Théodore de Mopsueste : Explication du symbole de foi (VI)

Vendredi 17 juillet 2009 — Dernier ajout mercredi 28 avril 2010

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Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste furent découvertes en 1932 dans un manuscrit syriaque. Elles sont au nombre de seize. Les dix premières commentent la profession de foi, les autres expliquent le Notre Père, la liturgie baptismale et l’eucharistie.

Homélie 6. La carrière humaine du Christ, né de la Vierge Marie, crucifié au temps de Ponce-Pilate  ; commencement et fin de l’économie réalisée en notre faveur (§ 1-2). À une seule personne, à un seul Fils, sont rapportés les termes et opérations qui caractérisent l’un et l’autre des deux natures (§ 3), tant par saint Paul (§ 4-6), que par la profession de foi baptismale (§ 7). Le Christ se soumet aux conditions de la loi des hommes, depuis sa naissance jusqu’à sa mort (§ 8-9) ; à cause de la communauté de nature, il a mérité pour tout le genre humain (§ 10) ; premier en toute chose et notre modèle (§ 11), il nous a associés par sa résurrection au renouveau futur (§ 12), préfiguré par le baptême (§ 13), garanti par la promesse de l’Esprit Saint (§ 14-15).

Sixième homélie sur la foi

1. Comment de l’humanité de Notre Seigneur parlèrent nos pères bienheureux dans le symbole de foi qu’ils écrivirent et nous transmirent ensuite selon l’intention des Écritures, nous l’avons expliqué à Votre Charité dans ce qui a (déjà) été dit, et nous avons été contraints d’user de beaucoup de paroles pour que vous compreniez parfaitement tout le sens de leur discours. Il eût été possible de dire davantage pour établir la vérité et rejeter les paroles artificieuses des hérétiques ; cependant la mesure de ce qui a été dit, à vous qui avez une bonne volonté de piété, nous suffit. Car pour une conscience rebelle, dirait-on même une multitude de paroles elles ne seraient d’aucun profit, tandis que pour une bonne volonté, des paroles même brèves suffisent à démontrer la vérité, quand c’est du témoignage des Livres Saints qu’on les tire. Donc, abordons aujourd’hui encore, avec le secours de la grâce divine, la suite de ce qui a été dit.Après avoir dit : « qui, à cause de nous, hommes, et à cause de notre salut, est descendu du ciel et s’est incarné et devint homme », nos pères ajoutèrent : « qui est né de la Vierge Marie et a été crucifié au temps de Ponce Pilate ». Ils auraient pu dire beaucoup de chose qu’il fit entre temps — ainsi qu’il fut enveloppé de langes et posé dans une crèche (Lc 2, 7), et qu’il fut soumis à la Loi (Ga 4, 4), et qu’il se présenta au baptême (Mt 3, 3), et qu’il donna l’exemple de la vie évangélique et maintes choses de cette (sorte) —, s’ils avaient voulu raconter tout ce que les Livres Saints nous apprennent de Lui.

2. Et cela, il le fit pour notre salut : car même la loi de la nature, il la garda pour nous exactement, parce qu’il devait rectifier notre nature ; et la loi de Moïse il l’observa parfaitement aussi, afin d’acquitter pour nous la dette envers le législateur ; et il se présenta au baptême ; et de la vie évangélique il donna en lui-même à tous un exemple parfait exactement ; et après tout cela il se présenta à la crucifixion et à la mort, afin d’anéantir l’ultime ennemi, qui est la mort (1 Co 15, 26) et de montrer clairement la vie nouvelle et immortelle. Mais nos pères eurent soin de dire brièvement toutes choses, afin qu’elles soient simples à apprendre pour les auditeurs. Nous apprenons parfaitement chacune d’elles dans les Saints Livres ; mais eux-mêmes, c’est en de brèves paroles qu’ils écrivirent et composèrent le (symbole) de foi. Aussi dirent-ils : « Celui qui est né de la Vierge Marie et fut crucifié au temps de Ponce Pilate ». Ils dirent le commencement et la fin de l’économie (réalisée) en notre faveur, car le commencement de toute la grâce fut sa naissance de Marie, et le terme, la crucifixion — car ils appellent croix, la passion et tout ce qui fut fait en la passion ; et tout fut inclus sous un seul nom, parce que, par la croix vint la mort, puis de la mort vint la vie immortelle ; comme dit aussi le bienheureux Paul : la doctrine de la croix, pour les incroyants est folie, mais pour nous, sauvés, elle est force de Dieu (1 Co 1, 18). Et il dit encore : Certes il a été crucifié en la faiblesse, mais il est vivant par la puissance de Dieu (2 Co 13, 4). Il nous apprit que la doctrine de la croix est une puissance de Dieu pour ceux qui vivent, parce que par elle il abolit la mort et donna l’exemple de la vie nouvelle.

