir dit en effet qu’il était et qu’il était auprès de Dieu, il dit enfin Et le Verbe était Dieu, afin de nous faire clairement comprendre qu’il n’est pas quelque chose d’autre en cette nature, en dehors d’elle, ni ne lui est étranger en ousie ; mais que lui aussi (le Verbe) est cela même qu’est celui dont il est (issu) et que, Dieu, il existe auprès de celui qui est Dieu.

15. Admirablement donc, l’(évangéliste) nous dit que le Verbe était Dieu, pour indiquer que lui aussi est cela même qu’est celui dont nos pères bienheureux affirmèrent à bon droit « il fut engendré avant tous les siècles », voulant faire savoir ceci : que de toute éternité, avant tous les siècles (issu) de Lui, dès le commencement, il existait et avec lui existait. Mais leur discours ne s’en tint pas là ; pour enseigner parfaitement la vérité, préserver les fidèles et repousser l’erreur des hérétiques, ils ajoutèrent aussi ceci : « il ne fut pas fait ». Mais beaucoup de paroles nous seraient nécessaires si nous voulions expliquer parfaitement tout ce que nos bienheureux pères dirent de la divinité du (Fils) Unique. Mais de peur que ce que nous disons abondamment, ne vous soit pesant, nous vous l’exposerons peu à peu, comme il faut, afin que vous puissiez l’entendre et l’apprendre. Ici donc mettons un terme, si vous voulez (bien), à ce qui a été dit aujourd’hui ; nous garderons pour un autre jour la suite de ce qui a été dit ; mais sur tout cela faisons monter la louange à Dieu le Père, au Fils Unique et à l’Esprit Saint, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Sources :

Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste, trad. Raymond Tonneau et Robert Devreesse, Biblioteca Apostolica Vaticana, Città del Vaticano, 1949, 1961, p. 53-77.

Avec l’aimable autorisation de A. M. Piazzoni, vice-préfet de la Biblioteca Apostolica Vaticana, pour une publication en ligne jusqu’au 31 décembre 2010.

[1Il s’agit des évêques conciliaires qui ont participé au concile de Nicée en 325.

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