3. (S’en tenant) donc au commencement et à la fin, c’est tout ce qui fut fait entre temps que, dans la brièveté du symbole, nous transmirent nos pères bienheureux pour l’instruction de ceux qui veulent apprendre la vérité. Il est certain que ce ne fut pas la nature divine du (Fils) Unique qu’ils pensent être née d’une femme, comme si de là elle eût eu (son) commencement ; car elle — dont ils dirent « qui a été engendrée de son Père avant tous les siècles et qui de toute éternité, (issue) de lui et avec lui existe » —, elle n’eut pas de Marie son commencement. Mais ils suivirent les Livres Saints qui parlent différemment des natures, enseignant une seule personne à cause de la conjonction exacte qui eut lieu (et) de peur qu’on ne s’imagine qu’ils divisent l’association parfaite qu’eut ce qui fut assumé avec ce qui assuma. Car si cette conjonction s’abolit, ce qui fut assumé ne paraît plus rien d’autre qu’un simple homme comme nous. C’est pourquoi les Livres Saints proclament comme d’un seul Fils les deux termes, afin de faire connaître, dans la profession (de foi) même, la gloire du (Fils) Unique et aussi l’honneur de l’homme dont il se revêtit.

4. Le bienheureux Paul, en effet, après avoir dit « les Juifs, de qui est le Christ », ajouta « selon la chair » (Ro 9, 5), afin de distinguer les natures. Et il nous fait savoir que le Christ (issu) des Juifs selon la chair, il ne pense pas que ce soit la nature de la divinité du Monogène, ni que ce soit Dieu le Verbe à qui il donne ce nom — lui qui au commencement était en Dieu et qui de toute éternité était dans le sein du Père (Jn 1, 18) —, mais c’est à la forme d’homme qu’il assuma. Or, de peur que par ce nom et par cette addition — que des Juifs fut assumée la nature humaine —, ne soit abaissée à vilenie la gloire du Christ — qui est homme par nature et qui naquit d’entre les hommes et n’a en (cette nature) rien de plus —, il dit ce qui suit : qui est Dieu au-dessus de tout, afin de montrer la gloire du Christ, laquelle vient de Dieu le Verbe qui l’assuma et se l’unit, à lui cause et maître de tout. Et à cause de cette conjonction exacte qu’a cet homme avec Dieu le Fils, toute la création l’honore et même l’adore. Sans doute le bienheureux Paul aurait pu dire : « en qui est Dieu au-dessus de tout », mais il laissa cette (formule) et dit ainsi : Lui qui est Dieu au-dessus de tout, à cause de la conjonction exacte des deux natures. Ce n’est pas que ce qui naquit des Juifs selon la chair, il le crût être naturellement Dieu au-dessus de tout ; ni ce n’est la nature humaine dont il confessait qu’elle est cause de tout et naturellement maîtresse de tout ; mais (comme) Christ en la chair, il reconnaissait la forme d’homme qu’il prit, et celui qui assuma cette forme il le nommait Dieu au-dessus de tout.
Or il dit ces deux choses à la fois pour indiquer la distinction des natures. Car il n’y a personne qui (parlant) de « ce qui est né d’entre les Juifs selon la chair » reconnaisse que naturellement il soit Dieu, ni que « Dieu au-dessus de tout » soit naturellement (issu) des Juifs. Mais du fait qu’il dise ces deux choses à la fois il nous fait connaître la conjonction exacte qu’eut l’assumé avec celui qui assuma ; en sorte que, avec la différence de nature, il indique aussi à tous la dignité et la gloire que l’homme assumé eut de cette conjonction avec Dieu qui l’assuma.

5. Et comme cela encore qu’il écrivit aux Philippiens et dit ainsi : Celui qui est la forme de Dieu et pour qui ce ne fut pas une usurpation de penser ceci, qu’il est à égalité de Dieu ; cependant lui-même s’anéantit et assuma la forme d’esclave, étant en la forme humaine et trouvé en apparence d’homme (Phi 2, 6-7). Ici encore il rend évidente la distinction des natures et que celle-là est la forme de Dieu et celle-ci est la forme d’esclave ; que celle-là assuma et que celle-ci fut assumée ; et que celui qui assuma devint, en celui qui fut assumé, en la forme d’homme ; mais celui qui fut assumé était véritablement forme d’homme, en qui était celui qui l’assuma. Et celui qui assuma — n’étant pas homme mais, de sa nature, incorporel et non composé —, devint en la forme d’esclave, (forme) qui avait naturellement corps et composition ; et c’est selon la loi du corps humain qu’il se trouva être homme. Et c’est ainsi qu’il se cacha lui-même au temps où il fut dans le monde : il conversa avec les hommes, en sorte que tous ceux qui le voyaient vivre en homme et ne connaissant rien d’autre, pensaient qu’il fût un homme commun. Ayant donc dit cela, et rendu manifeste la distinction des natures — par le fait que celle-là est forme de Dieu et celle-ci forme d’esclave, que celle-là assuma et celle-ci fut assumée —, il nous instruisit au sujet de la nature humaine en laquelle était notre Seigneur, et dit en conséquence ce qui convient à la forme d’esclave qu’il assuma : il s’humilia lui-même et obéit jusqu’à la mort, mais la mort de la croix ; à cause de quoi Dieu l’éleva grandement et lui donna un nom au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel et sur terre et sous terre, et que toute langue confesse qu’est Seigneur Jésus-Christ pour la glorification de Dieu son Père (Phi 2, 8-11).

6. Car ce ne fut pas la nature divine qui reçut la mort, mais certainement cet homme assumé (comme) temple par Dieu le Verbe. C’est lui qui fut détruit ; et le ressuscita celui qui l’avait assumé. Et, après la crucifixion, ce ne fut pas la nature divine qui fut élevée, mais le temps assumé : « et il ressuscita d’entre les morts, et monta aux cieux, et s’assit à la droite de Dieu ». Et ce n’est pas à la nature divine, qui est cause de tout, que fut fait ce don que tous l’adorent — puisque tout genou fléchit devant elle —, mais l’adoration fut accordée à la forme d’esclave qui par sa nature ne la possédait pas.
Étant évident et certain que cela fut dit de la nature humaine, il le dit cependant, par communication, de la nature divine, afin que cette parole stupéfie et soit perçue des auditeurs. Car puisqu’il est au-dessus de la nature humaine que tous l’adorent, il faut que ce soit comme d’un seul que cela ait été dit ; en sorte que ce soit par (suite de) la conjonction exacte entre les natures que l’on croie cette parole. En effet, (l’Apôtre) fit connaître clairement d’où ce qui fut assumé peut recevoir un tel honneur : (rien) que de la nature divine de celui qui l’assuma et y demeura.

7. C’est de la même manière aussi que nos pères bienheureux firent quelque chose d’analogue à cela dans la rédaction du symbole de foi. Et d’abord, touchant la nature divine du (Fils) Unique, ils nous enseignèrent que « du Père il est avant tous les siècles et que, de la nature du Père, il fut engendré et non pas fait » ; et qu’il est « vrai Dieu et connaturel à Dieu », parce qu’engendré de son Père. Et après nous avoir enseigné cela de la divinité du (Fils) Unique, ils passèrent à la doctrine de l’économie de son humanité et dirent que « pour nous, hommes, et pour notre salut il descendit du ciel et s’incarna et devint homme » comme nous, pour faire le salut de toute (sa) race. Et ils enseignèrent tout ce qui échut à la nature humaine, par quoi Dieu voulut que fut accomplie son économie en notre faveur ; et que celui qui pour notre salut fut assumé prit sur soi tout ce qui est ordinaire aux hommes, et mérita l’excellence et devint pour nous cause de biens par (notre) association avec lui. Or ils dirent cela d’un seul, en (plein) accord avec la pensée des Écritures. Ce n’est pas que ces choses humaines aient été naturellement opérées du côté du Dieu, mais, à cause de la conjonction exacte avec lui, ils dirent ces choses humaines afin qu’on crût aussi les choses glorieuses dites de lui, qui lui advinrent après sa passion, (choses) qui sont au-dessus de la nature humaine — de sorte que tout le monde en convienne, en apprenant que c’est la nature divine qui se revêtit de cet homme et que c’est par (suite de) sa conjonction avec elle qu’il reçut tant d’honneur et de gloire.

8. Maintes choses donc, comme nous l’avons dit, lui advinrent selon la loi des hommes, que nous pouvons apprendre par l’évangile. En effet, il fut aussi enveloppé de langes après sa naissance et placé en une crèche, il reçut la circoncision selon la Loi, il monta au Temple selon le commandement de Moïse et parut devant le Seigneur ; et il supportait tout cela pendant qu’il croissait en taille, en sagesse et en grâce, étant soumis à ses parents ; et il se conduisait exactement selon toute la justice de la Loi. Ensuite, il se présenta au baptême, afin de nous transmettre par là l’alliance nouvelle, comme en exemple ; et il subit les tentations de Satan, prit sur soi la fatigue des routes et avec beaucoup d’attention offrit à Dieu sa prière. Pour le dire brièvement, il mena une vie tout évangélique, avec beaucoup de fatigue et de sueur, montra sa grande patience envers ceux qui lui faisaient tort ; enfin il s’avança à la mort par la croix, afin de détruire par elle la mort, dans sa résurrection d’entre les morts.

9. Tout cela, nos pères bienheureux le laissèrent (de côté) et dirent : « qui est né de la Vierge Marie et fut crucifié au temps de Ponce Pilate », parce que l’un est le commencement de son économie pour nous, et l’autre en est la fin ; et ils comprirent entre (ces) deux extrêmes toutes les choses que l’une après l’autre nous apprend le livre de l’Évangile. Il naquit donc de la Vierge Marie, comme un homme (soumis) à la loi des hommes, et il fut d’une femme, ainsi que dit l’Apôtre : Dieu envoya son Fils et il fut d’une femme et il fut sous la Loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin que nous recevions l’adoption filiale (Ga 4, 4-5). Or par cet « il fut d’une femme », (l’Apôtre) nous indiqua que c’est selon la loi des hommes, par une femme, qu’il entra dans le monde ; et par cet « il fut sous la Loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin que nous recevions l’adoption filiale » (l’Apôtre indiqua) qu’il a payé pour nous au Législateur la dette de justice et que pour nous il acquit la vie.

10. Puisque par nature il devint comme l’un de nous, nécessairement c’est pour sa race qu’il acquitta la dette ; car il était convenable que lui, à cause de la communauté de nature, fît ce qu’il fit en effet ; et c’est justement que nous avons été sauvés de la servitude d’esclave, à cause de la liberté que par sa grâce il nous accorda. Qu’il n’ait pas été engendré par un homme, mais, par le seul Esprit Saint, formé dans le sein de sa mère, cela est en dehors de la nature humaine ; mais qu’il fût d’une femme, c’est pour nous indiquer que de la nature de la femme il a été formé et est né, selon la loi de la nature. Que telle choses ait été opérée de façon nouvelle et telle autre selon la loi de la nature, la première n’introduit aucun caractère étranger dans la nature : Ève aussi en effet fut d’Adam. Or son origine est différente de (celle) de tous les hommes : sans union conjugale, d’une simple côte, elle reçut sa constitution. Certes, elle possédait communauté de nature, elle, avec Adam, parce que de lui elle avait reçu le principe de son être. De la même manière aussi, nous faut-il comprendre, au sujet du Christ Notre Seigneur, ceci qui est nouveau : que sans union d’un mari, il ait été formé d’une femme par la vertu de l’Esprit Saint — car il participe à la nature humaine du fait qu’il est de la nature de Marie ; puisque par là il est aussi appelé « descendance de David et d’Abraham », parce que par sa nature il est de leur race. Aussi le bienheureux Paul disait-il : Ce n’est pas à des anges qu’il a soumis le monde à venir dont nous parlons, mais comme témoigne l’Écriture, en disant : Qu’est-ce que l’homme que tu te souviennes de lui et le fils de l’homme que tu le visites ? (He 2, 5-6) ; et encore : Ce ne fut pas l’un des anges qu’il assuma, mais de la descendance d’Abraham (ib. 16), indiquant ceci par cette parole : que ce n’est pas des anges que Notre Seigneur assuma un corps,ni (l’un) des anges qu’il fit chef et rénovateur de cette création à venir que nous attendons ; mais qu’il assuma un homme de la descendance d’Abraham, en qui il opéra une telle « économie » ineffable, et qu’il ressuscita le premier d’entre les morts et transféra en la vie immortelle et immuable, et dont il fit le chef et le rénovateur de toute la création, en sorte qu’il fallût le croire chef de la création nouvelle. Homme, selon la loi de la nature il naquit d’une femme ; sans doute avait-il quelque chose de nouveau : ce fait que, seul de tout le genre humain, sans union d’un mari, il ait été, dans un sein, formé par le Saint Esprit. Cependant tout ce qu’il opérait pour nous se produisait selon la loi de notre nature : peu à peu il reçut sa croissance et parvint à la taille parfaite, accomplissant aussi exactement les préceptes de la Loi. Et c’est parce qu’il satisfit à notre obligation envers la Loi, qu’il reçut du Législateur (comme) prix de la victoire, pour avoir observé les préceptes de la Loi, d’attirer par lui à toute sa race cette bénédiction promise par la Loi à ceux qui l’observeraient.

11. Il s’avança aussi au baptême, afin de transmettre d’une manière ordonnée la vie de l’Évangile, et enfin il reçut la mort et abolit la mort. Il eût été simple et facile à Dieu de le faire d’emblée immortel et incorruptible et immuable, comme il devint après la résurrection. Mais parce que ce n’était pas lui seul qu’il voulait faire immortel et immuable, mais nous aussi qui lui sommes associés en sa nature, il fallait, à cause de cette association même, que ce soit lui dont il fit les prémices de nous tous, comme dit le bienheureux Paul : qu’il soit premier en toute chose (Col 1, 19). Il convient à cause de l’association que nous avons avec lui en ce monde, que nous recevions aussi avec lui la participation à ces biens futurs. Et de même que, né d’une femme, peu à peu il reçut la croissance selon la loi des hommes et devint adulte, fut sous la Loi et y conforma sa vie ; de même, de la vie évangélique aussi, offrit-il comme homme aux hommes le modèle. Car puisqu’il convenait que nous, qui devions naître plus tard, recevions la foi en ces biens à venir, et croyions naître plus tard, recevions la foi en ces biens à venir, et croyions que le Christ Notre Seigneur est pour nous le sauveur, le chef et la cause de tout cela, il nous fallait, même en ce monde-ci, ordonner autant que possible nos moeurs selon cette espérance à venir ; nécessairement, pour cela aussi il nous fut un chef. Il s’avança donc au baptême pour donner un modèle à notre baptême à nous, et dès là il se détacha de toute la conduite conforme à la Loi et accomplit toute la vie de l’Évangile. Il se choisit des disciples, établit l’enseignement de la loi et de la doctrine nouvelles, montra les moeurs qui conviennent à sa doctrine, (moeurs) différentes de ce qu’enseigne la Loi, et il enseigna que nos moeurs, à nous aussi qui croyons, devaient être conformes à celles-là.

12. Car nous aussi, une fois baptisés, nous offrons aux regards une figure de ce monde-là. Car, au baptême nous mourons avec lui, et comme en figure nous ressuscitons avec lui ; et nous nous appliquons à nous conduire selon ses préceptes, à cause de l’espérance de ces biens à venir que nous attendons de la résurrection d’entre les morts, laquelle nous donnera société avec lui. Si en effet, à l’heure où le Christ Notre Seigneur ressuscitait d’entre les morts, il avait ressuscité tous les hommes qui depuis toujours étaient morts, et leur avait donné aussitôt la perfection de la vie nouvelle, nous n’aurions eu nul besoin de (ces) actes.Mais puisque naturellement il accomplit de fait en lui seul le renouvellement à venir — il ressuscita d’entre les morts, son corps devint immortel et son âme immuable —, il fallait que ce monde vieux et mortel subsistât encore, afin que les hommes crussent en lui, reçussent en espérance société avec lui et cette vie à venir. Nécessairement donc, il satisfit à la dette de la Loi, s’avança au baptême et montra (l’exemple) des moeurs nouvelles de l’évangile, qui sont une figure du monde à venir ; en sorte que, nous aussi, qui avons cru au Christ et avons obtenu la faveur du baptême et, dans le mystère de ces (rites) avons reçu la figure du monde à venir, il nous faut vivre selon ses commandements.

13. Aussi le bienheureux Paul dit-il : Or grâces soient à Dieu, de ce qu’ayant été esclaves du péché, vous avez obéi de cœur à la forme de doctrine qui vous a été transmise (Ro 6, 17), pour indiquer que par le baptême nous avons reçu une doctrine de vie nouvelle, qui est comme en figure du monde à venir, et selon laquelle, autant que possible, nous nous appliquons à vivre — et non pas selon l’usage de la Loi —, nous éloignant de tout péché. C’est ainsi en effet que nous sommes baptisés : comme des gens qui avec lui mourons et avec lui ressuscitons, comme en figure, car nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ; et nous avons été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, de même que Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts en la gloire de son Père, ainsi nous aussi menions une vie nouvelle (ib. 3-4).
Après avoir reçu la grâce du baptême, nous devenons étrangers à toutes les activités de la Loi, et entrons comme dans une autre vie : vous êtes morts à la Loi par le corps du Christ Jésus (Ro 7, 4) ; (l’Apôtre) dit que par la naissance du baptême, c’est à une vie nouvelle que vous êtes parvenus, et vous êtes devenus une partie du corps du Christ Notre Seigneur. Nous attendons d’avoir société avec lui et, (dès) maintenant, il nous arrache à la vie de ce monde-ci et nous fait mourir au monde et à la Loi, parce que la Loi a puissance sur ce monde, tandis que nous, selon la figure du baptême, nous sommes devenus étrangers à ce monde-ci tout entier.

14. Quand donc le Christ Notre Seigneur eut accompli tout ceci pour nous, alors il s’avança à la mort et la reçut par la croix ; ce ne fut pas en secret, mais sa mort fut manifeste et connue de tous, parce que la résurrection de Notre Seigneur allait devoir être proclamée par les apôtres bienheureux à la création entière. Pour la confirmation de leurs témoignages, les signes merveilleusement opérés par l’Esprit Saint eussent suffi ; cependant il convenait qu’à tout le monde sas mort aussi fût manifestée, car c’est l’abolition de celle-ci que sa résurrection. Il dénoua donc parfaitement les liens de la mort en sa résurrection d’entre les morts, il monta aux cieux et s’assit à la droite de Dieu ; et il nous est un garant véridique, par l’association à sa résurrection : car vous vivez par la grâce de Celui qui nous a ressuscités avec Lui et nous a fait asseoir à la droite dans les cieux, pour montrer aux siècles à venir la grandeur de la richesse et les délices de sa grâce, qui fut répandue sur nous, par Notre Seigneur Jésus-Christ (Éph 2, 5-7). Mais de peur que, à cause de leur grandeur et parce qu’ils sont trop élevés pour nous, nous ne croyons pas à ces biens qu’il nous promit, il nous donna comme arrhes de ce qui est à venir les prémices de l’Esprit Saint. Comme dit le bienheureux Pierre : Il fut élevé par la droite de Dieu, et confirma la promesse de l’Esprit Saint qu’il prit et répandit sur nous abondamment, comme vous-mêmes l’avez vu et entendu (Ac 2, 33) ; il appelle promesse de l’Esprit Saint la grâce qui fut donnée pour la confirmation des biens à venir par l’Esprit Saint ; puisque ces choses à venir, c’est par la vertu de l’Esprit Saint qu’elles subsistent en nous, comme a dit le bienheureux Paul qu’est semé un corps animal et il ressuscitera spirituel (1 Co 15, 44). Puisque par une telle foi certainement nous acquerrons ces biens à venir, il nous donna ici-bas même les prémices de l’Esprit, que nous reçûmes en guise d’arrhes ; ce sur quoi le bienheureux Paul dit : c’est en lui que nous avez cru et avez été marqués, comme d’un sceau, de l’Esprit Saint, qui est une arrhe de notre héritage (Éph 1, 13-14).

15. Telle est l’économie de la grâce que réalisa le Christ Notre Seigneur : c’est pour elle que nous avançons au baptême. Et à bon droit nos pères bienheureux nous ont transmis la profession de foi en en présentant le sommaire et ils y enfermèrent tout ce qu’il fallait en disant : « qui est né de Vierge Marie, a été crucifié au temps de Ponce Pilate ». Mais, me semble-t-il, ce qui a été dit dépasse la mesure convenable. Ces notions sur l’économie de la grâce du Christ nous ayant été transmises en ces termes, de peur que vous ne receviez, vous, un enseignement imparfait, et que nous ne vous soyons à charge par l’abondance des paroles, réservons pour un autre jour, si Dieu le permet, ce qui suit les paroles déjà dites : c’est assez pour maintenant de ce qui a été dit aujourd’hui ; et faisons monter louange au Père et au Fils et à l’Esprit Saint, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Fin de la sixième homélie.

Sources :

Les Homélies catéchétiques de Théodore de Mopsueste, trad. Raymond Tonneau et Robert Devreesse, Biblioteca Apostolica Vaticana, Città del Vaticano, 1949, 1961, p. 131-159.

Avec l’aimable autorisation de A. M. Piazzoni, vice-préfet de la Biblioteca Apostolica Vaticana, pour une publication en ligne jusqu’au 31 décembre 2010.

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